Deux semaines pour faire le tour des régions de Gao et Tombouctou. Cela en valait la peine, surtout quand il s’agit de partager le contenu de l’Accord de paix et de réconciliation avec les populations à la base. Il faut croire que la détermination du ministère de la Réconciliation nationale à recoudre le tissu social de notre pays a désormais peu de limites. Surtout quand les partenaires comme l’Usaid sont là pour accompagner les initiatives.
«Je tiens, au nom du Président de la République et du Gouvernement, à remercier tous ceux qui ont participé à cette caravane […]. Le fait qu’on ait une caravane composée de toutes les composantes socio-ethniques de notre pays et qui puisse partir dans les coins les plus reculés le long du fleuve par ce bateau qui constitue le trait d’union entre toutes nos régions était très important à mon avis. Il fallait montrer que l’Etat est de retour…». C’est en ces termes que le ministre de la Réconciliation nationale, Zahabi Ould Sidi Mohamed, a accueilli, le jeudi 5 novembre, la quarantaine de caravaniers, sur les berges du fleuve Niger, à Koulikoro. Le Mali, si l’on croit le ministre Zahabi, n’oubliera aucun de ses fils. C’est en cela qu’il avait justifié le choix porté sur Modibo Sidibé, cet administrateur civil de classe exceptionnelle, pour parrainer la deuxième phase de ladite caravane.
En effet, le 20 octobre dernier, la caravane composée des représentants des autorités coutumières, des cadres et agents du Département de la Réconciliation nationale, des personnes ressources et des hommes de presse, avait embarqué à bord du bateau qui porte le nom de Firhoun Ag Al Insar. Ce fut ainsi le départ d’un long périple qui a conduit la délégation forte de 40 personnes dans différentes localités des régions de Gao, Tombouctou et Mopti. Il s’agissait pour les caravaniers de partager le contenu de l’Accord de paix avec les populations à la base afin d’obtenir l’adhésion de celles-ci, mais surtout leur expliquer le chantier de la réconciliation nationale et répondre à leurs préoccupations. Conférences locales, distributions des copies de l’Accord de paix, champ de l’hymne national, jeux concours, animations folkloriques, visites de courtoisie aux autorités administratives, municipales et coutumières, Modibo Sidibé et sa suite ont usé de tous les canaux pour véhiculer le message de la paix face à des populations qui, visiblement, n’attendaient que ce pas des autorités maliennes pour exprimer leur soif de paix et du vivre-ensemble. En effet, Les populations riveraines du fleuve Niger ont d’autant plus réaffirmé leur attachement à la mère patrie que tout le long du parcours de la caravane, elles ont scandé des slogans patriotiques. De quoi galvaniser davantage les passagers du «Firhoun Ag Al Insar».
Nous sommes le 21 octobre 2015, à 19 h, lorsque les caravaniers atteignent Youwarou, après des escales dans les villes de Ségou et Mopti. Sur place, ils eurent droit à un accueil dont la chaleur n’a d’égal que l’engagement de la population à accompagner la mise en œuvre de l’Accord de paix. Et il ne pouvait avoir meilleure voix que celle de Demba Konta, 1er adjoint au maire, pour réaffirmer cet engagement. Lui qui s’est montré conscient que la paix est la condition indispensable à tout développement. De son côté, le Préfet, Makan Sissoko, a estimé que, enclavée qu’elle est, la localité de Youwarou est l’une des premières qui bénéficient des retombées de la paix. D’où son appel à l’endroit de ses administrés à s’approprier l’Accord et à accompagner sa mise en œuvre.
Le 22 octobre, le Firhoun Ag Al Insar accoste à Niafunké. Le lendemain, au cours de la conférence locale, le Préfet Boubacar Cheick Condé suscite l’espoir: «La paix et la réconciliation, nous les avons déjà chez nous. Ici, nous avons pardonné», rassure le chef de l’exécutif local, pour ainsi souligner toute la détermination des populations de Niafunké à ressouder le tissu social. Ce fut le même son de cloche à Diré, où la caravane avait été accueillie le 23 octobre, après une escale dans le village de Tonka qui s’est distingué par sa forte mobilisation populaire. Selon le maire de Diré, l’Azalaï Kayes-Kidal servira d’appoint aux efforts locaux que les populations du cercle déploient dans le cadre de la réconciliation nationale. Partant, il a espéré que cette caravane permette aux populations de comprendre mieux l’esprit de l’Accord, dont la diffusion était, dit-il, jusque-là concentrée dans les capitales régionales. Pour sa part, le Préfet, Sékou Samaké, s’est dit convaincu que cette caravane atteindra ses objectifs, après avoir mis l’accent sur les qualités humaines et professionnelles du parrain.
De Diré, les caravaniers posent leurs valises à Tombouctou, via Kabara, le 24 octobre. Certes, la mobilisation ne fut pas à hauteur de l’hospitalité qui caractérise la Cité des 333 Saints, mais les messages véhiculés çà et là ont eu de quoi donner l’espoir à Modibo Sidibé et sa délégation. Au Centre Ahmed Baba, le Gouverneur de la région, Adama Kansaye a salué l’initiative de la caravane et exprimé sa reconnaissance à PAT-Mali. «Aujourd’hui, nous entamons une phase décisive de la mise en œuvre de l’Accord, et chaque étape doit faire l’objet d’une campagne de sensibilisation, afin d’éviter d’autres interprétations tendancieuses», a soutenu le chef de l’Exécutif régional. Partant, il en a appelé à l’esprit d’engagement des Tombouctiens pour l’édification d’un Mali apaisé. Au nom du Conseil municipal, Kalifa Ag Imama a, lui, formulé des vœux pour le retour définitif de la paix dans le pays.
Le 26 octobre, il est environ 14 heures et demi lorsque le bateau s’immobilise à Gourma-Rharous. Le parrain est en terrain connu pour y avoir assuré le commandement entre 1973 et 1978. C’est d’ailleurs en raison de son passage remarqué dans le cercle que la caravane avait eu droit à tous les honneurs. Le maire Abdoulaye Touré s’est dit d’autant fier et satisfait d’accueillir l’Azalaï Kayes-Kidal que le cercle de Rharous, à l’en croire, avait été abandonné depuis quelques années. Partant, il a joint sa voix à celle du Préfet, Abdoulaye Goïta, pour réaffirmer l’adhésion totale de la population à l’Accord de paix et de réconciliation nationale.
L’étape de Bourem, où le bateau Firhoun Ag Al Insar avait accosté dans l’après-midi du 28 octobre, restera certainement longtemps gravé dans l’esprit de plus d’un caravanier, tant la population s’était fortement mobilisée, arborant les couleurs du drapeau national. Après l’exécution de l’hymne national, l’honneur est revenu au maire Amadou Mahamane Touré de souligner le fait que Bourem est, dit-il, à l’avant-garde du vivre-ensemble dans le Nord de notre pays. «Nous connaissons les valeurs de la paix. Avec les années noires que nous avons vécues, nous avons compris que la paix est la denrée la plus précieuse que la terre puisse nous offrir», a soutenu l’élu local, tout en affirmant que Bourem n’a jamais connu d’affrontement communautaire.
A Gao, si la population avait réservé un accueil des plus chaleureux à la caravane, la conférence locale, tenue à l’Ecole des infirmiers, n’a toutefois pas connu la même mobilisation. Mais, l’engagement des jeunes de la Cité des Askia et la présence massive des femmes de Kidal ont été des motifs de satisfaction pour Modibo Sidibé et sa suite. «Nous sommes résolument engagés pour l’application de cet Accord. Nous, acteurs de Gao, sommes en symbiose. Sans la cohésion sociale, rien n’est possible», note le Chef de Cabinet du Gouvernorat, Alassane Diallo, même si, par ailleurs, il se dit conscient que la traduction de ce document en acte est une mission difficile. A en croire M. Diallo, les choses avancent dans sa région depuis les récentes rencontres intercommunautaires d’Anéfis entre les mouvements de la Plateforme et de la CMA.
La dernière étape de cette 2ème phase de l’Azalaï Kayes-Kidal, et non la moindre, fut celle d’Ansongo, à une centaine de kilomètres de Gao, sur la route qui mène à la frontière nigérienne. Ce jour saint de vendredi 30 avril, la mobilisation populaire était visible déjà à partir du village de Tizimizi, à 10 km de Gao. Dans la ville d’Ansongo, c’est une population excitée qui a exprimé sa fierté et son attachement à un Mali un et indivisible.
A chacune des étapes, Ibrahim Achahanga Maïga du ministère de la Réconciliation nationale avait entretenu les populations sur la perspective de la mise en œuvre de l’Accord et le processus de réconciliation. Maïmouna Yattara, quant à lui, avait exposé sur le rôle des femmes et des jeunes dans la mise en œuvre de l’Accord.
Il importe de rappeler que les populations rencontrées en ont profité pour exprimer des besoins et des inquiétudes relatifs aux questions sécuritaires; l’application de l’Accord; la décentralisation; la faible implication des femmes dans le processus de développement du pays. S’y ajoutent le renforcement de la confiance entre l’Etat et les communautés du Nord et entre ces dernières et la Minusma; les questions humanitaires, etc.
En bon pédagogue, le parrain de la caravane avait prêté une oreille attentive aux préoccupations de ses interlocuteurs avant de les appeler à s’approprier l’Accord dont il a souligné le caractère imparfait. «La paix, il faut la vouloir; et quand on veut, on peut», avait-il insisté partout où la caravane est passée. Modibo Sidibé a surtout souligné la constance de la volonté politique en matière de décentralisation au Mali, ce, depuis la première République. Au terme de la caravane, il s’est dit impressionné par la mobilisation populaire, mais surtout la détermination des uns et des autres à donner une chance à la réconciliation nationale et au vivre-ensemble dans notre pays.
Faut-il rappeler que la caravane «Azalaï Kayes-Kidal pour la paix et la réconciliation» est initiée par le ministère de la Réconciliation nationale pour partager avec le plus grand nombre de Maliens le contenu de l’Accord issu du processus de négociation d’Alger.
La première phase s’est déroulée du 3 au 17 juin 2015, et a concerné les régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou et Mopti. Le Projet d’appui à la transition (PAT-Mali) de l’Usaid en est le partenaire financier. L’étape de Kidal est prévue pour bientôt, si l’on en croit le ministre de la Réconciliation nationale.
Bakary SOGODOGO, de retour du Nord du Mali