Le Mali est le troisième plus grand producteur aurifère du continent, après l’Afrique du Sud et le Ghana. L’or représente 75% des exportations du pays et 25% du produit intérieur brut. Chaque année depuis 2012, sa production, ignorant la crise, a bondi de 15% dans tout le pays. Même l’exploitation des mines de diamants et de pierres précieuses est en augmentation. Le maillage du territoire offrant de multiples possibilités de blanchiment d’argent, le mouvement d’Al Mourabitoune exploite ce filon, en toute liberté. Les conséquences sont dévastatrices : le marché parallèle affaiblit très fortement l’économie locale.
Certains indicateurs sont alarmants. Au nord, dans les régions de Gao, de Kidal et de Tombouctou, les habitants constatent une dégradation de leur qualité de vie. Et dans les grandes villes, les commerçants du secteur aurifère se plaignent de ne plus vendre. Pourtant, les conditions de travail dans les exploitations minières sont toujours aussi dures, et on y travaille toujours plus. Quand l’or quitte les mains de l’orpailleur, les billets s’échangent à toutes les étapes de la vente. L’honnêteté et parfois la naïveté des petits négociants sur les exploitations, des grossistes en ville, des maisons de négoce et des bijouteries locales sont exploitées. Si la chance sourit à une poignée d’individus, c’est qu’ils font affaire avec les islamistes…
Le mouvement d’Al Mourabitoune blanchit l’argent de ses trafics le plus simplement du monde. L’or et les pierres précieuses sont revendus à des acheteurs étrangers, en provenance d’Europe ou du Moyen-Orient, via la complicité de sociétés écran. Les fonds lui sont ensuite reversés en toute légalité. L’argent provenant, en apparence d’un commerce légal, transite par des banques dépassées par les transactions frauduleuses, malgré la volonté de la Banque mondiale des Etats d’Afrique de l’Ouest de les limiter. Les barons arabes de la drogue se sont même associés avec les terroristes : la sécurité des convois de drogue et l’utilisation de comptes bancaires off-shore est un échange de bons procédés…
Les transferts de fonds s’opèrent aussi via des sociétés d’investissements. Western Union par exemple rend accessible les opérations à tous. Il autorise les virements sur un compte bancaire, depuis internet, un téléphone portable ou encore en guichet. L’anonymat, très souvent aidé de faux papiers d’identité, assure le transfert de 500 euros par jour et par personne. Avec le nombre de fidèles musulmans trompés par les islamistes, notamment issus de la diaspora, les sommes sont considérables…
Toutes les failles du système profitent aux malhonnêtes. Le commerce de l’or se joue encore sur internet, grâce à des sites spécialisés publiant les annonces de coopératives maliennes. Certaines sont prêtes à négocier les prix et à acheminer la marchandise aux quatre coins du monde. Une fonderie à Bamako propose même de fondre l’or, sans preuve d’achat…
André-Joseph CONDE