Longtemps craint, le Sahel tombe dans le piège de la guerre. Désormais, le temps des négociations et du paiement de rançons est révolu. L’heure est à la confrontation.
Usant du droit de poursuite, l’Armée mauritanienne a mené une offensive militaire contre les groupes terroristes d’Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi), dirigés par un lieutenant algérien, Abdelhamid Abou Zeïd. «C’est Yahya Abou Hamame, lieutenant de Abou Zeïd, qui dirige les opérations contre l’armée mauritanienne», a affirmé un élu malien du nord du pays, joint par téléphone depuis Bamako par l’AFP. «Plus de 70% des éléments de son unité sont de nationalité mauritanienne», a assuré cet élu. Pour ce faire, l’armée mauritanienne a engagé des avions. Après une légère accalmie sur le terrain, les combats nt repris avec l’arrivée d’avions de combat aux côtés de l’armée mauritanienne, selon ces sources concordantes.
«Les Mauritaniens ont engagé des avions de combat dans la bataille. Il y en a au moins deux. L’objectif est de tenter de prendre le dessus, ce qui jusque-là n’était pas le cas», ont affirmé les mêmes sources. Le combat déclenché depuis vendredi soir au niveau de la frontière entre le Mali et la Mauritanie a fait plusieurs morts et autant de blessés. Le bilan provisoire rapporté par l’AFP, citant des sources sécuritaires de la région, fait état de la mort de 15 militaires mauritaniens, la neutralisation de 10 terroristes et autant de blessés. Selon la même source, les combats ont débuté vendredi soir «à la frontière entre la Mauritanie et le Mali puis s’étaient transportés vers la localité malienne de Hassissidi, à une centaine de kilomètres au nord de Tombouctou». L’accrochage entre militaires mauritaniens et islamistes armés se sont interrompus dans la nuit du vendredi puis «ont repris violemment» hier matin à Raz-El-Ma (235 km à l’ouest de Tombouctou), a rapporté la même agence qui cite une source militaire mauritanienne, ainsi qu’un élu du Nord Mali qui a confirmé, à son tour, que de «violents combats» ont eu lieu dans cette localité. Cette opération intervient deux mois après le premier raid, -raté-, franco-mauritanien dans cette zone.
Ces combats ont été déclenchés au lendemain de l’enlèvement par l’Aqmi, des cinq Français, un Togolais et un Malgache, jeudi, dans le nord minier du Niger, à Arlit (1000 km au nord-est de Niamey), un site d’extraction d’uranium. Selon les agences de presse, l’armée malienne n’aurait pas participé directement à cette opération. Le président malien, Amadou Toumani Touré a déclaré hier sur RFI: «Nous conjuguons nos efforts et nous avons d’ailleurs permis à tous les pays riverains de faire des poursuites ici éventuellement.» L’action militaire au Sahel a, longuement, été appréhendée. D’ailleurs, plusieurs confrontations ont eu lieu au nord du Mali, en Mauritanie et au Niger entre les groupes terroristes et les militaires des pays de la région. C’est ce qui a poussé les Etats riverains à conjuguer leurs efforts et à multiplier leurs actions afin de mener des actions communes de lutte antiterroriste. L’enjeu est majeur dans cette région.
Le problème ne concerne pas seulement les pays riverains. Même les puissances occidentales gardent un oeil vigilant et une oreille attentive au développement de la situation dans la bande sahélo-saharienne, notamment, pour sa richesse en uranium.
La France et les Etats-Unis se disputent la région. Chacun use de ses moyens et de sa politique pour mettre un pied dans la région. L’assistance de l’armée française aux militaires mauritaniens n’est pas à écarter.
Cela, même si la diplomatie française affirme n’avoir pas participé à cette attaque. «Il n’y a pas de forces françaises sur le terrain», a déclaré un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. Cette déclaration porte essentiellement sur la présence des forces françaises sur le champ de bataille. Or, la France aurait assisté l’armée mauritanienne. Une source militaire mauritanienne a dévoilé à l’AFP que les alliés ont assisté leur armée dans cette attaque. «C’est vrai que les alliés, notamment les Français, nous ont donné des informations précieuses pour l’opération, mais ils n’étaient pas à nos côtés», a-t-elle affirmé.
De leur côté les habitants de la région de Kidal (à 1600 km au nord-est de Bamako) ont affirmé avoir vu le jour des confrontations, un avion de reconnaissance français survoler la région à basse altitude. Ce climat de guerre a poussé les groupes français Areva et Vinci à évacuer tous leurs expatriés du nord du Niger.
Des centaines de salariés étrangers travaillant dans cette zone stratégique pour la production d’uranium sont en cours de transfert vers Niamey. «La décision a été prise dans la journée» et cette opération «est en cours», a affirmé une porte-parole d’Areva. Aux yeux des experts en matière de sécurité, le recours à la confrontation armée était inévitable vu la situation et le climat qui caractérisent depuis des années cette région sensible. Cela, notamment, à cause de l’ingérence de puissances occidentales dans cette zone.
Comment Paris contrôle la zone
La présence militaire de la France au Sahel n’est plus un secret. Selon l’AFP, la France dispose d’une palette de moyens de renseignement dans cette zone. Il s’agit, entre autre, d’avions et satellites d’observation, stations d’écoute terrestres et forces spéciales.
Parmi les moyens ultrasophistiqués que la France a mis pour contrôler la région figure, selon la même source, l’avion Atlantique 2 de la marine qui est équipé de radars et de caméras infrarouges pour passer au peigne fin une zone délimitée.
L’autre moyen aérien dont se sert la France est le Mirage F1CR de l’armée de l’air, avion de reconnaissance longtemps déployé au Tchad dans le cadre de l’opération Epervier. Cet appareil porte sous son fuselage une nacelle d’équipements photo et vidéo.
A 700 km d’altitude, les deux satellites d’observation militaires Hélios 2 peuvent photographier – avec une précision de quelques dizaines de centimètres – 365 jours par an et 24 heures sur 24 (grâce à son mode infrarouge pour Hélios 2B lancé en décembre 2009) un pick-up d’hommes armés au milieu du désert.
L’autre moyen de renseignement est les stations d’écoutes des services de renseignement installées discrètement, captant 24 heures sur 24 les communications téléphoniques et les mails.
Cette «révélation» intervient au moment ou l’armée mauritanienne, traditionnellement soutenue par la France, mène une attaque contre les groupes armés dans le nord du Mali. Le ministère français des Affaires étrangères nie toute participation de la France dans cette opération des militaires mauritaniens qui affirme «l’assistance de pays alliés» qui les alimentent par de précieuses informations.
Des experts en matière de sécurité qualifient l’armée mauritanienne d’impuissante pour mener seule des opérations de telle envergure au milieu du désert.
On s’interroge sur l’efficacité et la présence de tels moyens au moment où la France a subi un humiliant échec lors de son raid mené, il y a deux mois, avec l’armée mauritanienne contre une base de l’Aqmi.