Face à la situation très critique au nord du Mali (suite aux récents événements douloureux de Kidal en mi-mai) et à la barbarie de Boko Haram au nord du Nigéria, le président Ghanéen, président en exercice de la CEDEAO, John Dramani Mahama, a convoqué à Accra une session extraordinaire de la Conférence des chefs d’Etat et Gouvernement. L’objectif visé est double : trouver les voies et moyens pour lutter contre le terrorisme djihadiste en Afrique, notamment au Sahel ; et relancer l’accord de paix de Ouagadougou afin que la rébellion touarègue et les autorités de Bamako reprennent langue pour essayer de régler enfin la problématique des régions nord, en l’occurrence la question de Kidal. Ce qui est déjà effectif, puisque dans la foulée, une délégation gouvernementale s’est entretenue à Ouagadougou avec des représentants Touaregs.
Dans la pratique, quelle que soit la manière de finir un conflit, les belligérants se sont toujours assis sur une table de négociation. De même, l’histoire récente nous a toujours enseigné que lorsque des puissances délivrent militairement une nation qui avait perdu une guerre, celles-ci ont toujours eu à dicter leurs voies et moyens pour la résolution des questions post-conflit. Ce fut par exemple le cas de la seconde guerre mondiale, et depuis dans tous les conflits que le monde contemporain a vécus.
Il va donc de soi que la question du nord du Mali ne peut échapper à cette règle internationale désormais établie. Surtout, lorsque c’est l’ancienne puissance colonisatrice qui aura été en même temps la principale cause du conflit et celle qui aura permis de chasser les occupants. Ce, en remettant curieusement en selle une partie de ces occupants qu’elle aura ramenés avec armes et bagages.
Une situation que les milieux diplomatiques expliquent par le fait que dans les coulisses des négociations pour l’avènement de Serval, il avait été donné mandat à la France de protéger dans son intervention militaire les intérêts de la minorité Touarègue. Ce qui amena l’ancienne puissance colonisatrice à choisir le MNLA au détriment du reste de la composante touareg majoritaire qui a choisi la république.
l suffit de se rappeler les différentes résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, notamment de la 2085 à 2100. Celles-ci sans ambages intègrent dès la 2085 des mécanismes de protection des droits de l’Homme (protection de la minorité targuie) et imposent à la partie malienne de négocier prestement avec le MNLA sur l’avenir territorial des régions nord du Mali. Ce qui avait d’ailleurs contraint la Transition malienne à signer l’Accord de Ouagadougou, qui était aussi la condition sine qua non pour aller aux élections générales.
L’on se rappelle également que la signature dudit accord a été très houleuse. A l’époque, le négociateur en chef, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Tièbilé Dramé, bien que mandaté par le chef de l’Etat à signer un accord, avait pris soin, compte tenu de la pression exercée par la France, la Communauté Internationale (en l’occurrence l’ONU) et l’ensemble des bailleurs de fonds pour imposer des clauses non favorables à la partie malienne, de regagner le bercail pour que l’exécutif en décide au finish. Ce qui a été certainement salutaire, d’autant plus que lesdites clauses en question ont pu être écartées du document final.
Maintenant, puisqu’il revient comme il l’a toujours été à la partie malienne de diligenter dans les brefs délais des procédures de négociation (comme en attestent encore les différentes résolutions onusiennes et de la CEDEAO), alors c’est au tout nouveau négociateur malien, l’ancien Premier ministre Modibo Keïta, d’être très ingénieux à la tâche afin que les intérêts de l’Etat et des populations du nord soient préservés. Car, à cause des maladresses récentes des autorités de Bamako, ayant conduit à la perte totale de la présence de l’Etat dans toute la région de Kidal, il ne lui reste pas assez de cartes pour s’imposer. Mais sait-on jamais ?! Bon vent donc, Modibo !
Par Gaoussou M. Traoré
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