Un an après l’accord d’Alger : Introuvable paix

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Désaccord entre Bamako et la rébellion : Ce qui bloque l’Accord

Un Etat central très faible, une classe de nouveaux riches affranchis de tout contrôle social des chefs de tribus et vivant du trafic de drogue, de cigarettes, de prises d’otages générant d’importants revenus, le tout sur fond d’ explosions régulières de violence.

L’hommage de la presse n’est pas trop grand lorsqu’il s’agit du Commandant en second de la région militaire de Gao, le colonel Salif Baba Daou dont le sacrifice ultime et le courage surhumain ont sauvé le Mali et la Liberté. Son convoi a été victime la semaine dernière d’un engin explosif improvisé sur l’axe Gao-Hombori, avant d’essuyer des tirs ennemis. Les assaillants et leurs commanditaires courent toujours.

Depuis la signature de l’accord les 15 mai et 20 juin, les explosions de violence ne se comptent plus du bout des doigts. Au-delà du sempiternel rejet de responsabilité sur les groupes jihadistes, elles mettent en nue des réalités complexes. D’abord, afin d’éteindre de précédentes rebellions, Bamako a déversé armes et argent tantôt sur Iyad Ag Ghali, alors chef du Mouvement populaire de l’Azawad (MPA) pour écraser les rebelles qui y ont fait scission  et qui ont fondé l’Armée révolutionnaire de libération de l’Awazad (ARLA) commandée par Abderamane Ghala et dont un des lieutenants se trouve le Général El Hadj Gamou.  En 1994, ce dernier se brouille avec Iyad Ag Ghali, chef duMPA. La première femme d’Ag Gamou s’était par la suite remariée avec Ag Ghali, mais la cause de cette dispute trouverait plutôt son origine dans des rivalités et des ambitions personnelles. En février, Gamou kidnappe Intallah Ag Attaher, l’Amenokal des Ifoghas, la tribu d’Ag Ghali. L’Amenokal est ensuite relâché mais cette action n’est pas pardonnée par les Ifoghas. Autre temps autre réalité, Bamako s’est rangé derrière ces dernières années Gamou pour punir Iyad de ses velléités d’installer Dieu au pouvoir.

Pyramide sociale touarègue affectée par une double fracture]

L’ex-président Amadou Toumani Touré s’était appuyé sur sa personne et ses importants réseaux dans le Septentrion malien pour obtenir la libération de nombreux otages occidentaux contre paiement de rançons. Ces ressources combinées à celles générées par le trafic de drogue, de cigarettes ou émanant des Etats du Golfe, des associations caritatives qui propagent des idées fondamentalistes. Au point de créer une nouvelle race de riches affranchis de tout contrôle social des chefs de tribus et hostiles à un accord de paix et de réconciliation préjudiciable à leurs profits. D’autres sont prêts à leur ravir la vedette, en thésaurisant de l’argent pour l’investir eux-aussi dans le transport routier, dans le commerce ou l’hôtellerie. D’ailleurs, Bamako est parti du postulat que déraciner ces baobabs revient à installer durablement la paix dans cette région du pays. Certes, le raisonnement du gouvernement a souffert d’une erreur historique : de tout temps, Kidal a été une zone rebelle y compris sous la colonisation.

Toutes les rébellions dans le nord ont été impulsées et dirigées depuis Kidal, où les clivages entre communautés s’accentuent. De l’analyse de spécialiste, «  la classe guerrière des Ifoghas, qui domine la pyramide sociale touarègue, est aujourd’hui affectée par une double fracture. D’une part, l’aristocratie traditionnelle s’affronte à ses vassaux, les Imghads. De l’autre, de fortes tensions sont apparues au sein même des Ifoghas, après l’élection fin décembre d’un nouveau chef traditionnel, l’amenokal. Choisi par les sages pour succéder à son père, M. Mohamed Ag Intalla a pris position contre l’autonomie de la région, contrairement à son frère cadet et rival pour le poste, M. Alghabass Ag Intalla, ancien lieutenant de M. Iyad Ag Ghali, le chef rebelle islamiste d’Ançar Dine. Le nouvel amenokal, par ailleurs député du parti présidentiel, tente de concilier les aspirations autonomistes de certains chefs traditionnels avec le maintien du Nord dans l’ensemble malien, sans nécessairement se rallier ouvertement à l’accord d’Alger. Son frère cadet alterne pressions et séduction auprès des communautés locales afin d’obtenir leur ralliement à une option dure dans le cadre du processus d’Alger : convaincre la médiation de la nécessité de renégocier le texte issu dudit processus.

Sur le terrain, la compétition entre Ifoghas et Imghads pour le contrôle de l’espace touareg s’exprime par des violences opposant les membres de la CMA, qui défend les intérêts des Ifoghas, et le Groupe d’autodéfense touareg Imghads et alliés (Gatia), proche de la plate-forme qui a signé les accords. Cette milice bénéficierait du soutien tacite de certains cercles militaires maliens, notamment du général Ag Gamou, un Imghad connu pour son inimitié à l’égard de M. Ghali. »

Etat quasi inexistant

Bamako exploite à fond ces rivalités. Au risque d’accentuer les divisions et de compromettre les chances d’un retour rapide à la paix. En outre, pris dans les tourbillons du forum de Kidal, le gouvernement a longuement tourné en rond. Il n’a échappé au naufrage qu’en changeant brutalement de cap, en jetant par-dessus bord toute participation. Quelque chose malgré tout surnage : la diplomatie du secret est bien commode pour masquer la diplomatie du verbe. S’ouvre dès lors l’ère du bricolage du style  « il n’a jamais été question d’une participation du Premier ministre au forum de Kidal »

En fait, le gouvernement voyait dans le forum une planche de salut. Comme une personne menacée de noyade s’agrippe à son sauveur au risque de le faire perdre, il s’était au départ convaincu que tout sera réglé  et qu’on pourra chanter les louanges à la paix, chasser l’inquiétude des cœurs quant au retard accusé dans le processus de paix. D’où sa promptitude à endosser la tunique de l’unique bailleur de fonds. Quitte à entrer dans la forteresse du report après que des questions soient restées sans réponses dans le déroulé de l’événement.  La Plate-forme a suivi, la Coordination des mouvements de l’Azawad  (CMA) s’est fendue de l’argument massue qu’elle ne peut plus faire machine arrière, l’essentiel  de ses invités étant déjà sur place. Dernièrement, on l’a vu jaser au Forum de Ménaka.

A présent, deux choses sont urgentes : sortir de ce genre de foire pour se tourner vers le programme DDR (désarmement démobilisation et réinsertion), puis mieux organiser l’appareil de défense et les moyens mis en œuvre pour prévenir la guerre ou lutter contre l’agression afin de répondre à la double exigence de l’indépendance et de la solidarité. D’autant plus que l’accumulation et le perfectionnement des armements ne suffisent pas à écarter les périls et une coopération internationale participe également d’une politique de sécurité réaliste. Face à la menace, tenant compte des insuffisances constatées, il importe de se mettre au travail et construite une défense de nos besoins. Aux pick-up visibles et vulnérables, il faut adjoindre des hélicoptères et avions de combat, aptes à couper la retraite à l’ennemi tenté de se fondre dans la nature après coup, à anéantir les infrastructures terroristes (camps d’entraînement, dépôts de carburant et de munitions, etc.)

Un an après la signature de l’accord de paix et de réconciliation,  le processus marque le pas.

Georges François Traoré

 

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