Au cours des dernières années, la bande sahélienne a subi une forte dégradation de sa situation politico-sécuritaire. Le terrorisme et les grands trafics se sont nourris de l’instabilité politique grandissante à la suite notamment des printemps arabes. AQMI a ainsi pu nouer des alliances et constituer un sanctuaire solide, à partir duquel il peut aujourd’hui former des hommes recrutés au sein des populations locales et renforcer son emprise territoriale. Les États de la région sont directement confrontés à ces problèmes. Les trois principaux États sahéliens faisant l’objet de la présente stratégie sont la Mauritanie, le Mali et le Niger, mais les conditions géographiques et donc les problèmes qui y sont liés – ont aussi des conséquences sur certaines régions du Burkina Faso et du Tchad. Un certain nombre de ces problèmes se répercutent sur les pays voisins, notamment l’Algérie, la Libye, le Maroc et même le Nigeria, dont la coopération est nécessaire pour contribuer à les résoudre. Les récents développements politiques au Maghreb ont des conséquences sur la situation dans le Sahel, compte tenu des relations étroites qui existent entre les pays de ces deux régions, la présence significative de citoyens des pays sahéliens au Maghreb et les risques découlant d’une prolifération d’armes dans la région. Non seulement les problèmes auxquels est confronté le Sahel touchent les populations locales, mais ils ont également de plus en plus de répercussions directes sur les intérêts des citoyens du monde entier.
Dans certains domaines, l’interdépendance entre la sécurité et le développement apparaît clairement. La fragilité des pouvoirs publics influe sur la stabilité de la région et sur sa capacité à combattre la pauvreté et les menaces qui pèsent sur la sécurité, deux phénomènes en progression.
La pauvreté crée une instabilité propre pouvant provoquer des flux migratoires incontrôlés. Les activités terroristes d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), qui a trouvé refuge dans le nord du Mali, représentent une menace pour la sécurité. Cette menace qui cible des intérêts occidentaux s’est aggravée, les vols ayant fait place aux assassinats, dissuadant ainsi les investisseurs d’engager des fonds dans la région. Les moyens et les capacités opérationnelles d’AQMI sont considérables et en expansion. La détérioration des conditions sécuritaires pose un problème pour la coopération au développement et limite l’acheminement de l’aide humanitaire et de l’aide au développement, rendant ainsi la région et ses populations d’autant plus vulnérables.
Les difficultés dans la région
La gouvernance, développement et règlement des conflits: l’éloignement et l’isolement de cette région sensible et les difficultés auxquelles sont confrontés les pays du Sahel pour offrir aux populations locales une protection, une assistance et des mesures visant à favoriser le développement et des services publics, ainsi que la décentralisation insuffisante du processus décisionnel et la répartition inéquitable des revenus provenant d’activités économiques à forte intensité de capital sont particulièrement problématiques. Le faible niveau d’éducation et la pénurie d’offres d’emploi pour les jeunes contribuent à exacerber les tensions et les prédisposent davantage à coopérer avec AQMI ou à prendre part à des activités criminelles pour des raisons financières ou encore à être radicalisés et recrutés par AQMI… La faiblesse de la gouvernance, notamment dans le domaine de la justice, l’exclusion sociale et le niveau de développement toujours insuffisant, auxquels viennent s’ajouter les conflits internes persistants et les rébellions récurrentes dans des régions où règne l’insécurité, rendent les pays du Sahel et leurs populations vulnérables aux activités d’AQMI et des réseaux criminels.
Les problèmes de coordination au niveau politique régional: les menaces qui pèsent sur la sécurité au Sahel – de même que les mesures prises pour y mettre un terme – sont de nature transnationale, mais leur intensité diffère d’un pays à l’autre. Les perceptions, parfois différentes, des trois États du Sahel et leurs trois voisins du Maghreb (Algérie, Libye et Maroc) concernant les menaces et les solutions qui y sont apportées, ainsi que l’absence d’organisation sous régionale réunissant l’ensemble des États du Sahel et du Maghreb ont pour effet d’aboutir à des actions unilatérales et mal coordonnées et de compromettre la crédibilité et l’efficacité des initiatives régionales.
La sécurité et État de droit: les capacités opérationnelles et stratégiques de ces États sont insuffisantes dans les domaines plus généraux de la sécurité, du maintien de l’ordre et du système judiciaire (forces armées, police, justice, gestion des frontières, douanes) pour contrôler le territoire, garantir la sécurité humaine, assurer la prévention et l’élimination des diverses menaces qui pèsent sur la sécurité ainsi que l’application des lois (enquêtes, procès, etc.), dans le respect des droits de l’Homme. Cela se traduit notamment par l’insuffisance des cadres légaux et des capacités de maintien de l’ordre à tous les niveaux, une gestion des frontières inefficace, un déficit de techniques d’investigation et de méthodes modernes de collecte, de transmission et d’échange d’informations, ainsi que des équipements et une infrastructure obsolètes ou inexistants. Le contrôle exercé par l’État sur les régions désertiques du nord du Mali et du Niger est faible. Les ressources disponibles ne sont pas suffisamment utilisées pour lutter contre le terrorisme et les activités illégales.
Enfin la dernière difficulté est la prévention et lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation. Dans la région du Sahel, l’interaction simultanée entre différents facteurs, tels que la pauvreté, l’exclusion sociale, les besoins économiques insatisfaits et la prédication radicale crée le risque d’un développement de l’extrémisme.
Les solutions
La région du Sahel a un intérêt commun à réduire l’insécurité et à améliorer le développement dans la région du Sahel. Il est primordial de renforcer la gouvernance et la stabilité dans les pays du Sahel en promouvant l’État de droit et les droits de l’Homme, ainsi que le développement socioéconomique, notamment au profit des populations locales vulnérables de ces pays. De ce fait plusieurs stratégies ont été mises en place afin de lutter contre l’insécurité dans la zone. Malheureusement, il n’y a pas de stratégie commune tant régionale qu’internationale pour lutter contre ces défis sécuritaires dans le Sahel. Chaque Etat poursuit des objectifs propres conformes à ses intérêts.
Selon le Professeur Gaoussou KOITA « Les problèmes au Sahel sont transfrontaliers et étroitement liés. Seule une stratégie régionale, intégrée et globale permettra de réaliser des progrès pour chacun de ces problèmes spécifiques. Il convient non seulement de renforcer les capacités en matière de sécurité et de maintien de l’ordre, mais aussi de doter les États d’institutions publiques plus fiables et d’administrations répondant davantage de leurs actes, capables d’offrir aux populations des services de développement de base et d’apaiser les tensions internes. Les processus de développement, la promotion de la bonne gouvernance et l’amélioration de la situation sécuritaire doivent être effectués dans un ordre approprié et de manière coordonnée en vue de créer une stabilité durable dans la région».
À l’initiative de l’Algérie et à la suite d’une réunion des chefs d’Etat-major des armées algérienne, nigérienne, malienne et mauritanienne en août 2009, un commandement militaire commun a été créé à Tamanrasset (Algérie) le 20 avril 2010 en vue de coordonner les opérations de lutte contre les groupes terroristes présents au Sahel. En septembre 2010, une cellule commune de renseignement a été mise en place pour surveiller les activités d’AQMI. Si cette structure doit encore produire des résultats concrets sur le plan opérationnel, des initiatives consistant à coordonner les activités entre les pays du Sahel doivent être encouragées.
La stratégie conjointe UE-Afrique, adoptée en décembre 2007, fournit une plateforme globale aux relations entre l’UE et le continent africain. Le Mali, la Mauritanie et le Niger sont concernés par cette stratégie, qui met l’accent sur la nécessité de promouvoir des approches intégrées de la sécurité englobant la prévention des conflits et la consolidation de la paix à long terme, la résolution de conflits et la reconstruction post-conflit en lien avec la gouvernance et le développement durable, en vue de traiter les causes profondes des conflits. L’UE maintient un dialogue soutenu aux niveaux continental, régional et national en matière de paix et sécurité, de bonne gouvernance et de démocratisation. L’UA sera un partenaire privilégié de l’UE dans la mise en place de la Stratégie pour le Sahel.
La CEDEAO a élaboré un cadre régional global pour la promotion de la bonne gouvernance, de la paix et de la sécurité, fondé sur son cadre de prévention des conflits. Elle a également adopté une position commune sur les migrations et une stratégie de lutte contre le trafic de stupéfiants et le crime organisé, auxquelles est venu s’ajouter un plan d’action (plan d’action de Praia) prévoyant un cadre pour une action réglementaire et opérationnelle des États d’Afrique de l’Ouest. L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) travaille avec les pays du Sahel dans le domaine de la coopération des services de maintien de l’ordre régionaux, notamment à travers la plateforme judiciaire des pays du Sahel. L’UE soutient l’ensemble de ces stratégies au moyen de ses instruments de coopération géographiques et thématiques. Les solides relations politiques et l’étroite coopération opérationnelle entre l’UE et la CEDEAO, acteur régional privilégié, seront bénéfiques pour la mise en œuvre de la stratégie Sahel.
Bandiougou DIABATE/ pour Maliweb.net