Accord d’Alger : Le double jeu des bandits armés de Kidal

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Dans le document que nous avons publié en exclusivité dans notre numéro spécial du lundi 12 juillet, l’aile militaire de l’Alliance du 23 Mai pour le Changement, dirigée par le Colonel Hassan Fagaga, dénonçait le non respect de l’Accord d’Alger par les autorités de Bamako. Avant de proférer des menaces, en ces termes: «Nous constatons que les populations qui subissent ces humiliations calculées, sont, pour la majorité, de la communauté Ifoghas. Ces actes, de notre point de vue, ont pour but de pousser ces derniers à réagir et devenir, aux yeux des non avertis, les responsables d’une nouvelle insécurité dans la région».

 

Le jour même de la publication de ce texte, envoyé à la fois au Président de la République et aux PTF (Partenaires Techniques et Financiers), le Comité de Suivi de l’Accord d’Alger, le ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales, l’Agence de Développement du Nord (ADN) et le porte-parole de l’Alliance, Hamada Ag Bibi, étaient devant la presse.

 

Le quatuor avait manifestement organisé cette rencontre avec les journalistes pour répondre aux accusations du Colonel Fagaga, dont le pouvoir avait pris connaissance quelques jours plutôt. Tous ont affirmé que l’Accord d’Alger est en bonne voie de mise en œuvre et qu’aucune de ses dispositions n’avait été violée. Mais le plus étonnant est l’attitude d’Hamada Ag Bibi, le porte-parole des bandits armés, aujourd’hui député à l’Assemblée Nationale. En effet, Ag Bibi a affirmé devant la presse «tout va bien» et «les accusations de Fagaga ne nous engagent pas».

 

Voici donc le double langage des bandits armés de Kidal: tantôt, c’est l’aile militaire qui attaque et la branche politique se démarque. Tantôt, ce sont les hommes de Bahanga, Fagaga et consort qui accusent et les intellectuels du groupe sont là pour les désapprouver lorsqu’ils sont interpellés. Voici le jeu du chat et de la souris auquel les bandits armés de Kidal se livrent depuis plusieurs années.

 

Soyons clairs, cette tactique ne peut plus continuer. Les Maliens ne sont pas dupes. Ils savent que ces bandits sont les mêmes, qu’ils sont en collusion, voire en complicité. Bref, bonnet blanc et blanc bonnet.

Sinon, comment comprendre que le Colonel Hassan Fagaga, un illettré, qui ne sait même pas écrire son nom, ni, a fortiori, lire, puisse rédiger un document d’aussi bonne facture et le distribuer aux PTF du Mali, pour qu’ils coupent les vivres au gouvernement? La réponse est simple. Ce sont les intellectuels du groupe, ou, si vous préférez, la branche politique de l’Alliance qui a rédigé ce texte, au bas duquel Fagaga n’a fait qu’apposer sa signature.

ATT ne doit plus se laisser piéger par ces bandits armés, qui ne sont forts que dans la tromperie, le double langage, le vol, le pillage, les assassinats, les poses de mines antipersonnelles, les enlèvements…

 

Qui ne sait pas que l’Etat a fourni énormément d’efforts pour pacifier et amorcer le développement dans cette zone du Mali?. Du Forum de Kidal sont sortis des projets et programmes structurants. Il s’agit, notamment, de la route Bourem – Anefif – Kidal, de la construction de l’aéroport de Kidal, des villages artisanaux, du renforcement de l’accès aux soins de santé, de la construction d’espaces-vie (aires de jeu, cantines scolaires, foyers…), etc. Pour tous ces projets, plus de 377 milliards de FCFA ont déjà été mobilisés en 2009.

 

Qui ne sait pas également qu’en termes de sécurité alimentaire et de développement rural, l’Etat a injecté plus de 250 millions de FCFA dans la région? Plus de 29 millions y ont été dépensés dans la gestion durable des ressources naturelles et la protection de l’environnement, plus de 436 millions pour l’eau et l’électricité et plus de 289 millions pour les centres de santé et les écoles…

 

De plus, l’Etat s’active pour impulser la mise en œuvre du PDDRN (Programme de développement durable des régions du Nord), à travers l’intensification de la recherche du financement pour 14 programmes et projets n’ayant reçu aucun financement à ce jour. En outre, l’ADN fait actuellement un travail gigantesque pour la réinsertion socio-économique des jeunes du Nord. Son programme compte deux phases. La première, estimée à plus de 22 milliards de FCFA et étalée sur cinq ans, concerne 10 000 jeunes (3 000 dans la région de Gao, autant pour celle de Tombouctou et 4 000 pour la région de Kidal). La seconde phase, dite pilote et d’un montant de 5 milliards, est programmée sur deux ans. Elle est actuellement en cours d’exécution.

 

Mais, une fois de plus, les bandits armés ne l’entendent pas de cette oreille. Par des méthodes peu orthodoxes, ils essaient de tordre les règles imposées par les textes qui régissent les manuels de procédures. C’est ainsi que certains présentent des projets de 60, voire 80 millions de FCFA, pour une seule personne, alors qu’ils savent pertinemment qu’aucun individu ne peut dépasser la somme de 750 000 FCFA de prêt. Pire, ils refusent catégoriquement de s’associer à ce genre d’initiatives pour élaborer de véritables projets de développement.

 

Les poulains de Fagaga veulent tout simplement qu’on leur donne de l’argent pour qu’ils le dilapident, sans avoir à rendre des comptes. Ces pratiques, dignes d’une autre époque, ne reflètent pas les réalités du terrain.

 

Alors, c’est au pouvoir d’être ferme sur les principes et sur la gestion de l’argent public que les généreux donateurs mettent à la disposition du Mali. Encore une fois, ATT doit prendre au sérieux les menaces de Fagaga, pour ne pas se laisser surprendre de nouveau un jour prochain.

Chahana Takiou et Paul Mben                 

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