Aqmi-Mujao-Ansardine-Al Mourabitoune-Flm : Ces terroristes qui menacent le Mali

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rebellesUne évidence : le Mali est en passe de devenir la terre promise des groupes terroristes qui en ont carrément fait une (seconde) patrie. Au groupe historique, Aqmi de Ayman al-Zawahiri, sont venus se greffer, à la faveur de la crise déclenchée en 2012 dans le nord du Mali, le Mujao de Hamada Ould Mohamed Kheirou puis Al-Mourabitoune de Abou Bakr Al-Nasr, avec toutes les exactions et violences commises sur les populations ainsi que l’effritement de l’autorité de l’Etat.

Aujourd’hui, le terrain terroriste au Mali fleurit avec l’avènement, l’implantation et l’activisme de deux groupes locaux, tout aussi nuisibles : Ansardine de Iyad Ag Ghaly et le Front de libération du Macina de Hamadoun Kouffa. D’Est en ouest, du nord au sud, le Mali est quadrillé et pilonné par des attaques et des attentats revendiqués par l’un de ces groupes ou attribués à eux. Les populations vivent dans la peur et la terreur. L’Etat assiste, impuissant, au règne des djihadistes sur son territoire et donc à la perte de son autorité. La nation tend à la dislocation. Que reste-t-il du Mali ? Misère et mystère.

Quels sont ces groupes terroristes et djihadistes qui menacent autant l’existence du Mali ? D’où viennent-ils ? Qui les dirigent ? Quels sont leurs principaux faits de guerre ? Revue de troupe !

« Dieu a abandonné le Mali ! », « Notre pays n’a ce qu’il mérite ! », « Diamana ta tjignèna ! » (Traduction: le pays est foutu !). C’est avec le cœur meurtri et un air souvent teinté de révolte que certains Maliens lâchent ces phrases interjectives. Et nul ne leur en voudra au vu du contexte sécuritaire actuel du pays marqué par le règne des groupes terroristes et djihadistes dont les actes plombent le développement national, mais surtout plongent les populations dans un état de terreur inédit.

 

Terreur au pays

Après avoir occupé le nord du pays au lendemain du coup d’Etat du 22 mars 2012 et replié après l’intervention française du 11 janvier 2013, les terroristes réactivent leurs services, tournent à plein régime sur l’ensemble du territoire national et commettent  à leur guise leurs forfaits. Quasiment aucun jour ne passe aujourd’hui sans qu’on apprenne une nouvelle d’acte terroriste commis à tel ou tel endroit du pays et revendiqué peu après par Aqmi, Al-mourabitoune, Ansardine ou Flm.

Les attentats se sont particulièrement intensifiés depuis la signature de l’Accord par le gouvernement (le 15 mai 2015) et par la CMA (le 20 juin). Pour preuve :

Le 10 juin à Misséni, région de Sikasso, des djihadistes tuent un gendarme, incendient des véhicules et hissent leur drapeau noir dans le camp militaire.

Le 14 juin, des combats éclatent au nord de Gao entre des hommes d’Al-Mourabitoune qui ont rallié l’État islamique et des djihadistes restés fidèles à al-Qaïda.

Le 16 juin, 5 combattants de la Force de libération du Macina sont tués et un soldat malien blessé lors d’un affrontement près de Mopti.

Le 27 juin, une attaque djihadiste est repoussée par l’armée malienne à Nara, 3 soldats maliens et 9 assaillants sont tués.

Le 28 juin, des hommes armés se réclamant d’Ansardine prennent pendant quelques heures le contrôle de la ville de Fakola sans rencontrer de résistance, avant de se replier.

Le 2 juillet, Aqmi tend une embuscade à Takoumbaout, entre Goundam et Tombouctou, à un convoi de casques bleus du Burkina Faso, faisant 6 morts et 5 blessés.

Le 16 juillet, l’armée malienne attaque et démantèle un camp djihadiste dans la forêt de Sama, près de la frontière avec la Côte d’Ivoire. Plusieurs dizaines d’islamistes sont tués ou faits prisonniers.

Le 20 juillet, des combats ont lieu à Talataye et Idelimane, près d’Ansongo selon la CMA qui affirme avoir eu 2 tués dans ses rangs contre 12 morts et 15 blessés chez les milices pro-gouvernementales qu’elle accuse également de la mort de trois civils.

Le 1er août, 2 soldats maliens sont tués et 4 blessés dans une embuscade près de Toulé, entre Nampala et Diabaly.

Le 3 août, un groupe de djihadistes attaque Gourma-Rharous et tue 11 gardes nationaux.

Le 7 août, une attaque et une prise d’otages font 13 morts parmi le personnel de la Minusma, les militaires maliens et les assaillants.

Le 10 août, un véhicule militaire saute sur une mine entre Dia et Diafarabé, cercle de Ténenkou, tuant 3 soldats.

Dans la nuit du 12 août, le poste de police de l’autogare de Sogoninko, en commune VI du District de Bamako, est la cible d’une attaque par des inconnus qui a fait 2 blessés.

Dans la nuit du 13 au 14 août, le village de Barkérou, dans la commune de Nampala, cercle de Niono, région de Ségou, a été pris pour cible par des hommes armés qui ont tué l’imam de la petite localité, El Hadj Sékou Ba.

 

Ansardine et Flm: deux fronts maliens dans la danse

Ces deux groupes terroristes ont la particularité d’avoir été créés au Mali et par des Maliens et dirigés par des concitoyens. Aujourd’hui, ils font plus de mal que les terroristes venus d’ailleurs.

Ansardine, qu’on peut traduire par « défenseurs de la religion », est un groupe armé salafiste djihadiste fondé et dirigé par Iyad Ag Ghali, un des principaux chefs de la 4. Apparu au début de l’année 2012, ce groupe ne doit pas être confondu avec son homonyme, mouvement légalisé en 1992, revendiquant 800 000 soutiens dirigés par le prédicateur Chérif Ousmane Haïdara, vice-président du Haut Conseil islamique du Mali. Le groupe est considéré comme terroriste par les États-Unis et l’ONU.

Le 18 mars 2012, le mouvement affirme combattre pour instaurer la charia à l’ensemble du Mali : « À compter de ce jour, nous nous engageons à la lutte armée sans merci pour l’application de la charia, dans un premier temps dans l’Adrar des Ifoghas. Quiconque est d’accord avec cette position est avec nous. Nous sommes des musulmans du Mali (…) et notre objectif est de convaincre de gré ou de force les autres à appliquer la charia. Nous ne voulons pas une République indépendante à part, mais une république islamique. »

Dès le début de la guerre du Mali, Ansardine s’allie avec Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi).

Alghabasse Ag Intalla, fils de l’amenokal des Ifoghas, est le principal responsable diplomatique du mouvement à sa création. Mais, il rompt avec Ansardine, en janvier 2013 pour fonder le MIA. Abou Mohame, dit Cheikh Ag Aoussa et Haroune Ag Saïd, dit Abou Jamal, sont considérés comme faisant partie des plus proches lieutenants d’Iyad Ag Ghali. Mohamed Moussa Ag Mouhamed est présenté comme le numéro 3 du mouvement. L’un des principaux chefs est Mohamed Ag Aghaly Ag Wambadja, dit Abdelkrim Kojak. Il a fait partie du MNLA, et c’est un ancien bras droit d’Ibrahim ag Bahanga.

Au sein de l’organisation, figure plusieurs émirs : Abderrahman Gouli, dit Wathik, Abou Abida, dit Mourabiti Ben Moula, chef de la katiba Tawhid, Athman Ag Houdi, Mohamed Moussa chef de la katiba El Hisba, et Abou Tourab, chef de El Amr Bil Maarouv Weneuhye Ani Al Mounkar.

Début décembre 2012, une nouvelle katiba est créée au sein d’Ansar Dine, baptisée Ansar al-Charia, et commandée par Omar Ould Hamaha. Elle est constituée principalement d’Arabes de la région de Tombouctou. Elle comporterait également des transfuges du MAA.

Le 2 janvier 2013, Sultan Ould Bady, émir de la katiba Saladin, quitte le MUJAO et rejoint Ansar Dine avec ses hommes.

À l’été 2013, parmi les principaux chefs figureraient Ibrahim Ag Inawelan, dit « Ibrahim Dina », commandant pour la région d’Aguel’hoc, Ayoub Ag Assarid, Malick Ouanesnat et Inawalen Ag Ahmed. Ibrahim Ag Inawalen, dit « Bana » est tué par les Français la nuit du 17 au 18 mai 2015, il était alors considéré par l’armée française comme le numéro 2 d’Ansar Dine.

En 2015, deux autres katiba sont formées dans le sud du Mali : la katiba « Macina » dans la région de Mopti et la katiba « Khaled Ben Walid » à l’extrême sud du pays, près de la frontière avec la Côte d’Ivoire.

Le groupe a contrôlé pendant dix mois le nord du Mali entre 2012 et 2013 et continue toujours à s’activer en toute liberté.

Le Front de libération du Macina (Flm) est un groupe armé djihadiste allié à Ansardine, fondé et dirigé par Hamadoun Kouffa, un fidèle parmi les fidèles de Iyad Ag Ghali.

Apparu en janvier 2015 avec l’attaque de la même ville de Nampala, le Flm ambitionne d’étendre le terrorisme djihadiste au sud du Mali.

Ce groupe revendique la quasi-totalité des attaques qui surviennent dans les régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou et Mopti. Exemple frappant : un cadre djihadiste proche du prédicateur Hamadoun Kouffa a revendiqué l’attaque de l’hôtel Byblos de Sévaré qui a fait 13 morts.

Mieux, l’assassinat de l’imam El Hadj Sékou Ba est imputé aux hommes de Hamadoun Kouffa.

Selon Human Rights Watch, dans le Centre du Mali, le Front de libération du Macina, a commis de graves abus au cours d’opérations militaires contre les forces de sécurité maliennes. Les assaillants ont exécuté sommairement au moins 5 hommes soupçonnés d’avoir travaillé comme guides ou d’avoir fourni des informations à l’armée. Depuis janvier 2015, ils ont attaqué plusieurs villes et villages dans les régions de Mopti et Ségou, dans le Centre du Mali. Parmi les villes attaquées figurent Nampala, Ténenkou, Dioura, Boulkessi, Gathi-Lemou et Dogofry.

Des témoins ont raconté que des combattants de ce groupe ont traîné le chef d’un village près de Dioura hors de sa maison avant de l’exécuter, et qu’ils ont abattu un autre homme un jour de marché dans un village près de Nampala. Le groupe a également incendié plusieurs bâtiments publics. Lors des réunions publiques et dans des tracts distribués dans les villes et les villages, le groupe a menacé de mort la population locale si elle collaborait avec les forces françaises, le gouvernement ou la Minusma.

 

Ces nébuleuses venues d’ailleurs

Ansardine et le Flm rejoignent dans le giron terroriste ces groupes sans frontière qui frappent partout à travers le monde.

Al-Qaïda en Afrique de l’ouest ou Al-Mourabitoune est né le 22 août 2013 de la fusion du Mujao et des Signataires par le sang par Ahmed Ould Amer, dit Ahmed al-Tilemsi et Mokhtar Belmokhtar. Cette fusion avait été demandée par le chef d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri.

Le nom de Al-Mourabitoune, qui signifie les Almoravides, est choisi en référence à la dynastie berbère des Almoravides qui régna aux XIe et XIIe siècles à l’ouest du Sahara et au sud de la péninsule Ibérique.

Al-Mourabitoune est actif dans la région de Gao, au Mali, et au nord du Niger, une partie de ses combattants est liée financièrement au trafic de stupéfiants. L’organisation dispose également de contacts en Tunisie, en Libye, au Soudan, ainsi qu’en Égypte avec le Groupe des partisans de la maison sacrée, et au Nigéria avec Boko Haram.

Le mouvement dispose à sa création d’environ 300 hommes divisés en trois katiba[]. En 2015, il compterait 500 à 600 hommes. Le groupe n’est pas organisé selon une hiérarchie pyramidale, il est dirigé par une choura, un conseil consultatif où siègent plusieurs membres dont Mokhtar Belmokhtar. Il est très actif au Mali. Deux cas pratiques :

Le 26 janvier 2015, à Bamako, le général Mohamed Abderrahmane Ould Meydou échappe à une tentative d’assassinat commise par deux hommes armés. Al-Mourabitoune revendique l’attaque le 7 mars[].

Le même7 mars 2015, le mouvement revendique un attentat commis le jour même à Bamako où un commando d’hommes armés ouvre le feu dans un bar-restaurant-boîte de nuit (La Terrase), tuant 5 personnes, dont 3 Maliens, un Français et un Belge, et faisant huit blessés. Le mouvement affirme avoir commis cette attaque pour venger la mort d’Ahmed al-Tilemsi. L’un des auteurs est localisé à Magnambougou et tué le matin du 13 mars dans un assaut mené par les forces spéciales de la Sécurité d’Etat.

Al-Qaïda au Maghreb islamique ou Aqmi est une organisation islamiste terroriste d’origine algérienne. Avant le 25 janvier 2007, elle était connue sous le nom de Groupe salafiste pour la prédication et le combat[] (Gspc), groupe issu d’une dissidence du Groupe islamique armé (GIA). Le groupe revendique plusieurs attaques au Mali.

Quant au Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), il est issu d’une scission d’Aqmi mi-2011 dans le but d’étendre l’insurrection islamiste du Maghreb en Afrique de l’Ouest. En août 2013, le mouvement fusionne avec les Signataires par le sang pour former Al-Mourabitoune. Le groupe est placé sur la liste de l’ONU des organisations proches d’Al-Qaïda, liste instituée dans le cadre de la résolution 1267 de 1999 visant à lutter contre le terrorisme. Le haut commandement du Mujao n’est pas connu avec précision, le fondateur et chef du mouvement est Hamada Ould Mohamed Kheirou.

Il s’est notamment spécialisé au Mali dans la prise d’otages, en plus des exactions de la charia. Le 5 avril 2012, à Gao, le Mujao capture sept diplomates algériens. À la suite de négociations secrètes, trois d’entre eux sont libérés en juillet 2012.

Le 20 novembre 2012, un Franco-Portugais, Gilberto Rodrigues Leal, est enlevé à Diéma par le Mujao. Le 22 avril 2014, le groupe djihadiste annonce la mort de l’otage.

Au Mali, c’est désormais avec tous ces groupes terroristes et djihadistes qu’il faut compter. Au quotidien.

Sékou Tamboura

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