Application de la Charia : Gao fait de la résistance

2

La ville de Gao est sur des charbons ardents depuis le dimanche dernier, suite au soulèvement des jeunes qui s’opposent désormais à l’application de la loi islamique, la Charia.

Revolte à Gao (photo archives)

Une semaine après la lapidation à mort d’un couple non marié, à Aguel Hok (région de Kidal), les groupes armés qui occupent les régions du nord malien ont tenté de couper la main d’un jeune homme accusé de vol. La scène s’est déroulée à Gao. Avant-hier, après avoir été informée de l’amputation prévue du présumé voleur sur la Place de l’indépendance située entre la Brigade de gendarmerie, la Poste et la préfecture du Cercle, la population est sortie en masse pour une manifestation de protestation. Ne voulant sans doute pas que cette première initiative devienne une fâcheuse habitude, les habitants de la Cité des Askia sont sortis très nombreux le matin et ont pris d’assaut le lieu de la torture afin d’empêcher l’exécution de la sentence. Grâce à cette démonstration de force, le présumé voleur a, pour le moment, la main sauve. Les Gaois, ce jour, ne resteront pas longtemps à la maison.
En début de soirée, en effet, Malick Aliou Maïga, un jeune journaliste animateur de la radio locale Koïma Adar, présente comme d’habitude son journal parlé en langue nationale songhay, commente donc les événements de la matinée et félicite les jeunes pour leur détermination à ne pas laisser les occupants rééditer à Gao les crimes commis à Aguel Hok et ailleurs. En pleine émission, aux environs de 21 h, il est molesté et enlevé par un commando moudjahidine armé jusqu’aux dents. La nouvelle se répand aussitôt dans la ville avec pour conséquence de pousser les jeunes dans les rues. Des barricades sont dressées dans les grandes artères, de vieux pneus sont brulés. Puis, armés de gourdins, triques, pics, pioches, pelles, etc., les manifestants se dirigent vers le Commissariat de la police nationale devenu depuis la prise de Gao, le siège de la police islamique. Les moudjahidines policiers leur affirment que le journaliste ne se trouve pas dans leurs locaux. Ils ne sont pas convaincus et refusent de partir comme on le leur demande. Les moudjahidines ouvrent le feu et blessent par balle un manifestant. La foule se disperse pour se reconstituer plus loin en partie, et se dirige vers Gadèye (2ème quartier administratif de la ville) où se trouve le domicile hyper protégé du commissaire islamique, Aliou Mahamane, natif de Gao où il exerçait auparavant la noble profession de vendeur de café tandis que sa femme tenait gargote. Entre temps, les marcheurs apprennent que Malick Aliou Maïga a été localisé. En fait, il a été retrouvé en sang devant l’hôpital régional où il a été débarqué sans ménagement par ses ravisseurs, après un passage à tabac d’une rare violence. La ville est vite quadrillée par un imposant dispositif du Mujao, les maîtres des lieux. Le calme est revenu peu à peu.
Cet incident, au cours duquel la population, invitée à suivre en direct l’exécution d’une sentence barbare tirée tout droit de la charia, a refusé, pourrait signer la fin de la connivence entre le Mujao et les jeunes de Gao. Jusqu’à ce jour, à part quelques séances de flagellation de personnes accusées de délits mineurs dans la grande mosquée de la ville, les populations de Gao ne connaissaient pas les atrocités que vivent au quotidien les habitants de Kidal et surtout de Tombouctou qui payent le plus lourd tribut à la bêtise humaine. Les jeunes de Gao ont compris depuis longtemps que l’islamisme et la charia prônés par le Mujao ne sont en réalité qu’un paravent tendant à masquer une véritable industrie criminelle sur fonds de narcotrafic, vente d’armes, contrebande de produits divers, enlèvement d’otage, etc. De fait, les habitants de la ville de Gao et des villages alentours comme Kadji, Hamacouladji, Forgho, etc. qui, comme le «commissaire Aliou», ont rejoint le mouvement,  se révéleront beaucoup plus férocement intégristes et radicaux que les prétendus islamistes du Mujao.
Et si les jeunes ont accepté de collaborer avec les éléments d’Abdel Hakim et leurs hommes de main, c’est parce qu’ils ont des raisons précises. En particulier, l’absence d’Etat et d’administration, le manque de défense et de sécurité, le déficit de l’aide des autorités légales en faveur des populations enferrées. Ils se sont donc tournés vers le Mujao qui les aide à gérer le quotidien en facilitant l’approvisionnement de la ville à partir de l’Algérie. Ce sont également les moudjahidines qui aident les jeunes à assainir les quartiers et à assurer la sécurité de la ville, qui assurent en personne l’escorte des camions d’approvisionnement et des cars de transport de personnes.
Pour mieux les rallier à leur cause, les occupants ont donné des instructions fermes pour faire baisser les prix des produits de première nécessité, parce que, estiment-ils, les commerçants et les transporteurs ne payent plus de taxes et d’impôts à l’Etat. Ainsi, c’est le Mujao qui a fixé les nouveaux prix, par exemple, du lait, du sucre, des boissons, des conserves, des pâtes alimentaires, importés de l’Algérie, et même du pain fabriqué localement. Ces prix sont non négociables et leur application est strictement contrôlée.
En outre, en plus du financement du curage des caniveaux, le mouvement aurait aussi offert à la ville la somme de cinquante millions de FCfa destinés à l’achat de carburant faisant fonctionner la centrale électrique et la station de pompage. Certains importateurs d’hydrocarbures, ressortissants du nord, seraient en train de tout faire pour mettre la main sur ce magot en tentant de fourguer leur marchandise coûtant plus cher qu’ailleurs. Pour le moment, ils seraient à couteaux tirés avec la Commission de gestion.
Mais, les habitants de Gao ont également compris que toutes ces largesses du Mujao ne valent pas la liberté, l’intégrité physique et surtout, la vie humaine. Or, les moudjahidines sont comme certains : tu leur donnes la main, ils t’enlèvent la tête. Ça commence par une amputation aujourd’hui, ça se termine demain par une lapidation à mort. Autant ne pas commencer !
Abdel HAMY

Commentaires via Facebook :

2 COMMENTAIRES

  1. A voir ces jeunes gens sans armes se battre pour libérer leur ville, se battre pour leur honneur, je ne peux qu’être fasciné par leur courage. Par ailleurs, savoir que d’autres sont mieux armés, mais se cachent, cela me met mal à l’aise.
    Quand l’armée malienne aura décidé de libérer le Nord, elle peut être surprise de la faiblesse des rebelles et se dire qu’elle a perdu beaucoup de temps et ainsi consacré beaucoup de victimes innocentes.
    De mère Mauritanienne et de père Malien.

  2. A voir ces jeunes gens sans armes se battre pour libérer leur ville, se battre pour leur honneur, je ne peux qu’être fasciné par leur courage. Par ailleurs, savoir que d’autres sont mieux armés, mais se cachent, cela me met mal à l’aise.
    Quand l’armée malienne aura décidé de libérer le Nord, elle peut être surprise de la faiblesse des rebelles et se dire qu’elle a perdu beaucoup de temps et ainsi consacré beaucoup de victime innocente.
    De mère Mauritanienne et de père Malien.

Comments are closed.