Le QG mauritanien opère, en effet, à partir de l’aéroport de Tombouctou et avec l’appui d’agents de transmission maliens. Ce sont également des soldats maliens, au nombre de 122, qui ont apporté du carburant à leurs homologues mauritaniens tombés en panne sèche et ont assuré le transport des soldats blessés vers l’hôpital de Tombouctou.
L’armée malienne a apporté un soutien logistique aux soldats mauritaniens, lors des affrontements qui ont opposé ces derniers et AQMI, le weekend dernier. Le droit de poursuite évoqué par l’armée mauritanienne est du reste fondé car, selon des informations reçues par Nouakchott de plusieurs pays, dont des pays occidentaux très forts dans le renseignement, les combattants d’AQMI positionnés au nord Mali seraient les auteurs de la tuerie qui avait endeuillé l’armée mauritanienne au mois d’août passé. C’est sur cette base que les autorités mauritaniennes, qui ont pris très au sérieux les menaces d’attaques et d’attentats brandies par ces bandits de grand chemin, ont demandé à leurs homologues du Mali de faire intervenir une unité de leurs forces spéciales, en accord avec l’armée malienne.
C’est ainsi que l’armée mauritanienne a installé son QG à l’aéroport de Tombouctou, à partir duquel les opérations sont planifiées et coordonnées. Ils y sont assistés par des militaires maliens chargés de les pourvoir en renseignements stratégiques et de leur faciliter la communication grâce à un réseau de transmission installé pour la circonstance.
Sur le terrain, 122 éléments de l’armée malienne, équipés de PKM, lance-roquettes antichars, fusils mitrailleurs et autres armements légers, mais très efficaces, étaient à bord de 16 véhicules tout terrain pour assurer un déplacement facile dans cette zone sablonneuse du désert. Le Colonel Bouna, un arabe de Tombouctou qui connaît très bien le terrain, était aux commandes de la troupe malienne.
Les militaires maliens ne sont descendus sur le terrain que pour deux raisons : d’abord pour répondre à un appel au secours de leurs collègues de la Mauritanie, coincés en zone de combats, à une centaine de km de Tombouctou, suite à un manque de carburant et ensuite pour évacuer les nombreux soldats mauritaniens blessés, dont six grièvement, vers l’hôpital de Tombouctou.
C’est dire que l’armée malienne, bien qu’ayant participé aux opérations pour appuyer les soldats mauritaniens, n’a rien à voir avec les bavures relatées dans notre dernière édition (celle de mardi dernier).
Pour rappel, les soldats mauritaniens ont tiré sur les occupants d’un véhicule 4X4 appartenant à Ali Ould Didi, qui se rendait, avec son épouse et sa nièce, dans les pâturages à la recherche de leur bétail. Il a été sérieusement touché. Sa fille et son épouse ont été écrabouillées. Les photos des deux corps déchiquetés ont été publiés dans notre dernière édition. Seul le chauffeur en est sorti indemne. Comme on peut le constater, le Mali n’a pas refusé à la Mauritanie le droit de poursuite, mais se garde, jusqu’à présent en tout cas, de s’impliquer dans les combats. Qu’est-ce qui justifie une telle attitude ?
Il s’agit, pour le président ATT, de ne pas accepter que l’on transforme le nord du Mali en champ de bataille privilégié au nom de la lutte contre AQMI. Ce serait aller vers une Pakistanisation du septentrion malien car tous les combattants djihadistes, qui traînent actuellement en Afghanistan, au Pakistan, en Irak, soutenus par de grands groupes mondiaux connus comme alliés d’Al Qaïda, convergeraient vers le nord du Mali, sous le prétexte de prêter main forte à leurs frères djihadistes d’AQMI. Il y a d’ailleurs, actuellement, une savante propension de certains pays, voisins du Mali, à repousser leurs terroristes vers cette zone pour y concentrer les opérations militaires contre AQMI.
Alors que, pour ATT, le septentrion malien héberge les plus grands projets de développement du Mali. C’est même l’avenir du Mali. Une guerre empêcherait au Mali d’exploiter le pétrole dans le cercle de Salem, l’uranium de la région de Kidal (prolongement de l’uranium du bassin d’Arlit au Niger), le phosphate de Bourem dans la région de Gao, de réaliser la construction du barrage de Taoussa, dont le financement est déjà acquis et devrait permettre de reverdir le nord du Mali afin de développer l’agriculture et la production d’électricité.
Sans compter que depuis quelques années, il y a une dynamique de mise en valeur de cette partie du Mali, à travers des projets générateurs d’emplois et de ressources pour les populations.
En un mot, comme en mille, ATT a raison d’éviter qu’on fasse du nord du Mali un champ de bataille, qui ne laisserait, quand les canons se seront tus, que ruine et désolation. Il y a même des risques que le conflit s’étende au reste du Mali, avec de probables attentats et autres coups de main des terroristes pour marquer leur résistance et se faire une publicité internationale.
Mais cela ne voudrait pas dire que le Mali ne pas fait siennes les préoccupations des pays de la bande sahélo-saharienne à propos des menaces d’AQMI. N’a-t-il pas accepté de soutenir la Mauritanie contre AQMI à Tombouctou ? Mais il y a plus. Le président ATT l’a toujours dit et répété : il faut une action concertée et une mise en commun des forces, à travers un état-major commun, pour venir à bout de ce monstre d’AQMI. C’est pourquoi, les tournures prises par les événements, depuis le rapt des sept travailleurs d’Aréva, notamment avec les tentatives de rapprochement des positions des pays concernés par la France, sonnent comme un champ du cygne pour les terroristes.
En effet, une force d’intervention sous régionale contre AQMI verra bientôt le jour et bénéficiera de l’appui logistique de la France et du soutien américain en termes de renseignements stratégiques. Un état-major commun pourrait faire l’affaire, à condition que l’Algérie freine ses velléités hégémoniques.
Sinon, cet état-major sera comme celui de Tamanrasset, mis en place par le Mali, la Mauritanie, le Niger et l’Algérie, mais qui est, en réalité, une coquille vide.
Amadou Bamba NIANG