Accord d’Alger : Que cache l’agitation du gouvernement ?

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Pourparlers intermaliens d’Alger : La médiation tente de rapprocher les positions« Trop de communication, tue la communication » ! Le gouvernement malien est sur tous les fronts pour expliquer l’Accord d’Alger du 25 février 2015 et, surtout, justifier son paraphe du 1er mars.

De Kayes à Gao, d’Accra à Addis Abéba, avec Bamako comme carrefour, le Mali et l’Afrique sont quadrillés pour défendre l’indéfendable. Au-delà, c’est le monde entier qui est saisi du « bien-fondé » de ce document via les représentations diplomatiques. Mieux, tous les acteurs possibles sont mis à contribution : le président de la République lui-même, le Premier ministre, des ministres, des regroupements de partis politiques, des associations et des experts. Pourquoi toute cette agitation autour d’un (simple) projet de texte et au détriment des priorités brûlantes de l’heure reléguées au second plan? Notre réponse : l’Accord n’est pas bon. Et, on veut duper le peuple.

Rappel : Le 1er mars dernier, le gouvernement malien paraphait le document intitulé  «Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger ». Un des groupes armés, à savoir la Plateforme, ainsi que la Médiation présidée par l’Algérie ont également apposé leur paraphe au document. L’autre mouvement armé, la coordination des mouvements armés de l’Azawad (CMA), n’a pas signé, sollicitant un délai pour consulter ses militants. Finalement, le Mnla, le Hcua et le Maa ont pris la décision définitive de ne pas parapher le document, malgré la pression de la communauté internationale. Créant du coup un blocage total et entier.

Mais, entretemps, le gouvernement avait créé les conditions d’un engouement, ou plutôt instauré une campagne de déferlement, autour de cet accord. D’où cette vague de déclarations de soutien enregistrées en faveur de l’Accord et émanant des composantes de la majorité présidentielle, ainsi que de la société civile et de la communauté internationale. Mais, il y a eu aussi des communiqués de protestation et de rejet d’autres structures politiques telles que la Cnas Faso-Hèrè et l’opposition républicaine et démocratique et de leaders d’opinion, à l’image de Amadou Traoré dit Amadou Djicoroni.

Pour en revenir à la stratégie des pouvoirs publics pour endormir le peuple, le gouvernement n’a pas perdu du temps. Il a engagé la surmultipliée dès le lendemain du paraphe de l’accord en initiant avec la presse, à l’Hôtel Radisson Blu, une rencontre  de « restitution de la fin du cinquième round des pourparlers inter maliens d` Alger ». Conférenciers : Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères, de l’intégration africaine et de la coopération internationale ; Hamadoun Konaté,  ministre de la solidarité, de l’action humanitaire et de la reconstruction du nord, Zahabi Ould Sidi Mohamed, ministre de la réconciliation nationale. Ils étaient venus exprimer la satisfaction du gouvernement par rapport au contenu du document paraphé et se sont évertués à faire croire aux journalistes que « ce document est acceptable ». C’était le 2 mars.

 

Un bon compromis

Le 3 mars, c’est IBK qui prend le relai. Le président de la République reçoit en audience le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations, Mongi Hamdi. Avec le patron de la Minusma, il a été fondamentalement question du processus d’Alger couronné l’avant-veille par le paraphe (unilatéral) d’un Accord. Après son entretien avec le chef de l’Etat, Mongi Hamdi a confié que l’Accord paraphé à Alger représente un bon compromis.
Le même jour, le ministre des affaires Etrangères a rencontré les responsables des représentations diplomatiques et des organisations internationales accréditées au Mali pour partager avec eux, singulièrement, le contenu de l’Accord du 25 février. Naturellement, après le long plaidoyer de Diop, les diplomates ont tous salué l’acte posé en faveur de la paix et de la réconciliation.

Quelques jours après, le ministre des domaines de l’Etat et des affaires foncières rentre dans la danse. Sur invitation du mouvement politico-religieux Sabati 2012, Mohamed Ali Bathily, président de l’Association Pour le Mali (Apm), explique et défend, en langue Bambara, le contenu du projet d’Accord pour la paix au Mali. Et appelle l’assistance à soutenir le document. Ce jour-là, l’Imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali, a salué l’élaboration d’un accord de paix. Mais aussi et surtout appelé  les autorités maliennes à mettre fin à la mal gouvernance instaurée.

De son côté, le Premier ministre Modibo Keita donne de la voix. Le 12 mars 2015, il rencontre et félicite les membres de l’équipe gouvernementale de négociations et ceux du Bureau du Haut représentant du président de la République pour le Dialogue inclusif aux pourparlers inter-maliens d’Alger. Aux deux délégations, le chef du gouvernement parle déjà de la phase de la mise en œuvre de l’Accord qui n’est même pas paraphé par tous, à fortiori signé.

 

Le rejet de l’accord à…Bamako

Pendant ce temps, les ministres Zahabi et Konaté sillonnait l’intérieur du pays (Kayes, Sikasso entre autres régions) et l’extérieur pour faire la promotion de l’Accord.

Leur collègue de l’administration territoriale et de la décentralisation, Abdoulaye Idrissa Maïga, a, lui, effectué les 20 et 21 mars, une visite d’échanges et d’informations sur la teneur de la régionalisation dans les régions de Gao et Mopti. Lors d’une étape, il a regretté que «certains de nos compatriotes n’aient pas compris l’urgence à parapher l’Accord d’Alger ».
Pendant tout ce temps, le gouvernement n’avait pas jugé utile de rencontrer les forces vives de la nation. C’est après que la CMA eût officialisé sa décision de ne pas parapher l’Accord (le 17 mars) que Abdoulaye Diop convoque une table ronde des forces vives de la nation sur le projet d’accord d’Alger (le 19 mars). Ce jour, l’opposition et les syndicats (comme l’Untm) ont réaffirmé ou affirmé leur rejet de l’Accord et leur méfiance vis-à-vis du document.

Après le Mali, les autorités ont envahi l’extérieur dans le cadre de la « restitution du projet d’accord de paix ». Le ministre Hamadoun Konaté s’est prêté à cet exercice au camp des réfugiés de Tabarey- Barey, localité située à 200 km de Niamey où sont entassés 8 240 de nos compatriotes. Par la même occasion, Konaté était porteur d’un message d’amitié, de fraternité et de grande camaraderie (et qui fait sans doute allusion à l’Accord d’Alger) du président Ibrahim Boubacar Kéïta à son homologue nigérien, Mahamadou Issoufou.

Dans le même cadre, Abdoulaye Diop s’est rendu à Accra et à Addis Abéba où il était porteur de message du président IBK concernant l’Accord d’Alger.

IBK lui-même a profité de la conférence sur « la consolidation et le développement de l’économie égyptienne » tenue à Sharm El-Sheikh (13-14 mars 2015) pour évoquer l’Accord de manière détournée : « …, permettez-moi, au passage de saluer à cette tribune tout particulièrement le Président Algérien, Son Excellence Monsieur Abdel Aziz Bouteflika, pour son engagement et tous les efforts qu’il a déployés dans le cadre de la résolution de la crise malienne. Je voudrais au nom du peuple et du gouvernement du Mali, au-delà des efforts de la Communauté Internationale réitérer nos remerciements au président Bouteflika, au Gouvernement et au peuple algériens pour avoir accepté et facilité les négociations inter-maliennes en Alger qui ont débouché sur le projet d’accord, paraphé par mon gouvernement.
Que le président Bouteflika trouve ici toute l’expression de notre profonde gratitude ».

Beaucoup d’autres exemples existent sur le tapage inutile autour de cet accord, jugé comme « violant la constitution » par les uns et porteur de germes de partition par les autres.

Qu’est-ce qui justifie une telle (grande) agitation du gouvernement ? Pourquoi une telle d’ébauche d’énergie et de ressources pour un accord rejeté par la CMA et la majorité des maliens ?

Pour certains, la réponse est très simple : le gouvernement tente de contourner les grandes préoccupations du moment, à savoir : la sécurité des biens et des personnes sur l’ensemble du territoire national, l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens et l’instauration d’une justice assainie, crédible et équitable pour tous les citoyens.

Pour d’autres, si les autorités s’activaient autant sur le quotidien des Maliens, nous ne connaîtrions pas aujourd’hui le calvaire que nous vivons.

Sékou Tamboura

 

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