Aides humanitaires au Mali : Penser aux populations victimes avant tout

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Les fonds acquis pour mener des actions humanitaires au Mali profitent plus au fonctionnement des ONG qu’aux populations victimes de la guerre. Cela entraîne la non satisfaction des besoins primaires pour les destinataires de l’aide. Ce qui provoque la paupérisation.

 

 

saouda KeitaPour faire face à l’urgence de la crise humanitaire au Mali, plusieurs partenaires se sont manifestés en apportant leurs aides. Parmi lesquels, on peut noter des organisations non gouvernementales  qui ont répondu à cet appel d’urgence. A Bamako, des ONG ont mené des enquêtes pour recenser les personnes déplacées (plus vulnérables) en vue d’assurer leur prise en charge à travers des transferts de fonds en situation d’urgence ou des distributions directes.

 

 

Le respect de la dignité des bénéficiaires

L’aide humanitaire est liée à une crise créée par les hommes. Son objectif est de préserver la dignité humaine. Elle est régie par des principes à savoir sauver des vies humaines, l’impartialité (on ne prend pas partie), et la neutralité, c’est-à-dire ne pas favoriser une partie. L’aide englobe la protection des civils qui ne prennent pas part aux conflits. Il s’agit de tous les services de base dont on a besoin.

 

 

Des donateurs plus précisément des ONG caritatives ont mis en place le système de transferts  monétaires pour que  les aides profitent plus aux populations victimes de la guerre. L’expérience de Catholic relief services (CRS) montre qu’un bon ciblage réduit le risque de détournement de fonds. Ce qui n’est pas plus grand que le risque de monétisation de l’aide en nature.

 

 

Abordant ce système d’un genre particulier. Braunchwaig, chef de programmes de Catholic relief services (CRS),  souligne l’importance  et le bien fondé des transferts de fonds.  Selon lui, « La liquidité est idéale là  où les marchés fonctionnement bien. Ces transferts respectent la dignité des bénéficiaires en offrant des choix ». Ce qui signifie qu’en tant que bénéficiaires, ils sont les mieux placés pour analyser leurs besoins en matière de secours et d’allégement de leurs souffrances.

 

 

Sur la base des expériences vécues, il ressort que les transferts monétaires minimisent les coûts de mise en œuvre de distributions directes et injectent de l’argent dans l’économie locale. Une enquête post-distribution CRS/Mali en septembre 2012 a constaté que les 5 priorités pour l’utilisation de la liquidité sont les suivantes : l’alimentation, la santé, le logement/eau/électricité, les vêtements et la communication/transport.

 

 

L’intervention d’urgence de CRS a été axée sur une stratégie d’aide en espèces aux personnes déplacées à Bamako. Au début de la crise, sa Commission des mouvements de population a estimé qu’il y avait plus de 46.000 personnes déplacées internes à Bamako, avec un afflux de plus de 10.000 au début de 2013 due aux bombardements dans le Nord. En conséquence, la taille de nombreux ménages urbains a augmenté de 50 à 100% depuis fin mars et début avril 2013. Le coup d’Etat a aggravé la situation avec le fait que les pays ont suspendu leur aide  bilatérale, ce qui a rendu les conditions de vie encore plus difficiles. Afin d’aider les personnes déplacées, CRS/Mali a reçu un financement de TROCAIRE, Irish Aid, Electric Aid, et World Vision pour aider environ 6200 personnes déplacées du Nord (plus de 700 ménages) qui ont fui pour Bamako (Communes 2, 3, 4 et 6).

 

 

A l’arrivée, la grande majorité des personnes déplacées a déménagé avec la famille élargie (plus de 97%). Des mois après leurs arrivées, des personnes  déplacées et familles d’accueil ont eu du  mal à trouver des solutions.

 

 

Aider les gens sur la base des besoins

Deux projets ont aidé les personnes déplacées les plus vulnérables à travers les transferts en espèces mensuelles de juillet 2012 à  avril 2013. Selon Scott. Braunchwaig, l’argent liquide a été remis à des bénéficiaires qui ont des cartes bancaires pour s’en servir au niveau de la BNDA. Ces déplacés ont bénéficié du transfert de fonds en vue d’assurer leurs besoins en vivres et en frais de location. En fait, « chaque bénéficiaire (personne déplacée) a reçu environ 16 $ US par mois,  ce qui suffisant pour permettre une raison alimentaire mensuelle qui répond aux besoins nutritionnels d’orientation du projet SPHERE (2100 Kcal, 53 g de protéines, 40 g de matières grasses). Le projet a ciblé les femmes adultes comme étant celles qui dispensent des soins primaires dans les ménages bénéficiaires, responsables pour les frais de ménage essentiels. Il a été mis en œuvre par CRS/Mali avec l’appui de l’Office malien de la protection civile », indique le rapport de l’ONG caritative.  Avant de conclure que le projet a permis d’améliorer la sécurité alimentaire et de diminuer l’inquiétude pour les familles de personnes déplacées.

 

Auparavant, des évaluations de CRS en février 2013 montrent qu’en raison de la prolongation du conflit, les personnes déplacées et les résidents ont eu du mal à répondre aux besoins immédiats tels que la nourriture, le logement, la santé et l’éducation. Avec des ressources limitées et l’accès au marché, de nombreux agriculteurs  ont  raté la saison agricole.

 

 

Un  autre tour sur le terrain de l’humanitaire nous a permis de constater  davantage  qu’il existe des organisations religieuses  qui  aident les gens  nécessiteux sur la base des besoins. En témoigne ce constat fait par Mahamadou N’Dounga Maïga, chargé de projets à l’ONG musulmane Agence des Musulmans d’Afrique (AMA) : « Mais, au niveau de  notre Agence, nous avons une section humanitaire. Lors de la crise du Nord, nous avons assuré la prise en charge de 1000 familles déplacées. L’Agence a mené trois activités  de  distributions à Bamako, Koutiala, Fana et Konna ». En plus, il n’a pas manqué de  préciser : « Nos cibles sont des personnes déplacées, qu’elles soient musulmanes ou pas, nous les aidons sur la base des besoins urgents et non sur celle de la croyance. Notre vision est d’aider les pauvres et les plus vulnérables au lieu de mettre plus de ressources dans  le fonctionnement de notre Agence pour en tirer profit et s’enchérir ».

 

 

Par ailleurs, le Président du Collectif  Cri de cœur, Alhamadi Moustaph Cissé, soutient que son organisation humanitaire a bien géré les aides provenant des bonnes volontés ou des partenaires de l’extérieur. En fait, le Collectif a bénéficié du soutien de Secours Islamique de France.  Il s’agit d’une ONG caritative d’origine musulmane qui intervient dans le cadre humanitaire. « Lors de la crise, le partenariat a commencé en juin 2012. Nous avons distribué l’aide à des familles  de 7 personnes démunies pendant 15 jours lors du mois de ramadan, en leur remettant un lot de vivres soit une valeur  de 50.000 francs CFA. Ce sont 1600 ménages qui ont été pris en charge», indique-t-il. Avant de déplorer : « Il y a des gens qui vivent de l’aide. Très souvent, ils s’en servent  au détriment des citoyens nécessiteux, voire les plus démunis ».

 

 

Aides utilisées à d’autres fins

Cette situation déplorable semble  être soutenue par  le secrétaire aux activités culturelles   du Collectif des Ressortissants du Nord  (COREN), Abdrahamane Wangara. Pour lui, le COREN a fait du chemin en mettant en place des banques de données et des points de collecte d’informations. « Mais au-delà de tout, il y a des mairies à Bamako qui utilisent de l’aide pour des fins électoralistes. Ce qui influe négativement sur la gestion efficace de l’aide, puisque  nombre de vrais bénéficiaires sont toujours écartés et n’en profitent guère», regrette-il.

 

 

Selon des observateurs soucieux de l’avenir des populations victimes de conflits armés,  les aides humanitaires ne sont pas distribuées sur la base de la situation d’urgence. Mais, dans bien des cas, on constate que des ONG font des distributions de façon désordonnée. C’est le cas des ONG humanitaires qui utilisent l’aide à d’autres fins. Très souvent, les aides n’arrivent pas aux vrais bénéficiaires.  Certains acteurs en profitent pour assurer le fonctionnement de leurs organisations à  travers des dépenses de prestige. D’autres mettent à profit les difficultés de coordination des aides humanitaires pour  s’en servir et  faire prospérer  leurs propres affaires.

 

 

Cela entraîne la non satisfaction des besoins primaires pour les destinataires de l’aide. Ce qui provoque la paupérisation. Face à ce constat sombre, l’Etat du Mali semble ne pas détenir  le pouvoir de réagir. Le gouvernement tarde à prendre des mesures pour instaurer un système de coordination, contrôler la distribution de l’aide et faire le suivi. Ce qui constitue une insuffisance de l’Etat.  Reconnaissant le manque de coordination des aides humanitaires, Modibo Diallo, Directeur national du Développement social, révèle que des associations ont été créées spontanément  pour en profiter. « A l’époque, l’Etat n’existait  pas dans les zones sous occupation. C’est ainsi que certains partenaires ont préféré traiter avec des associations qui sont en contact étroit avec les populations. A ce niveau, le paradoxe est que des associations ont demandé des vivres  aux donateurs pour en donner aux populations victimes. Par ailleurs, il y a des gens qui ont demandé à l’Etat pour faire la même chose. En effet, certaines populations sinistrées se sont retournées contre les associations pour dire que celles-ci  agissent en leur nom mais en retour qu’elles ne reçoivent rien. L’Etat était conscient de cette situation mais à l’époque il n’avait pas les moyens pour y faire face », regrette-il.

 

 

Sans apporter une solution urgente, il rapporte qu’un nouveau dispositif est en préparation pour pouvoir amener tout le monde à travailler dans la même ligne de conduite. Ce qui est important quand on sait que la distribution  détournée de l’aide peut provoquer une situation de haine et de  paupérisation  au sein des populations vulnérables.

Mahamane Maïga

 

N.B : Campagne IPAO

 Ce dossier a été réalisé suite à l’atelier de journalisme d’investigation et de production d’informations  sur : « La crise au Nord Mali et les tâches de reconstruction, de refondation et de restauration de la sécurité et du développement. L’atelier a été organisé par l’Institut Panos Afrique de l’Ouest (IPAO). Il s’est tenu du 4 au 10 octobre 2013 à Bamako.

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