AQMI au Sahel :Les Français du Mali mécontents de leur gouvernement

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A force d’enlèvements et d’exécutions au Sahel, Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) est en train de réaliser l’objectif affiché par Oussama Ben Laden dans son message à la France, le 27 octobre 2010 : pousser au départ les Occidentaux, qu’ils soient humanitaires, chercheurs ou touristes. Exemple au Mali, où les Français sont invités à quitter le territoire.

Après plus d’un an dans ce pays, Alain (le prénom a été changé) a reçu le 25 mars un e-mail lui signifiant qu’il avait quatre jours pour faire ses bagages et quitter le pays :
« Je n’ai pu dire au revoir à personne. Je m’étais créé un bon réseau de contacts, j’ai tout perdu du jour au lendemain. »

Comme quelque 70 volontaires français au Mali et au Niger, ce Volontaire international en entreprise (VIE) a été rapatrié sans grand bruit, dans l’urgence et en traînant les pieds. Michèle Alliot-Marie avait scellé leur sort le 7 février, un mois après la mort en territoire malien des deux Français enlevés au Niger.

« Consternation » et « totale incompréhension »
L’ex-ministre des Affaires étrangères avait justifié ce « rappel » par « la menace terroriste sans précédent qui pèse sur les Français dans cette région ». Une menace toujours d’actualité si l’on en croit une alerte diffusée le 16 avril par l’ambassade de France à Bamako faisant état d’une « menace élevée d’enlèvement » dans la région de Mopti.

Le rapatriement est resté au travers de la gorge des associations : leurs réactions oscillent entre « consternation » et « totale incompréhension ».

Les ONG se disent « consternées »
Le délégué général de l’association Dante Monferrer, contacté par e-mail, écrit ainsi :
« La nécessité d’assurer la sécurité de nos volontaires est primordiale. Nous aurions cependant souhaité que les situations soient examinées au cas par cas et que toutes les zones géographiques ne soient pas traitées de la même manière. »

Moins diplomates, dix-sept Volontaires de solidarité internationale (VSI) avaient écrit à MAM le 17 février pour lui dire leur « consternation ». Une incompréhension aujourd’hui renforcée par le maintien sur place des Volontaires internationaux en administration (VIA), pourtant concernés par la décision du 7 février.
Le 17 février, également plusieurs ONG internationales avaient adressé une lettre à François Fillon, publiée début avril par Grotius.fr.

Déplorant « la profonde incompréhension voire la défiance qui s’installe entre les ONG et l’Etat français sur la protection de nos représentants sur le terrain aussi bien que sur l’accès aux populations », les signataires réclamaient une rencontre-toujours attendue- avec le Premier ministre.

Aux grands maux les grands remèdes. « Aucun endroit ne peut désormais plus être considéré comme sûr » au Mali, au Niger et en Mauritanie, avertit le Quai d’Orsay, qui « déconseille formellement » de voyager dans la moitié nord du Mali comme le font également les Etats-Unis et les pays européens. Une situation comparable à l’Irak.

Même les expatriés de Bamako, située à 900 km de Tombouctou, n’échappent pas aux recommandations et aux injonctions draconiennes des Etats ou des entreprises qui les emploient.
La France conseille d’aménager une pièce de sûreté chez soi. Certains humanitaires et coopérants européens ont l’interdiction de sortir dans les lieux fréquentés, de quitter Bamako ou de se déplacer à pied dans la capitale devenue pour eux une prison à ciel ouvert.

La relation entre « prisonniers » et « matons » n’est évidemment pas au beau fixe. Le fossé s’élargit de jour en jour entre la France d’un côté, ses ressortissants et les autorités maliennes de l’autre.
Ceux-ci accusent la France de faire du zèle en déclarant le Mali – et notamment le sud – infréquentable alors qu’aucun enlèvement ne s’y est produit depuis celui de Pierre Camatte en novembre 2009 (libéré trois mois après).

Des consignes floues et incohérentes
Enlever quelqu’un à Bamako ou au Pays Dogon pour l’emmener à des centaines de kilomètres au nord ? Géographiquement et militairement impossible, entend-on souvent. Bamako n’est pas Niamey, et le Mali n’est pas le Niger. Alain, le VIE rapatrié, s’agace :

« A Bamako, il n’y a pas de justifications et personne n’a pu en trouver. »
Alertes des ambassades jamais explicitées et parfois démenties quelques jours plus tard, consignes de sécurité pas toujours appliquées par ceux-là mêmes qui les fixent… Le flou et les incohérences laissent libre cours à tous types d’interprétations.

Argument en vogue : les conseils aux voyageurs de la France seraient un moyen de faire pression sur le Mali, jugé insuffisamment impliqué dans la lutte contre Aqmi et réfractaire à signer l’accord concerté sur les flux migratoires.

A un an de l’élection présidentielle, Aqmi et ses enlèvements semblent loin de constituer pour le moment un important enjeu national.

Des conséquences économiques désastreuses

La menace terroriste et les conseils aux voyageurs ont déjà des conséquences économiques désastreuses. L’année 2011 s’annonce logiquement la « pire » pour le tourisme selon le directeur de l’Office malien du tourisme et de l’hôtellerie (Omatho) Mamadou Keïta, après une baisse de plus de 50% de la fréquentation en 2009 et 2010.

Ironie du sort : alors qu’au musée du Quai Branly, des milliers de visiteurs viennent admirer l’art du Pays Dogon, la célèbre falaise de Bandiagara se vide de ses touristes. « Tout le monde est touché », rapporte le propriétaire malien d’un campement à Hombori. « Les commerçants, les artisans, les éleveurs. » S’il devait accuser quelqu’un, ce serait « les gens qui font des enlèvements » plutôt que la France.
Une Européenne installée à Mopti constate également les dégâts :

« Les rues sont vides, tout le monde demande de l’argent, tout le monde en veut à la France». Elle dit regretter ne « pas avoir entendu de prise de position très forte de la part des autorités maliennes » mais trouve surtout « scandaleux qu’on affame une région sans indemnisation ». « Soit la France s’en fout, soit on suit une ligne qui nous échappe».

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