L’armée malienne a enfin réussi à imposer sa vérité aux bandits armés liés au réseau de narco trafiquants qui ont vandalisé le weekend dernier le chantier de construction de la caserne d’Abéibara dans le nord du Mali. Que s’est il réellement passé? Quelles étaient les vraies intentions des assaillants ? Qui est derrière cette attaque ? Nous avons enquêté.
« L’armée vient d’arriver, les assaillants ont fui. Nous sommes enfin soulagés. » Au bout du téléphone un certain Moussa nous donne l’information dans une explosion de joie. Il y’a 48 heures, le même Moussa nous informais qu’il était presque pris en otage avec ses collègues par de mystérieux visiteurs qui ont tout cassé sur le chantier et emporté leur coffre fort. Pendant ce temps à Bamako les services de sécurité se sont mis en branle.
Les faits :
Le dimanche 02 Octobre, aux environs de 16 heures, une quarantaine d’hommes armés à bord de véhicules 4X4, débarquent sur le chantier de construction de la caserne d’Abéibara. Ils tiennent les ouvriers en respect. Personne ne bouge. Les étranges visiteurs avaient un seul message : « Vous quittez ces lieux et n’y mettez plus pied ». A l’aide d’explosifs dont la nature n’a pas été déterminée, ils font exploser le magasin et les dortoirs du personnel. Ils saccagent tout et promettent de revenir pour châtier les contrevenants à leurs injonctions.
Le chef de chantier et ses manœuvres restent tétanisés ne sachant plus quoi faire. Pour rassurer les assaillants, ils négocient leur redéploiement sur Kidal en attendant que les autorités ne prennent des mesures sécuritaires appropriées. Le chef de chantier laisse entendre qu’ils ont emporté le coffre fort avec des millions dont on ne connait pas le montant exact. Nous avons contacté Mr Djiré, patron de l’entreprise pour évaluer les pertes. « Au moment où je vous parle, nous avons envoyé une équipe pour constater et évaluer les dégâts. J’ai appris que le coffre fort n’a pas été encore retrouvé, mais je suppose qu’il doit se trouver sous les décombres. Mais je n’en sais rien d’abord. » Nous a affirmé notre interlocuteur. Qui peut bien être à la base de cette attaque ? Sa réponse est bien claire : « Dans le cadre de la promotion de l’emploi local, nous avons recruté des jeunes ressortissants de la localité. Nous leur avons accordé des avantages spéciaux. Parmi eux, il y’en a pas un qui ne doit pas plus de deux cents milles FCFA à l’entreprise. S’il ya des gens qui peuvent s’attaquer à ce chantier, ça ne peut être que ces gens. Ils se disent qu’ils sont chez eux et qu’ils peuvent tout se permettre. Mais la suite des enquêtes nous en dira plus. »
Pourtant, les autorités locales dont le Préfet et le Maire n’ont pas bougé d’un pas, alors qu’ils connaissent bien le fond du problème et ils connaissent les vrais auteurs de cet acte de vandalisme. Pourquoi ? Malgré tous nos efforts, nous n’avons pu joindre ni l’un ni l’autre. Quel peut être leur degré de responsabilité dans cette sombre affaire ? Les supputations vont bon train. En effet, Abéibara est une zone presque colonisée par les narco trafiquants et les marchands d’armes d’origine diverses. A priori, on sait bien que les populations locales vivent en majorité des activités liées à ce réseau. Il est donc clair que la construction d’une caserne dans une telle localité ne sera pas du plaisir pour la mafia qui gouverne les lieux. Et cette mafia est bien connue et du Préfet et du maire. Allez comprendre le reste !
Cette situation de menace est tout aussi bien connue des autorités militaires qui, curieusement n’ont visiblement rien entrepris pour sécuriser les chantiers en situation d’insécurité. Selon nos informations, le ministère de la défense, celui de l’administration territoriale ont pourtant bel et bien été associés à l’élaboration du vaste Programme pour la Sécurité et le Développement du Nord (PSPSDN).
Malgré tout, aucune disposition préventive n’avait été encore prise du côté des forces de sécurité. Pourquoi ? Nous n’avons eu aucune réponse.
Les services de communication de notre armée sont muets comme des « carpes », donnant ainsi libre cours à l’intox. C’est ainsi que sur une chaine étrangère, le commentaire du reporter sur l’évènement faisait croire qu’il s’agit d’une nouvelle attaque d’AQMI ou d’un règlement de compte entre groupes de narco trafiquants.
Au fond, certaines entreprises qui s’estiment lésées dans l’attribution des marchés relatifs au Programme ont juré ouvertement d’en découdre avec le Coordinateur du PSPSDN, Mohamed Ag Erlaf. Lors du lancement de son programme, Ag Erlaf avait tenu à expliquer les conditions de transparence dans lesquelles les marchés ont été attribués. « Nous n’avons fait aucune discrimination. Seules les entreprises qui répondaient aux critères définis dans les dossiers d’appel d’offres ont été retenues. Tout s’est passé dans la transparence la plus totale » avait fait savoir Ag Erlaf à la presse.
La procédure en la matière veut désormais que toute entreprise, toute société qui aurait été victime d’abus dans un appel d’offres peut demander réparation à l’Autorité de régulation des marchés publics.
Après avoir vérifié, nous nous sommes rendus compte qu’aucune plainte relative à un marché du Programme, n’a été introduite à ce niveau jusqu’au moment où nous mettons sous presse. Pourquoi donc s’attaqueraient-elles aux chantiers ? Il y’a donc d’autres motifs qui ne tarderont pas à éclater au grand jour.
Mais en attendant, il est temps que les autorités prennent toutes leurs responsabilités par rapport à ce Programme qui est la meilleure réponse aux multiples crises violentes qui secouent notre pays dans ses zones les plus sensibles, c’est-à-dire le Nord. L’engouement et l’enthousiasme des partenaires au Développements méritent d’être entretenus et soutenus.
C’est une question du sens de l’Etat, donc de responsabilité !
Abdoulaye Niangaly