L’on a beaucoup vu la main du colonel Mouammar Kadhafi derrière l’instabilité dans la bande sahélo-saharienne, depuis de début des années 80. Aujourd’hui disparu, son ombre risque de peser pendant longtemps sur certains pays comme le Mali, l’Algérie, le Niger et la Mauritanie et dans une certaine mesure, sur le Burkina Faso également.
Les nombreux succès remportés par les rebelles du Conseil National de Transition dans leur procession vers la capitale libyenne, Tripoli, et certaines villes réputées être des bastions kadhafistes, et la victoire définitive du CNT qui s’est soldée par la prise de ces bastions et la mort du colonel ne feront pas que des heureux. En effet, si les Libyens, dans leur grande majorité, ont toutes les raisons de jubiler, il en va tout autrement pour certains pays de la bande sahélo-saharienne. En particulier l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger.
Depuis le début de la crise libyenne, ces pays assistent au retour massif et épisodique de leurs ressortissants de la Libye où ils étaient enrôlés dans les rangs de l’armée loyaliste ou des brigades de mercenaires. Avec la chute du dictateur, on peut logiquement penser que ce retour est définitif. Nomades mais aussi sédentaires, membres de différentes communautés locales, ces migrants de retour reviennent armés, surarmés avec, dit-on, de missiles ; donc dotés d’un véritable arsenal et de matériel de guerre. Ayant fait le deuil de leur mécène et privés des importantes ressources générées par leurs activités de mercenaires, ils constituent un risque potentiel d’insécurité pour les différents pays, voire un facteur de déstabilisation pour toute la bande sahélo-saharienne. Et pour cela, il y a plusieurs signaux d’alarme.
En particulier, certaines localités du Nord-Mali sont devenues le théâtre de plusieurs actes de banditisme (braquages de voyageurs, vols de véhicules tout-terrain, destruction de biens publics en signe de protestation contre le retour de l’administration et des casernes militaires, sabotages de la reprise timide des actions de développement…).
Il y a quelques jours, plusieurs membres du Gouvernement, des notabilités et des cadres du Nord ont rencontré les ressortissants maliens de retour de Libye pour essayer de cerner et de pouvoir conjurer la menace que représentent ceux-ci. Si des assurances ont été données de part et d’autre, rien n’indique en revanche que le danger soit définitivement enrayé. Au contraire, le banditisme transfrontalier semble recourir à une nouvelle stratégie de coopération et d’unité d’actions.
Le MTNM (Mouvement Touarègue pour le Nord-Mali, une dissidence de l’Alliance touarègue du Nord-Mali pour le changement, rentrée dans les rangs), décapité par la mort de son fondateur et leader, Ibrahim Ag Bahanga, s’est renforcé par le recrutement de plusieurs combattants de retour de Libye et par la fusion avec le MNA (Mouvement Nigérien de Libération de l’Azawak). Ces deux mouvements seraient toujours très actifs dans le sud-algérien où ils possèderaient toujours des bases-arrières. Et où ils auraient consolidé leur connexion avec l’Al-Qaïda pour le Maghreb islamique.
Or, en fin de week-end dernier, deux Espagnols et une Italienne ont été enlevé en plein territoire algérien, une grande première pour un pays qui se vante volontiers de ses dispositions sécuritaires, pour qui, rien de tel ne peut lui arriver sur son territoire. Il semble également que les ravisseurs de ces trois Européens ont traversé tout le sud algérien, sur des centaines de kilomètres, pour rejoindre leurs cachettes éparpillées dans le vaste nord malien. A l’évidence, ces ravisseurs d’un type nouveau ont échappé à l’armée algérienne, sur son propre sol, d’abord, dans un sud algérien prétendument bien quadrillé, surveillé et défendu ; et ensuite, sur le territoire malien où elle bénéficie d’un droit de poursuite.
L’incident est survenu alors que le président malien effectue une visite de travail chez son puissant voisin du Nord. Donc, obligatoirement, les deux chefs d’Etat ont parlé de sécurité avec, cette fois, moins de suffisance et d’arrogance chez les Algériens. Et pour cause.
Depuis plusieurs années, le président malien, Amadou Toumani Touré, s’échine à demander une rencontre au sommet de tous les chefs d’Etat et de Gouvernement des pays riverains de la bande sahélo-saharienne. Tous les pays. La proposition venant du Mali, pays jugé à tort ou à raison, principalement par l’Algérie d’être le maillon le plus faible de la lutte contre le narcotrafic, le banditisme armé et le terrorisme, elle a été plus ou moins rejetée par certains pairs du président Touré. Qui sont partis jusqu’à interdire l’inscription sur la liste des invités de certains pays, comme le Maroc qui ne serait pas concerné.
Avec l’enlèvement de ces humanitaires Espagnols et Italienne, y’aura-t-il moins de fanfaronnade du côté algérien ? Les habitants et les dirigeants des autres pays de la Bande l’espèrent fortement. Parce que, quoi qu’on dise, même si l’unicité d’action et la participation de tous les pays sont nécessaires pour contrer les fléaux de la Bande, l’implication de l’Algérie est plus que déterminante.
Cheick TANDINA