Les conciliabules et transactions se multiplient et se succèdent sans faire avancer véritablement le processus de la paix dans le septentrion malien. Après une première entente subsidiaire jugée contraire aux dispositions modificatives du Code des collectivités, une autre est récemment intervenue à coups d’annonces. Rien n’indique cependant que les choses vont changer, estiment la plupart des interlocuteurs, en exprimant la crainte que les hautes autorités en perdre du crédit auprès de chancelleries de pays partie-prenantes de l’Accord. «Ils commencent à ne plus y croire», a confié un interlocuteur à ce sujet, au sortir d’un conclave dans une ambassade (dont nous tairont l’identité) où les protagonistes maliens de l’Accord se sont retrouvés récemment pour tirer au clair l’applicabilité du nouveau chronogramme. Les participants à ladite réunion, selon notre source, y sont sortis avec un scepticisme pour le moins mesurable à la lourdeur qui prévaut sur le terrain. En clair, par-delà les fortes contestations suscitées par les modalités de mise en place des autorités intérimaires dès la publication des décrets y afférents, le pré-cantonnement présenté comme une avancée est également si mal conçu que la plupart des groupes armés, à défaut de considérer le retard comme une tentative de les prendre à l’usure, commencent à s’en lasser et respectent à peine les consignes de leur hiérarchie.
Pour ce qui concerne les autorités intérimaires, c’est la date du 15 novembre a été retenue selon le nouveau chronogramme, mais aucun indice ne rassure quant à leur faisabilité à cette échéance s’il faut en juger tant par l’ampleur des contestations que par l’absence des moyens matériels de leur installation. Au point que la plupart des observateurs en déduisent que l’Etat n’est pas encore prêt pour enclencher le processus. Quoi qu’il en soit, leur avènement contribue moins à la dynamique issue du processus d’Alger qu’à agir en facteur de blocage d’une autre composante de l’Accord : la réconciliation nationale.
L’autre aspect de la question – le schéma de démobilisation et de réinsertion des ex-combattants notamment – n’est pas moins sujet à caution. En dépit des signes encourageants comme l’identification des sites et de leur grande disposition des éléments à désarmer, le cantonnement tant attendu ne s’annonce point sous de meilleurs auspices. Ce n’est pas la bonne foi qui des combattants qui fait défaut. Ils ont consenti avec armes et bagages d’être rassemblés en diverses zones isolées appelées site de pré-cantonnement, en attendant l’aménagement de sites réels, mais il nous revient, de sources concordantes, que le processus n’est encadré par aucune commodité ni prise en charge qui puisse mettre les mettre à l’abri de la tentation.
Conséquence : malgré le contrôle des chefs militaires des différents mouvements, des éléments incontrôlés arrivent à déjouer la vigilance de la hiérarchie pour se livrer à des actes de banditisme. Dans les régions de Tombouctou et de Taoudeni, par exemple, la quasi-totalité des attaques à mains armées sur les passagers sont le fait de combattants qui se détachent du lot des pre-cantonnés pour commettre des opérations crapuleuses. C’est dire que le retard pris dans l’effectivité du processus expose chaque jour qui passe les paisibles citoyens à la terreur et à la merci de combattants réduits à vivre de leurs armes.
Qui plus est, chaque jour qui passe voit se détériorer davantage la subordination devant caractériser leurs rapports avec les chefs politiques et militaires, éternels abonnés des hôtels de la capitale ainsi qu’aux réunions interminables avec l’administration centrale et les parties prenantes internationales de l’Accord.
A KEITA