Le 22 septembre dernier, date du 50e anniversaire de l’indépendance du Mali, Pr. Adame Ba Konaré était l’invitée de Radio France Internationale (RFI). Au micro de Christophe Boibouvier, l’épouse de l’ancien président, Alpha Oumar Konaré, a fait un large tour d’horizon des questions intéressant la vie de la nation. Il s’agit entre autres, de l’histoire du Mali, du combat contre la dictature, la lutte contre le terrorisme d’al-Qaïda. Pour l’historienne, l’intervention des forces françaises et mauritaniennes au Nord-Mali constitue une atteinte grave à notre souveraineté.
RFI : L’indépendance du Mali s’est faite en deux temps. Il y a eu d’abord
Adame Ba Konaré : Je pense que les Maliens sont profondément fédéralistes dans la mémoire collective. Et de plus en plus, on se rend compte en Afrique que le salut de ce continent passe justement par les structures de fédération. C’est bien dommage qu’il y ait eu l’éclatement de cette Fédération du Mali.
En 1968, quand les militaires ont renversé Modibo Keïta, la société s’est coupée en deux. Beaucoup de quartiers populaires ont applaudi, les élites ont pleuré. Avec le recul, quelle est la principale erreur que le père de la nation malienne a commise ?
Moi, je pense que certainement, il y a eu des erreurs commises mais, dès le départ, l’indépendance du Mali a été plombée. Le général de Gaulle n’a jamais montré ses sentiments vis-à-vis de Modibo, il ne l’aimait pas beaucoup. Et on sait également tout le rôle joué par
Après vingt-trois ans de pouvoir, les militaires ont été renversés à leur tour. Ce fut l’insurrection populaire de 1991, la transition d’ATT (Amadou Toumani Touré) et puis l’élection de votre mari. Tous les Maliens s’en félicitent mais beaucoup disent que le pays était moins corrompu du temps des militaires et de Moussa Traoré ?
Il faut dire que les époques ne sont pas les mêmes. Et il ne faut pas non plus évacuer cette question de la corruption qui gangrène notre société actuelle. Mais tous les régimes se sont essayés à la lutte contre la corruption. Le phénomène est socioculturel également. Je ne veux pas du tout défendre ça, mais je me dis que ça demeure un problème difficile.
ATT l’a répété sur nos antennes ce week-end : le président ne modifiera pas
Moi, je m’étonne qu’on dise que le Mali fait exception. Au contraire, ce sont ceux qui modifient
Donc, pour vous, la révolution de 1991 est un acte fondamental ?
Oui, c’est un acte fondamental, vraiment. Le peuple s’est battu dans la rue et il a arraché, au prix du sang, cette victoire sur la dictature.
Le Mali n’a jamais réussi à régler son problème avec les rebelles du nord. Hier, les touaregs ; aujourd’hui, Al Qaïda. A quoi cela tient ?
C’est vrai que le désert est difficilement contrôlable. N’oubliez pas, après 91 d’ailleurs, il n’y avait pratiquement pas d’administrations dans le nord du Mali. Donc il a fallu tout reprendre. C’est vrai que cette rébellion est là de façon endémique. C’est une passoire qui est propice effectivement à toutes les incursions.
Et lors des négociations des années 1990 avec les rebelles touaregs, l’Etat malien a accepté de démanteler un certain nombre de postes militaires au nord. Est-ce qu’aujourd’hui, il n’en paie pas le prix ?
Je ne crois pas qu’il en paie le prix. Et moi, j’ai le sentiment qu’on n’a pas davantage mis l’accent sur le processus de décentralisation. On n’a pas poussé jusqu’au bout toute cette logique qui permettait de mettre le nord dans une situation de normalité du point de vue économique.
Mais quand on voit des militaires mauritaniens ou français opérer sur votre territoire, n’est-ce pas le signe qu’il y a des défaillances au niveau de l’Etat malien ?
C’est déplorable. C’est vrai qu’en tant que républicains, on considère que c’est une attaque grave à notre souveraineté et quand on entend même le président français déclarer qu’il va livrer la guerre contre Al Qaïda au Mali, je pense que c’est quand même une déclaration très grave qui sape absolument notre indépendance, notre souveraineté. Il y a de quoi être inquiet.
Mais en même temps, est-ce que cela arriverait s’il y avait un Etat fort à Bamako ?
Bon (rires). Non, même s’il n’y a pas d’Etat fort, je ne pense pas qu’une autre puissance étrangère doit pour autant se substituer à l’Etat du Mali. On fait avec les moyens du bord. Ce n’est pas à une autre puissance, encore moins à l’ancienne puissance coloniale, de venir gérer nos problèmes. Ce n’est pas acceptable.
Pour 2012, beaucoup d’hommes politiques se préparent à être candidats. Est-ce que vous-même, vous y pensez Adame Ba Konaré ?
Moi, je n’y pense pas. Votre question me surprend d’ailleurs (rires). Je ne pense pas à moi, est-ce que vous, vous pensiez à moi ? (rires).
Et est-ce que votre mari pourrait y penser alors ?
Je ne crois pas. Vraiment, on ne discute pas de ça à la maison. On discute beaucoup politique. Jusqu’à présent en tout cas, on n’a pas envisagé cette éventualité