La préservation des manuscrits, le développement des métiers d’artisanat et la promotion du tourisme à Tombouctou. Tels sont les objectifs que se sont assignés l’ONG Lux Développement et la direction et les directions régionales en charge du tourisme et de l’artisanat. Un projet rondement mené mais qui pourrait faire les frais des cris d’orfraie de la France et de l’Europe résolues à rayer cette cité du patrimoine mondial.
Tombouctou. La «ville mystérieuse» ne fait plus mystère de l’énorme manque à gagner consécutif à la désertion des touristes occidentaux qui continuent de bouder le nord du Mali ; les ressortissants de la «Cité des 333 saints» ne savent plus à quel saint se vouer et implorer pour faire revenir ces touristes. Du coup, c’est toute la région qui vit le calvaire, le tourisme, avec les activités qui y sont liées comme l’artisanat, le commerce, etc., étant sa principale source de revenus.
Aujourd’hui, les hôtels ont fermé boutique, les antiquaires ont mis la clé sous le paillasson, les guides touristes sont au chômage, les commerces périclitent, les actions de développement tournent au ralenti ou sont arrêtées, les partenaires au développement ont fait leur valises et gelé les financements. Bref, Tombouctou, singulièrement, et les autres régions du nord sont à l’agonie.
Tout a commencé avec les cris d’alarme de la France et de certains pays de l’Europe qui ont décidé de mettre le septentrion malien dans la catégorie des régions infréquentables pour cause d’insécurité résiduelle. Malgré ces cris d’orfraie, tous ne sont heureusement pas partis, ayant compris qu’ils peuvent aider ce pays, non pas en l’investissant pour y caser leurs propres chômeurs et sans emplois, mais en faisant confiance aux ONG locales et aux services techniques nationaux dont les cadres et techniciens peuvent évoluer librement et en toute sécurité sur un terrain qu’ils maitrisent, de toutes les manières, mieux que les Occidentaux qui viennent en sinécure chez nous. S’ils ont abandonné le terrain, ils n’ont jamais pour autant gelé les financements ni déserté en emportant le matériel.
Parmi ces pays figure le Grand Duché de Luxembourg, présent dans presque toutes les régions déshéritées du Mali, où ses actions sont appréciées par les populations locales.
A Tombouctou, ce pays européen intervient en partenariat opérationnel (MLI 015-ministère de l’artisanat et du tourisme), à travers son agence, Lux Dévelopment, dans le projet MLI/015 Manuscrits de Tombouctou qui vise la valorisation des manuscrits anciens pour un développement économique, social et culturel durable de la région.
Ce projet de la coopération bilatérale Mali-Grand Duché de Luxembourg vise à la promotion de l’artisanat et du tourisme dans le nord. A cet effet, une synergie d’actions a été établie entre la coordination du projet MLI 015 (1 coordinateur, 2 assistants, …), la direction régionale de l’artisanat du tourisme (dirigée par Mohamed Ag Mohamed Mitta) et la direction régionale de l’OMATHO, avec l’assistance de l’expert local, Ali Tandina.
Dans sa mise en œuvre, les projets porteurs et répondant à certains critères seront retenus pour les deux secteurs (artisanat et tourisme).
Sont considérés comme projets porteurs, les activités artisanales et/ou touristiques à forte valeur ajoutée, leviers de croissance, d’emplois et de réduction de la pauvreté. Il s’agit de financer des projets pertinents basés sur le patrimoine écrit et avec les probabilités de réussite incluant des indicateurs comme le rendement, la productivité, la compétitivité et l’acceptation sociale et culturelle. Ils sous-tendent des activités structurantes et intégrées permettant de renforcer les liens entre les différents secteurs, les capacités des différents acteurs, la diversification de l’offre et des marchés cibles.
Pour l’heure, cette heureuse initiative de Lux Development rencontre un grand engouement au niveau des acteurs des deux secteurs. Les artisans et opérateurs touristiques sont à pied d’œuvre pour présenter des projets de qualité dont chacun a l’avantage de générer non seulement des ressources mais aussi de l’emploi, à condition que le tourisme reprenne.
L’exemple luxembourgeois sera-t-il suivi par les autres partenaires au développement ?
Difficile de répondre à cette question si l’on considère l’attitude des autorités. Celles-ci, depuis des mois crient sur tous les toits au complot, à la cabale contre le Mali et son nord. Elles invitent au retour des touristes qui ne risquent rien.
Pourtant, de l’avis des acteurs de l’artisanat et du tourisme, ce sont les autorités elles-mêmes qui donnent le mauvais exemple de la désertion. En effet, les officiels boudent le nord, et s’ils daignent s’y rendre, c’est sous forte escorte militaire.
Comment peuvent-ils alors donner le change ?
Cheick Tandina
Envoyé spécial à Tombouctou