Au cœur des crispations se trouve le processus de recensement biométrique, qui octroie le statut de réfugié. Depuis avril, près de 6.500 personnes ont vu leur carte désactivée pour des motifs allant du double enregistrement à des absences répétées du camp. Un non-sens pour de nombreux bénéficiaires, car ce système élimine tous ceux qui sortent pour surveiller le bétail qu’ils ont pu emporter dans leur fuite.
RETOURNER AU BERCAIL
Mais davantage qu’une simple divergence de point de vue, ce conflit avec le HCR dénote surtout l’impatience des réfugiés à voir leur pays se sécuriser et revenir chez eux en toute tranquillité. “Tout le monde est pressé de voir la paix effective pour retourner au bercail”, confie Mohamed Ag Malha, l’un des représentants des Maliens du camp.
Aujourd’hui, les sinistrés redoutent la famine et la diarrhée en cette période de saison des pluies particulièrement abondantes. Près de 500_d’entre eux sont déjà repartis de l’autre côté de la frontière. Et ce en dépit de l’incertitude pour leur sécurité, dans un climat tendu dans le nord du Mali. “Nous sommes obligés de retourner chez nous, quitte à mourir, car le HCR nous a retiré son soutien”, explique Mokha Ag Mohamed Ali, un réfugié qui rentre dans son village de Toya, à 15 kilomètres de Tombouctou.
RECRUDESCENCE DES VIOLENCES
Les violences sont surtout vives dans cette région de Tombouctou, d’où est issue la majorité des réfugiés installés en Mauritanie. Des affrontements ont encore opposé, le 11 septembre, près de Léré, à la frontière mauritanienne, l’armée malienne et des hommes armés. Ces derniers se seraient regroupés à Foïta, en vue du cantonnement prévu par l’accord intérimaire de paix, signé mi-juin entre “les groupes armés de l’Azawad” (le Mouvement national de libération de l’Azawad, MNLA [groupe rebelle touareg qui réclame l’indépendance du Nord]) et les autorités de transition de Bamako. Cet accrochage va sans doute aggraver les tensions interethniques nées dans le sillage de l’opération française “Serval”.
Il y a quelques semaines, un Touareg d’une soixantaine d’années a été retrouvé mort, “lynché par des villageois noirs”, selon un proche de la victime, à Léré. D’un autre côté, les sédentaires “noirs” sont aussi parfois ciblés par des bandes armées – touareg ou maures – qui pillent leurs biens dans des villages. Mais l’armée malienne est aussi pointée du doigt dans cette recrudescence des violences. D’après l’Association des réfugiés de l’Azawad victimes de la répression, une vingtaine de civils nomades, touareg et maures, auraient été arrêtés ces derniers jours par des soldats maliens. “L’armée malienne les a maltraités, six d’entre eux sont dans un piteux état”, s’insurge Zakiyetou Walet Halétine, la responsable de l’association.
IBK COMME ESPOIR
Malgré le déploiement de ses casques bleus depuis le 1er juillet, la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Mali n’a pas encore réussi à tranquilliser la région de Tombouctou. Mais le nouveau président, Ibrahim Boubacar Keïta – surnommé IBK –, qui a été investi jeudi [19 septembre] en grande pompe et en présence de 25 chefs d’Etat, représente un espoir pour les réfugiés maliens. Ces derniers ont accueilli avec satisfaction son annonce de prochaines “assises nationales du Nord”. Pour l’Organisation des sociétés civiles de l’Azawad, basée à M’Béra, et qui représente les réfugiés, les déplacés ainsi que les composantes issues des régions du Nord-Mali, cette déclaration démontre “une vraie volonté du chef de l’Etat à régler définitivement le problème du Nord-Mali”.
Source: Courrier International