ACCORD D’ALGER : Les Maliens des Etats-Unis protestent

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L’Accord d’Alger est toujours au cœur de la controverse : les remous se font sentir autour de ce texte bien au-delà du cadre restreint du pays. Les Maliens de la diaspora, indépendamment de leur pays d’accueil, manifestent à longueur de journée leur indignation pour cet Accord dit de paix pour les uns et de reddition pour les autres. Les Etats-Unis ne sont pas en marge de la contestation !
 
Après les Maliens de l’Europe, singulièrement ceux de la France, qui ont récemment protesté contre la signature de l’Accord d’Alger, le 4 juillet dernier, entre le gouvernement et les insurgés du 23 mai en prenant d’assaut l’ambassade du Mali, voici ceux vivant aux Etats-Unis qui prennent la relève. C’est le même sentiment d’indignation qui anime les Maliens de la diaspora, lesquels n’ont pas apprécié la manière, plus facile, qui a conduit les pouvoirs publics à céder face aux insurgés récidivistes, ceux-là qui n’ont pas hésité, bien qu’étant inscrits au nombre des effectifs de l’armée, de retourner l’arme contre des garnisons militaires dans les localités de Kidal et Ménaka.

Peu d’intérêt national

Les Maliens, surtout ceux de la diaspora, n’ont pas apprécié l’Accord d’Alger, tel qu’il a été négocié et conclu entre le gouvernement et les insurgés d’autant qu’ils ne sont pas convaincus du sens patriotique de ceux qui ont pris les armes à Kidal. A terme, la bande Fagale et Hassan apparaissent aux jeux des contestataires comme des renégats sans foi ni loi, n’ayant aucune considération pour le pouvoir central. En ce sens qu’ils ne manifestent aucun souci pour le respect de l’équilibre sociologique et institutionnel de la nation. Autant les insurgés, dans leur violence répétitive, mettent la pression sur l’Etat qui est ainsi contraint de se lancer dans des procédures impopulaires, autant ils manifestent leur peu d’intérêt face au tissu national en exigeant, comme ils l’ont fait, d’avoir des temps d’antenne à la télévision nationale à eux seuls, et par jour, au détriment de la cohésion nationale. Voilà des types de revendications accordées aux insurgés et qui prouvent à suffisance que ces derniers ne manifestent aucun intérêt pour l’équilibre social et sociologique du pays.

Littéralement engagés à ne défendre que leurs intérêts propres, les insurgés de Kidal et de Ménaka ont largement démontré, par leur demande, qu’ils sont des « sectaristes » invétérés, incapables de réfléchir à l’envergure nationale les nombreux défis auxquels le pays est confronté pour son développement tout court. Ce manque d’ouverture et de lucidité des insurgés du 23 mai, devenus héros par la force des choses (alors que des intégrés touaregs ont trouvé la mort dans les mêmes circonstances pour avoir exprimé leur attachement à la mère patrie), est la source de toutes les frustrations, fortement ressenties par les Maliens, à la suite de la signature de l’Accord d’Alger, auxquelles, il faut le reconnaître, les pouvoirs publics n’ont absolument rien compris. Un vide que les Maliens de la diaspora, surtout ceux vivant aux Etats-Unis, loin de la clameur politicienne et opportuniste des soutiens de façade à l’intérieur du pays, tentent de combler par leur protestation tous azimuts.

Sentiment d’indifférence

Cependant, dès le début de ces actes de violence, perpétrés avec perte en vies humaines, les Maliens, médusés face à la menace de rébellion, qui avait jadis endeuillé la nation, avaient trouvé un réconfort moral et psychologique aux propos du président ATT qui, en tournée officielle à l’intérieur du pays, s’était fait l’écho d’un message de solidarité et de dépassement à l’endroit des populations maliennes. A travers les premiers messages du chef de l’Etat, qui avait demandé à ses compatriotes de ne pas céder à l’amalgame en généralisant le fait, répréhensible et condamnable perpétré par une poignée de mutins, les populations maliennes, toutes sensibilités confondues, s’étaient assurées d’autant que le commandant en chef de l’armée venait d’expliquer, par la même occasion, que l’attaque de Kidal et de Ménaka restait dans le cadre militaire. Cette démarche du président ATT, lequel a réaffirmé le même sentiment à l’occasion de la traditionnelle rencontre avec les journalistes, le 8 juin dernier, à Koulouba, a apaisé les citoyens maliens jusqu’à l’annonce surprise de la signature de l’Accord d’Alger, intervenue en terre étrangère entre le gouvernement du Mali et une prétendue alliance démocratique du 23 mai pour le changement.

Part active

Au-delà de la polémique liée au contenu de l’Accord d’Alger, tel qu’il est aujourd’hui décrié au motif qu’il viole la légalité constitutionnelle, ceux qui dénoncent le texte, dans leur grande majorité, n’ont pas apprécié la manière quelque singulière dont les négociations ont été menées en toute indifférence du corps social, politique et institutionnel alors que l’objet essentiel en cause concernait, comme on le sait, des questions aussi importantes et sensibles que l’équilibre sociologique, administratif et juridique de la communauté nationale à travers l’une de ses composantes touarègues notamment. De fait, bon nombre de Maliens, à l’intérieur comme à l’extérieur, ont exprimé leur opposition à l’Accord d’Alger avec le sentiment légitime que les pouvoirs publics ont cédé à la pression des rebelles, lesquels, on l’a décrié dès le début de la crise, n’avaient dans ce contexte démocratique aucune raison de prendre les armes pour se faire entendre. En fait, la décentralisation en cours dans le pays, pour une grande partie de l’opinion nationale, offre la possibilité aux différentes communautés intéressées d’être mieux impliquées dans les affaires locales et, par la même occasion, d’impulser la vision de développement qu’elles souhaitent pour leurs contrées en rapport avec les réalités sociologiques.

Dans ce cas présent, dans l’optique des Maliens frustrés, avant de se précipiter, avec le risque que cette improvisation puisse engendrer dans le court ou le long terme, le gouvernement du Mali, en conformité avec les exigences de la transparence de la gestion démocratique et républicaine, devrait élargir le débat à une bonne composante nationale. Histoire de restaurer à la souveraineté nationale au peuple. Si cela n’a pas été fait, il importait quand même de gérer le dossier dans le cadre du mécanisme institutionnel où le gouvernement, compte tenu de ses attributions traditionnelles, allait prendre part et toute sa part dans les discussions devant aboutir à la conclusion de l’Accord d’Alger. Aussi, le gouvernement, à commencer par le Premier ministre, a-t-il été proprement ignoré dans la gestion de ce dossier : Le PM certes n’est pas un général encore moins un militaire, mais il reste néanmoins le chef du gouvernement du Mali qui, par ses prérogatives, et au nom du prestige de sa charge publique pour le pays, doit être impliqué au premier chef, au même titre que le chef de l’Etat, à la vie de la nation. Il en est ainsi quand il s’agit de faire triompher les valeurs de transparence incarnées par le jeu démocratique et républicain.

Par Sékouba SAMAKE        

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