Les sages Bambaras disaient : joli te keneya nèn ka. En effet, la plaie ne saurait guérir sur du pue. Or c’était le remède de l’Accord d’Alger contre le mal de la mutinerie de Kidal survenue le 23 mai 2006 : du verni superficiel pour couvrir la crise profonde et récurrente du Nord. Car voici que l’impasse est totale : les rebelles touaregs sont toujours retranchés à Téghargharet et refusent de rendre les armes qu’ils ont enlevées dans les garnisons militaires de Kidal et de Ménaka. Le prétexte tout trouvé : ils sont en guerre contre le GSPC algérien. Tout cela ne relève-t-il pas du pur montage stratégique ?
Annoncé «unilatéralement » par les sources gouvernementales pour le 28 octobre dernier, le cantonnement des rebelles de Téghargharet n’a pas eu lieu a fortiori la restitution des armes qu’ils avaient emportées avec eux après les attaques du 23 mai 2006 dont l’Accord d’Alger du 4 juillet est censé gérer la crise. Double motif : le refus catégorique de l’armée d’abandonner Kidal aux mains des rebelles et les accrochages supposés entre les combattants touaregs et ceux du GSPC d’obédience islamiste.
En effet, en application du fameux accord d’Alger, le gouvernement a rempli sa part de contrat en ce qui concerne le Conseil régional provisoire de coordination et de suivi, ainsi que le Comité de suivi dudit accord. En contrepartie et pour monter leur bonne foi, les rebelles devraient accepter le cantonnement et la restitution subséquente des armes volées aux camps militaires de Kidal et de Ménaka dont ils assuraient eux-mêmes le commandement et la garde des magasins comme des poudrières. Mais puisqu’ils ne voulaient pas rendre ces armes, ils ont inventé des accrochages avec le Groupe salafsite pour la prédication et le combat (GSPC) dont ils avaient nié au départ la connivence avec leur mouvement.
Le message sous-jacent étant celui-ci : «Vous voyez, nous ne pouvons rendre l’intégralité des armes. Car nous en avons perdu lors des combats qui nous ont opposés au GSPC. D’autre part, puisque nous sommes en conflit ouvert avec le GSPC, nous ne pouvons accepter d’être désarmés pour ne pas être tués comme des lapins par le GSPC. Nous sommes chez nous où nous sommes agressés par des étrangers, il faut bien que nous fassions prévaloir notre droit à la légitime défense par des moyens appropriés. La seule chose qui nous permet de rester en vie, c’est de garder nos armes ». Voilà qui est bien clair, sauf pour celui qui se voile la face pour ne pas voir la réalité.
Ne pas s’aliéner la sympathie occidentale
Le second message est implicitement adressé à la communauté internationale après l’officialisation des rapports entre le GSPC et Alkaïda, le réseau islamiste ayant admis le groupe algérien comme une branche de na nébuleuse terroriste. Ayant une très bonne lecture de la géopolitique à l’échelle planétaire, les rebelles savent qu’ils se devaient de poser des actes (ne serait-ce que par le verbe) pour signifier qu’ils ne sont plus de mèche avec le GSPC. Auquel cas de figure, ils s’aliéneraient la sympathie des milieux occidentaux qui sont prompts à défendre la cause des «minorités persécutées » dans le monde, par toutes sortes de propagande.
Car ils ne trouveront plus aucun Européen (même anarchiste) pour plaider leur cause en sachant qu’ils flirtent avec les terroristes qui attentent à la vie de ses concitoyens et co-religionnaires aux moyens d’actes terroristes. Aussi, la brouille supposée ou imaginaire avec le GSPC vise-t-elle deux objectifs : ne pas rendre les armes volées et ne pas s’aliéner la sympathie des Occidentaux (notamment Français) plutôt favorables à la cause targuie ou tamasheq.
Mais le problème de fond, c’est que la nouvelle rébellion n’avait plus sa raison d’être après l’effectivité de la décentralisation qui accorde l’autonomie de gestion politique, sociale et culturelle à toutes les régions du Mali. En effet, le Pacte national du 1992 accordait un «statut particulier » au Nord du Mali dont le principe était consacré dans le contenu et l’intitulé même de ce document, mais l’Accord d’Alger du 4 juillet 2006 a reconnu ce «statut particulier » de fait à la seule région de Kidal comme le stipule également son intitulé et son contenu. Mais la décentralisation effective ne rend-elle pas caduc tout «statut particulier » à quelque entité administrative que ce soit dans la mesure où c’est tout le pays qui aura désormais un «statut particulier » en rupture totale avec l’Etat jacobin et centralisé à outrance comme hérité du passé colonial ?
Dette envers les rebelles
Les populations maliennes ont, en partie et à certains égards, une dette politique et morale vis-à-vis des MFUA (Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad) dont l’exigence de «statut particulier » du Nord du Mali a fini par profiter à tout le monde grâce à la décentralisation administrative ayant pour corollaire la gestion des affaires locales par les populations elles-mêmes qui seront désormais maîtresses de leur propre destin et comptables, de ce fait, de leurs faits et gestes dans tous les actes de la vie économique, politique, sociale et culturelle. Car la décentralisation encourage et favorise la libre administration des populations par elles-mêmes en usant de la démocratie participative qui est fondée sur le pluralisme politique ou multipartisme intégral et la voie des urnes pour exercer ou accéder au pouvoir à l’échelle locale, régionale et nationale après des élections municipales, législatives et présidentielles.
En tout cas, l’Assemblée nationale du Mali a délibéré et adopté en sa séance du 29 janvier 1993 la loi déterminant les conditions de la libre administration des collectivités territoriales que le président de la République a promulguée en la forme. Il est indiqué à l’article 4 ceci : «Chaque collectivité territoriale règle par délibération ses affaires propres ». Il en découle les dispositions de l’article 5 : «Les collectivités territoriales s’administrent librement par des assemblées ou conseils élus. L’assemblée ou le conseil de la collectivité territoriale élit en son sein un organe exécutif dont la composition est fixée par la loi ».
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