On ne saurait pour l’instant parler de banditisme juridique au sommet de l’Etat. Pourtant, le gouvernement n’a apparemment rien compris de la leçon de droit que lui ont infligée les députés de sa propre majorité à l’occasion de l’adoption de la fameuse loi sur les autorités intérimaires. Démonstration dans cette analyse de Dr Brahima Fomba, Chargé de Cours aux Facultés de Droit !
On se rappelle que les députés n’avaient accepté de valider ce projet de loi qu’en le débarrassant, à force d’amendements parlementaires, de ses inconstitutionnalités les plus flagrantes. Maintenant que le péril parlementaire a été conjuré et que la Cour constitutionnelle lui a finalement prêté ses « bons et loyaux services » à travers un Arrêt de constitutionnalité juridiquement bancal taillé sur mesure, voilà que le gouvernement récidive. Il a certes abandonné son vieux projet de décret de la pire espèce de monstruosité juridique qui accompagnait son projet de loi sur les autorités intérimaires. Néanmoins l’ombre de ce scandaleux projet de décret initial semble avoir manifestement plané sur le décret n°2016-0332/P-RM du 18 mai 2016 fixant les modalités de mise en œuvre des autorités intérimaires dans les collectivités territoriales. Un décret dont on ne retrouve nulle trace dans les Communiqués officiels habituels des sessions du Conseil des ministres. Un décret qui mentionne de manière ostensible dans ses visas l’Accord d’Alger qu’aucun acte juridique n’a jusque-là intégré dans l’ordonnancement juridique du Mali. On n’est plus tellement loin de la République véritable bananière !
Date inconnue de la session de délibération du conseil des ministres sur le projet de décret fixant les modalités de mise en œuvre des autorités intérimaires
Conformément à l’article 46 de la Constitution, il existe des catégories de décrets qui sont obligatoirement délibérés en Conseil des ministres et qui sont signés par le Président de la République avec contreseing du Premier ministre et, le cas échéant, des ministres responsables.
Un décret doit être délibéré en Conseil des ministres dès lors qu’un texte le prévoit, même si dans la pratique, la nature ou l’importance de certaines questions peuvent expliquer que les décrets y relatifs soient délibérés en Conseil des ministres.
Relève évidemment de cette catégorie de décret délibéré en Conseil des ministres, le décret n°2016-0332/P-RM fixant les modalités de mise en œuvre des autorités intérimaires dans les collectivités territoriales où il est mentionné : « Le Président de la République…statuant en Conseil des ministres, décrète… ».
Dans la pratique et pour des raisons évidentes de transparence, les Communiqués du Conseil des ministres ont toujours informé l’opinion nationale des mesures qui y sont prises.
Le Décret n°2016-0332/P-RM fixant les modalités de mise en œuvre des autorités intérimaires dans les collectivités territoriales date soi-disant du 18 mai 2016. Sachant bien que l’Arrêt n°2016-05/CC qui déclare conforme à la Constitution la loi de référence de ce Décret (la loi n°16-06/5L portant modification de la loi n°2012-007 du 07 février 2012 modifiée portant Code des collectivités territoriales) ne date que du 05 mai 2016, la question se pose de savoir à quel Conseil des ministres le Décret n°2016-0332/P-RM du 18 mai 2016 fixant les modalités de mise en œuvre des autorités intérimaires dans les collectivités territoriales a-t- il été délibéré ?
Cette question se pose dans la mesure où le Décret qui date du 18 mai 2016 ne pouvait avoir été délibéré qu’entre les Conseils des ministres des 11 et 18 mai 2016.
Or bizarrement, dans les Communiqués officiels des Conseils des ministres tenus à ces deux dates tels que diffusés sous la responsabilité de la Primature à travers le Secrétariat Général du Gouvernement, on ne trouve aucune trace de délibération du Décret n°2016-0332/P-RM du 18 mai 2016.
Ainsi le Communiqué officiel du Conseil des ministres du mercredi 11 Mai 2016 sous la présidence du Premier ministre Modibo KEÏTA n’a adopté au titre des projets de textes que quatre projets de décret pour le compte du ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières et un seul projet de décret portant modification du Décret n°07-262/P-RM du 2 août 2007 fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement du Centre de Formation des Collectivités Territoriales pour le compte du ministère de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat.
Quant au Communiqué officiel du Conseil des ministres du mercredi 18 Mai 2016 sous la présidence du Président de la République Ibrahim Boubacar KEÏTA dont la date coïncide exactement avec celle du Décret n°2016-0332/P-RM fixant les modalités de mise en œuvre des autorités intérimaires dans les collectivités territoriales, les seuls projets de textes qui y sont cités sont constitués d’un projet de décret de la Primature fixant le cadre institutionnel de la réforme du secteur de la sécurité, d’un projet de décret pour le compte du ministère de l’Administration Territoriale portant sur l’élection législative partielle de Barouéli et de trois projets de décret relatifs à des avantages et indemnités octroyés à des structures de la part du ministère du Travail et de la Fonction Publique.
Si tant est que le Décret n°2016-0332/P-RM du 18 mai 2016 a été pris par le Président de la République statuant en Conseil des ministres, il ne devrait pas y avoir de mystère autour de la date de tenue de cette session du Conseil des ministres. Or, aussi bien le Conseil des ministres du 11 mai 2016 que celui du 18 mai 2016 ne font une quelconque allusion à la délibération qu’un quelconque projet de décret fixant les modalités de mise en œuvre des autorités intérimaires dans les collectivités territoriales.
A ce sujet, la Primature à travers le Secrétariat Général du Gouvernement doit pouvoir lever le voile sur cette énigme et nous édifier sur cette « omission » incompréhensible.
MENTION IRREGULIERE DE L’ACCORD D’ALGER DANS LES VISAS DU DECRET
Car cette bizarrerie qui caractérise le Décret n°2016-0332/P-RM du 18 mai 2016 fixant les modalités de mise en œuvre des autorités intérimaires dans les collectivités territoriales pourrait bien avoir un lien avec l’illégalité formelle criarde qui l’entache dans sa partie consacrée aux visas. Pour la toute première fois, un texte juridique national fait mention de l’Accord d’Alger de manière expresse.
En effet, on constate que le Décret n°2016-0332/P-RM du 18 mai 2016 s’est permis de viser à la fois la « Constitution » et « l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé les 15 mai et 20 juin 2015 » (10ème visa). En règle générale, l’ordre de présentation des textes visés dans un décret procède d’un classement hiérarchique allant des normes supérieures aux normes inférieures. Alors que personne ne peut pour l’instant sérieusement se prononcer sur sa nature juridique exacte, le Décret n°2016-0332/P-RM du 18 mai 2016 a inséré dans ses visas, l’Accord d’Alger qui se trouve mentionné entre le dernier texte de loi et le premier texte règlementaire visés, comme si l’Accord d’Alger était d’une nature juridique hybride intermédiaire entre la loi et le Décret.
Or l’on sait que l’Accord d’Alger, notamment par rapport à ses dispositions contraires à la Constitution comme celles relatives aux autorités intérimaires prévues uniquement pour les régions du Nord, n’est pas reconnu par l’ordonnancement juridique national du Mali. Même l’Arrêt n°2016-05/CC du 5 mai 2016 de la Cour constitutionnelle n’a pas osé directement et frontalement franchir ce pas, comme cela est attesté par l’énumération pléthorique de la vingtaine de textes juridiques et autres documents qu’elle vise où on ne trouve aucune trace de l’Accord d’Alger. Sans doute consciente du caractère scandaleux d’une telle démarche juridique, la Cour s’est plutôt contentée, au détour d’un de ses considérants, d’un exercice laborieux de coup d’œil furtif à l’Accord d’Alger. Le gouvernement quant à lui semble manifestement se moquer de cette contrainte juridique au prix d’un double langage consistant de sa part à soutenir que les autorités intérimaires constituent à la fois une formule améliorée des Délégations spéciales et une mesure de mise en œuvre des dispositions nordiques de l’Accord d’Alger.
C’est ce double langage qui le conduit à mentionner à tort l’Accord d’Alger dans les visas du son Décret. Même si les visas en tant que tels n’ont pas de portée juridique propre, le fait qu’ils figurent toujours dans les projets de textes juridiques montre bien qu’ils participent de la justification de la compétence du gouvernement en la rattachant à la loi dont il assure l’application et de la mise en évidence des textes dont le projet fait application. La question des visas à cet égard n’est évidemment pas qu’une fantaisie de technique rédactionnelle d’un décret. Dans une certaine mesure, on pourrait même dire qu’elle est au cœur de la problématique du fondement du décret. Le visa a pour objet de préciser le texte appartenant au droit positif sur la base duquel le décret est pris et qui en constitue le fondement juridique.
Un Décret ne devant viser que les textes qui servent de fondement juridique régulier à ses dispositions, dans quelle mesure l’Accord d’Alger peut-il donc valablement servir de fondement juridique au décret d’application de la loi n°2016-013 du 10 mai 2016 portant modification de la loi n°2012-007 du 7 février 2012 modifiée portant Code des collectivités territoriales ? En d’autres termes, un simple décret du gouvernement peut-il faire passer directement l’Accord d’Alger dans le corpus juridique national du Mali ? Le gouvernement se doit de répondre à ces interrogations.
Dr Brahima FOMBA
Chargé de Cours aux Facultés de Droit
Coordinateur Scientifique du Groupe ODYSSEE
Ohhh, Dr Brahima FOMBA vous prechez dans le desert, IBK ne sait pas et ne peut pas diriger un pays. Il n’est venue que pour se venger et pour jour des delices du pouvoirs. Pour le reste, il fait semblant et s’en balance. Pauvre Mali, mais pas auvres Maliens, car le Malien est a l’image de son President , truand, hypocrite et faux. Egoiste jusqu’a la moelle
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