Le paraphe de l’Accord d’Alger du 25 février est dans l’impasse. En cherchant à accorder les violons avec les groupes armés radicaux, le Mali semble s’être engouffré dans un tunnel sans issue. Et pour cause, l’Accord paraphé par le gouvernement le 1er mars, accueilli avec avis favorable par la majorité présidentielle et une partie de la société civile et avec méfiance par une frange importante du peuple, mais rejeté par l’opposition malienne républicaine et démocratique et l’opposition radicale, est finalement définitivement repoussé par la Coordination des mouvements armés. Les rebelles refusent de signer.
Le plaidoyer de la Médiation à Kidal n’y fit rien. Conséquence : aujourd’hui, on n’avance, ni on ne recule. On ne décide pas, on n’agit pas, on ne sanctionne pas.
Blocage parfait !
La coordination des mouvements armés (CMA) se joue du gouvernement de la République du Mali, de l’équipe de Médiation de la crise malienne et de l’ensemble de la communauté internationale. Elle met au pilori Ibrahim Boubacar Kéïta, Mohamed Ould Abdel Aziz et François Hollande. Mais aussi Robert Mugabé, Donald Tusk et Ban Ki-moon. Les rebelles maliens défient les puissances mondiales.
Le lundi 16 mars, la Coordination des mouvements de l’Azawad, qui regroupe le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (Hcua), le Mouvement arabe de l’Azawad (Maa), la Coalition du peuple pour l’Azawad (Cpa) et la Cmfpr2, a refusé de parapher l’«Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger », en exigeant des amendements profonds du document, déjà paraphé le 1er mars par le gouvernement malien et les groupes armés de la Plateforme.
Une forte délégation de la Médiation qui s’est déportée à Kidal dès le lendemain, 17 mars, a échoué radicalement dans son entreprise de ramener les rebelles à la maison. Ce fiasco vient remettre en cause le fruit de plus de huit mois de négociations et de pourparlers (à coup de ballets aériens entre Bamako-Kidal et Alger) entre acteurs de la crise malienne.
Pourtant, tout semblait bien parti le 1er mars quand un document, jugé globalement bon, fut paraphé par le gouvernement malien et certains groupes armés. Mais, là s’arrête la réjouissance. Et pour cause :
Tout d’abord, sur place, l’une des parties aux pourparlers et non des moindres, en l’occurrence la CMA, s’abstient d’apposer son paraphe, sollicitant un temps de réflexion afin de consulter ses militants. On connait la suite.
Ensuite, le débat sur l’Accord se déporte à Bamako où il est diversement interprété et jugé, en bien ou en mal.
Pour le Premier ministre, Modibo Keïta, l’Accord sauvegarde les principes fondateurs de la nation et prend en compte les aspirations du peuple malien tendant vers une paix globale et définitive.
De son côté, Boulkassoum Haïdara de la majorité présidentielle pense que cet accord préserve l’unité du Mali et le caractère laïc et républicain du pays.
Le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, lui, se réjouit du fait que nulle part dans l’Accord, il n’apparaît une référence à la création d’une fédération ou d’un État dans l’État malien. Dès lors, le chef de la diplomatie malienne menace et en appelle à la communauté internationale : « le gouvernement poursuivra ses efforts pour aller dans les meilleurs délais vers la signature de l’accord avec les mouvements et les groupes désireux de le faire. Chacun doit désormais assumer et faire face aux conséquences de ses actes. La communauté internationale doit dans ce contexte envisager des mesures fortes y compris des sanctions ciblées contre ceux qui constituent des obstacles à la paix et alimentent la violence ».
Haro sur l’accord !
A ces appréciations favorables, s’oppose le rejet en bloc des partis politiques de l’opposition et de certains syndicats.
L’Adps de Soumana Sako fut la plus prompte dans les réactions à l’Accord. Dès le lendemain du paraphe, le regroupement de l’ancien Premier ministre et président de la Cnas-Faso Hèrè rejette purement et simplement le document «parce que violant la constitution du 12 janvier 1992 ».
A sa suite, Modibo Sidibé, président du parti Fare Anka wuli, membre de l’opposition, se démarque radicalement d’un Accord qui « ne résout en rien les questions fondamentales relatives à la stabilité du pays, à l’intégrité du territoire, à l’unité nationale et à la réconciliation nationale ».
Pour les autres partis de l’opposition républicaine (Afp, Pids, Urd, Pdes, Parena, Ps-Yeelen Coura, Prvm-Faso ko, Fcd, Psp et Ancd-Mali), « cet accord n’est pas un bon accord pour le Mali. Il contient des germes d’une désintégration rampante du pays..». Par conséquent, ils prennent acte de son paraphe par le gouvernement.
Conclusion : l’opposition dans son ensemble estime que « le Mali doit reprendre le contrôle du processus de sortie de crise et s’engager sur le chemin d’un véritable dialogue inter malien ».
Pour sa part, une bonne partie de la société civile exprime son désaccord vis-à-vis de l’Accord, à l’image du Coren (Collectif des ressortissants du nord). Le collectif estime qu’il ne prend pas en compte les préoccupations de la société civile et promet de mener des actions d’envergure dans les régions du nord.
Du côté des syndicats, l’Untm s’apprêterait à condamner le paraphe du document par le gouvernement. Pour la centrale syndicale, cet accord viole la constitution du Mali et institue la division du pays.
A ce beau désordre, vient s’ajouter le refus catégorique, de parapher l’Accord, de la CMA qui exige, à titre prioritaire, « la reconnaissance officielle de l’Azawad comme une entité géographique, politique et juridique ».
La visite de la médiation à Kidal, le 17 mars, associé à ce refus, ouvrent incontestablement une crise du processus d’Alger et crée l’impasse dans le dossier. Cette impasse est d’autant plus réelle et présente qu’autant les rebelles lient leur paraphe du document à la reprise des négociations, autant le représentant spécial du Secrétaire général des Nations-Unies au Mali, Mongi Hamdi est catégorique : « si on se réunit encore, c’est pour parapher le document, permettre que la CMA soumette ses observations et parapher. La négociation pour nous est terminée. Plus de négociation, c’est une décision commune, prise par toute la médiation internationale ». Alors, statu quo et blocage, alors que les attentats, les mines antipersonnel, les crashs d’hélicoptères, les pertes des soldats de la Minusma, les combats, les attaques et le banditisme résiduel,…meublent le quotidien des Maliens.
Dans ce cafouillage, de nombreux Maliens commencent à croire que tout ce qui se déroule actuellement (à Kidal) n’est que comédie et mise en scène. Et finalement, les groupes armés signeront l’Accord…
Sékou Tamboura
Des Traitres
Comments are closed.