A moins que le Gouvernement du Mali consente à sacrifier sa souveraineté et son autorité sur une partie du territoire, notre armée, à moyen terme, ne fera pas l’économie d’une guerre contre Al Qaeda au Maghreb islamique. La confrontation est inévitable.
« Aujourd’hui, dans les régions de Tombouctou, Gao et Kidal, les gens d’AQMI ne se donnent même plus la peine de se cacher. Tout le monde les connaît et personne n’ose parler. Ils sont dans le trafic de drogue, le racket, la prise d’otages. Ils sont en train de tuer le tourisme et tous les projets de développement, personne n’ose dire quoi que ce soit. » Voila, en gros, le message posté par un jeune touareg à qui Option a demandé des informations sur l’évolution récente d’AQMI. Il ajoute ; « AQMI n’a pas chassé l’armée malienne et les forces de sécurité. Elle a juste occupé le terrain vacant. Les populations ont de plus en plus peur de ces gens surarmés et surentraînés, traînant des caisses et des caisses d’argent, toujours dans des véhicules tout-terrain neufs et robustes. »
Le président ATT et les membres de son Gouvernement ne veulent pas entendre trois expressions quand il s’agit du Septentrion et des problèmes qui s’y posent actuellement : faire la guerre ; traquer les terroristes ; et maillon faible de la chaîne de lutte. Or, plus les choses évoluent, mieux on cerne le problème et on se rend compte d’une vérité implacable : AQMI, sur le plan de la logistique, de l’armement, du renseignement et de l’effectif incorporé est devenu extrêmement puissante et sure d’elle. Si, au début, il ne s’agissait que d’une bande de barbus égarés dans le désert malien, chassés de l’Algérie et traqués dans le Sahara, ils sont devenus des combattants aguerris qui connaissent le désert malien sur le bout des doigts, qui ont pris femmes auprès de certaines tribus , fondé famille et pris corps dans notre tissu social.
Stratégiquement, il est illusoire de croire qu’AQMI va se contenter d’errer de base éphémère en base éphémère, se contentant de coups ponctuels pour se replier. Bref, il est erroné de croire que l’organisation restera sur ses plantes, dans la clandestinité et la marginalité. AQMI, de par les aveux de ses chefs, Abdel Malek Droukdal et Abou ZAid, sont persuadés qu’ils ont la possibilité de créer, dans un futur proche, non pas un Etat théocratique mais une zone de non-droit dans laquelle ils pourront vivre et prospérer à l’abri de toute autorité d’Etat.
ATT ne cesse de répéter qu’il est un soldat, qu’il connaît la guerre et ne veut pas embarquer le Mali dans une aventure semblable. Il veut se concentrer sur le développement. Les membres du Gouvernement et les porte-parole officiels ou officieux entonnent le refrain. Cependant, cruelle sera la désillusion et ceux qui proclament l’exemplarité de la méthode ATT ne tarderont pas à déchanter : Si le Mali n’attaque pas AQMI, AQMI attaquera le Mali. C’est la logique immuable de toute situation historique dans laquelle, un Etat menacé et harcelé, ne cesse de reculer et de reporter l’échéance d’une confrontation inévitable. Certes, nous entendrons encore les hurlements de ceux qui se sont interdit le droit de réfléchir, de ceux qui font de la politique et des choix d’ATT une vérité coranique. On ne gouverne pas une nation avec les bons sentiments et les souhaits.
Le Mali est obligé de faire cette guerre parce que la situation est tellement instable que le pire n’est pas loin. L’armée mauritanienne ne se formalise plus de légalité et de légitime droit de poursuite pour entrer au Mali et « frapper ». Non seulement, elle attaque AQMI mais fait des morts parmi la population civile. On apprend également que l’Algérie, exaspérée, a pris langue avec la bande à Bahanga pour faire le boulot que le Mali officiel ne veut pas faire. De sources non encore démenties nous apprennent d’ailleurs que le 14 octobre dernier, Bahanga et ses hommes ont attaqué une colonne de trafiquants et tué douze personnes, sans déplorer de victime côté « Bahangiste ». Le Mali ne peut accéder aux demandes de l’ancien rebelle qui veut être armé, véhiculé et payé pour traquer AQMI. En refusant d’y accéder, il laisse également à Bahanga l’opportunité de négocier avec des puissances étrangères pour traquer les anciens salafistes.
C’est maintenant qu’il faut penser à préparer cette guerre pour qu’elle ne se transforme pas en catastrophe nationale. Nos forces armées ont besoin de moyens mobiles, perfectionnés, sophistiqués pour mener cette guerre asymétrique. Elle a besoin de l’aide et de la coopération de tous les pays concernés par ce dossier afin de bien la doter en armes technologiques. C’est maintenant qu’il faut demander à Sarkozy (qui a obtenu la libération de quatre terroristes en échange de Pierre Camatte) des hélicoptères, des relevés satellites, des appareils d’interception de communication, des blindés légers, des lunettes de vision nocturne, etc. Des chars et des canons ne servent à rien dans ce désert. Les rebelles l’ont compris depuis longtemps et notre armée devra vite s’adapter à cette réalité.
OPTION