Après la mutinerie du 23 mai 2006 : Kidal, ville forteresse et poudrière

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Depuis les événements du 23 mai 2006, lors desquels des éléments armés avaient attaqué les deux camps militaires de Kidal, la capitale de l”Adrar des Iforas est devenue une ville bunker où fourmillent plusieurs centaines d”agents des forces de sécurité et de l”armée malienne. C”est aussi là que sont cantonnés les nombreux éléments de l’Alliance du 23 mai. Une cohabitation explosive que les autorités locales et le comité de crise mis en place contrôlent pour le moment.rn

rnAccoudé à un carton de lait importé d”Algérie, Mohamed Ag Sidi Yéhiya tente, tant bien que mal, de faire comprendre à un client que l”importation de marchandises est devenue la croix et la bannière. Ce qui explique la hausse des prix.

Pendant ce temps, un mini convoi de deux véhicules 4X4 dont l”un est surmonté d”un fusil mitrailleur, se dirige à vive allure vers la Banque Malienne de Solidarité. Vers le rond point du centre-ville, les agents de police tentent de réguler la circulation qui est devenue plus dense avec l”arrivée de nombreux véhicules de l”armée maliennes et des organisateurs du Forum de Kidal.

Plus loin, un élément de la garde nationale monte la sentinelle devant un bâtiment rénové et qui sert de quartier général à cette unité.

Kidal, depuis la mutinerie du 23 mai, vit au rythme des hommes en uniforme. On les voit partout. Au marché, dans les ruelles, les restaurants, les bâtiments administratifs.

Justement, côté administration, le gouverneur de la région, Alhamdou Ag Ilyenne, depuis qu”il a été kidnappé par les siens à cause de son obsession à rétablir l”autorité dans la ville de Kidal, est protégé par six gardes du corps armés jusqu”aux dents.

La BMS est gardée par des militaires prêts à ouvrir le feu 24 heures sur 24. A chaque sortie et entrée de la ville, il faut montrer patte blanche.

Situé vers la sortie Est de Kidal, le camp où se trouvent les ex-insurgés ressemble à un camp de réfugié avec ses tentes vertes. Les hommes passent tout leur temps à prendre du thé et à causer avec les visiteurs. "On essaye avec beaucoup de difficultés de limiter leur déplacement dans la ville pour éviter des affrontements" nous a confié un haut gradé membre du Comité de sécurité chargé des ex-insurgés. Mais ce qu”il a oublié de dire c”est que l”entrée de cette immense infrastructure n”est pas filtrée. On y entre et on sort comme si on était au marché de Kidal.

Voilà le hic du dispositif sécuritaire des autorités locales et du Comité de crise qui a été mis en place pour la cause.

S”il advenait que les insurgés ne sont pas satisfaits de l”application des fameux accords d”Alger, notamment en ce qui concerne le retrait des forces armées et de sécurité de Kidal, et qu”ils projettent un autre soulèvement, il serait très difficile de la canaliser. D”autant plus que la direction de l’Alliance du 23 mai estime que le "non retrait des forces armées et de sécurité de la zone signifie une entorse au processus de paix". Affaire à suivre.

Les Kidalois impassibles

Malgré cette situation de ni paix ni guerre, les Kidalois, peut-être parce qu”ils ont vu pire pendant les années de la dure rébellion, continuent à vivre à leur rythme habituel. Le marché se tient normalement, l”administration fonctionne régulièrement, même les amateurs de la bonne musique et de la bonne nourriture n”hésitent pas à se rendre au "Dattier" ou à la "Grotte".

Kidal by night ne ressemble pas à une ville qui vit sous la peur d”une éventuelle attaque. Tout au contraire, les élèves, qui sont encore en congé, organisent des bals et des soirées récréatives.

Au stade municipal, les jeunes aussi bien que les moins jeunes s”adonnent à leurs sports favoris. Même les préparatifs du sommet de Kidal, en aucun cas, n”ont perturbé cela.

Alors que les ouvriers s”affairaient à dresser les tentes, le ballon de basket-ball passait de main en main, les joueurs de pétanque continuaient à démontrer leur dextérité et les plus petits s”adonnaient au football. Bref, Kidal vit et bouge, contrairement à ce que nombre de nos compatriotes peuvent penser.

Cette atmosphère de paix que cultivent les habitants de la capitale de l”Adrar des Iforas et, en général, toute la huitième région pourra-t-elle se répercuter sur les décisions que prendront les responsables du Front Uni de l”Azawad et le gouvernement ?

Nous osons l”espérer d”autant plus que cette partie du septentrion malien regorge d”énormes potentialités économiques, gage d”un développement futur.

Paul MBEN, envoyé spécial à Kidal

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