Les négociations d’Alger seraient-elles sur le point de piétiner ? Rien ne paraît plus sûr. Après le round des sociétés civiles, la semaine dernière, celui des mouvements armés devait reprendre aussitôt le relais. Il a dû subir une brusque interruption vraisemblablement imputable à un froid jeté sur le processus par une tournure inattendue, un rythme surprenant imprimé par les mouvements armés intraitables sur leur attachement à l’indépendance pour les uns, au fédéralisme pour d’autres, à l’autonomie pour certains.
Selon nos sources, l’extension du syndrome séparatiste jusque dans les rangs de mouvements loyalistes aura été le facteur déstabilisateur qui a désemparé la partie gouvernementale et contraint le Médiateur algérien à la suspension des pourparlers. Mais la tentative de lever les obstacles, via des négociations de coulisses pour concilier les vues, a manifestement pris du plomb dans l’aile car la reprise du processus, annoncée pour ce dimanche, a été finalement ajournée à aujourd’hui ou demain mardi sans aucune assurance d’un retour effectif des protagonistes à la table des négociations.
Le climat délétère d’Alger n’est pas dissociable de la forte pression exercée sur certains représentants de mouvement armée depuis Kidal par leurs tendances extrémistes de plus en plus majoritaire dans l’Adrar. C’est là, en effet, qu’une manifestation publique (marche et meeting), sous la présidence du patriarche Attacher Ag Intallah, a été initié samedi à coups de slogans et mots d’ordre favorables à l’indépendance pure et simple de l’Azawad. L’événement a réuni monde mais s’est conclu sur la note tragique d’une vingtaine de blessés à bords d’un véhicule qui a fait tonneau lors des démonstrations jubilatoires. Néanmoins les tenants de l’indépendance ne renoncent pas à vouloir reproduire une manifestation similaire dans chacune des capitales régionales du septentrion, en l’occurrence Gao et Tombouctou. Quoique des mouvements loyalistes se soient engagés, dans une déclaration commune, à défendre d’une même voix un statut fédéral, il parait très improbable qu’un penchant fédéraliste ou séparatiste puisse retentir au-delà de la Région de Kidal.
Idem du côté de la partie gouvernementale qui a reçu des instructions fermes du président de la République d’observer jusqu’au bout la ligne rouge suivante : ni autonomie ni indépendance.
Face à l’élargissement du fossé entre l’Etat et les mouvements – les seconds ayant poussé la surenchère jusqu’à vouloir imposer Mopti comme capitale du Mali -, les autorités maliennes, selon toute vraisemblance, n’excluent point de déjouer la guerre d’usure où elles sont prises par leurs interlocuteurs en conciliant négociations et exploration d’un éventuel règlement militaire. C’est le signal donné par le chef de la diplomatie malienne depuis Moscou où Abdoulaye Diop a annoncé l’acquisition de quantité d’armes par la voie de la coopération bilatérale Mali-Russie. Reste à savoir si la donne va dissuader une vague séparatiste forte de sa nette longueur d’avance : l’avantage d’avoir réussi à occuper le territoire aux dépens des forces régulières.
Abdrahmane Kéïta