Inconséquence, escobarderie, réveil brutal de l’irrédentisme et de la revendication autonomiste mis en veilleuse par l’Accord pour la paix et la réconciliation ? La manifestation de la population de Kidal contre les symboles de l’État de ce mercredi est d’une incongruité ignominieuse.
Selon nos sources, c’est une mission d’échange entre des élus de la Nation et les représentants de la population, au camp MOC de Kidal, sur l’ordre du jour de hisser le drapeau national dans ledit camp qui a servi de prétexte à un déchaînement que rien ne justifiait. Comme s’il ne suffisait pas de trimballer à terre l’emblème national, les séditieux se sont acharnés sur le Gouvernorat, s’en prenant avec une détermination inouïe sur les inscriptions sur le panneau à l’entrée principale de cette représentation de l’État.
La rengaine
Comme toujours, les responsables des Mouvements signataires n’assument aucune responsabilité dans cette énième défiance vis-à-vis de l’État. En cela, la rengaine est connue : « ce sont les femmes et les enfants qui ne sont pas contents et qui manifestent ».
Mais, pour une fois, il semble y avoir une lézarde dans le mur de la Coordination des mouvements armés (CMA) puisqu’une source confidentielle rapporte que Algabass Ag INTALLAH rejetterait la responsabilité de ces débordements sur le MNLA, précisant que le drapeau du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), son Mouvement, n’était pas visible parmi les manifestants.
En fait, les incongruités n’ont d’égal que les motivations inavouées de cette saute d’humeur de la population (une partie instrumentalisée ?) de Kidal abonnée à s’attaquer aux symboles de l’État.
Primo, cette fois-ci, l’argument ridicule et risible consistant à prendre les femmes et les enfants pour parade ne tient pas la route. Ce sont des responsables de la ville qui étaient conviés à la rencontre avec les députés mandatés pour une mission de sensibilisation. C’est seulement leur mécontentement qui a pu déteindre sur la population qui n’en demandait certainement pas tant pour passer à l’action.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase
Secundo, et c’est un crève-cœur, ce sont les mouvements armés qui contrôlent Kidal autant du point de vue sécuritaire qu’administratif. Une preuve est la décision n° 09/2019/CD/CMA du 30 janvier 2019 portant mise en place d’une opération de police de sécurisation et la décision n°10 /2019/CD/CMA de la même date, relative aux dispositions générales concernant le traitement de certains aspects jugés d’utilité publique. De ce fait, tout désordre, toute atteinte à la souveraineté de l’État, dont l’emblème national est l’un des symboles, révèle soit une défaillance, soit une complicité des mouvements signataires présents à Kidal, s’ils n’en sont pas les instigateurs.
Tertio, l’ordre du jour portait sur le déploiement du drapeau national dans le camp MOC où sont casernés des éléments des FAMa, en application de l’Accord. Aux termes du même Accord, les mouvements reconnaissent la souveraineté de l’État sur toute l’étendue du territoire national dont Kidal. C’est ce qui est stipulé dans l’article 1er : ‘’les Parties, dans l’esprit de la Feuille de route, réitèrent leur attachement aux principes ci-après : a) respect de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’État du Mali, ainsi que de sa forme républicaine et son caractère laïc (…)’’. La manifestation de ce mercredi n’est ni plus ni moins qu’une remise en cause de cette disposition de l’Accord pour la paix et la réconciliation auquel les mouvements jurent, la main sur le cœur, être attachés.
Le contraste kidaloi
Quarto, il y a des dividendes de la paix (donc de l’Accord qui est piétiné) sur lesquels les populations de Kidal ne crachent pas. Personne n’a marché à Kidal contre l’installation de puissants groupes électrogènes. Personne n’a marché contre l’ouverture d’un magasin de vivres qui est malheureusement souvent pillé par les plus forts au détriment des plus faibles. Ce sont les populations, par le biais de leurs représentants (légitimes ou illégitimes), qui demandent la réouverture des services sociaux de base. Rien de tout cela n’est possible sans l’Etat auquel la population se montre paradoxalement réfractaire.
De ce qui précède, l’on est fondé à croire une logique contestatrice de la souveraineté de l’État sur l’ensemble du territoire national par cette population. À cet effet, il faut rappeler l’incident du 25 Mai 2019, journée de l’Afrique.
La défiance
Au cours d’une réception offerte par Pierre BUYOYA, Représentant spécial de MISAHEL, alors que tous les diplomates et les Maliens étaient debout avec respect et solennité, au moment de l’exécution de l’Hymne national, le président de la CMA, Sidi Brahim Ould Sidatti, était d’abord assis, ensuite quand il s’est levé, avec désinvolture, il avait les bras croisés. Ce qui a valu bien sûr un recadrage de la part de Tiébilé DRAME, ministre des Affaires étrangères. « L’Accord d’Alger, c’est un tout. On ne peut pas le saucissonner. L’Accord d’Alger, c’est l’armée nationale reconstituée, ce sont les zones de développement économique, ce sont les réformes politiques pour renforcer la réconciliation nationale et la démocratie. L’Accord d’Alger, beaucoup l’oublient, c’est le respect de l’intégrité du territoire national, c’est le respect de l’unité nationale, c’est le respect de la forme républicaine et laïque de l’État.
L’Accord d’Alger, c’est le respect du drapeau national, le respect de l’hymne national, le chant du Mali », a martelé le ministre DRAME.
Mais, il y a eu d’autres épisodes où le drapeau national a servi de défouloir à la population à Kidal, où l’armée nationale a été lapidée et insultée par cette même population. Où est le sérieux ? Il est temps d’arrêter ce cycle dangereux de défiance de l’État par une population qui depuis plus de 5 ans profite de la solidarité nationale sans verser un sou dans les caisses du pays au titre des impôts et taxes. Ça suffit.
PAR BERTIN DAKOUO