En tout cas, elle pourrait vite dégénérer si les parties, notamment la médiation internationale drivée par l’Algérie et la France qui en tire les ficelles, s’obstinent à faire fi de différents signaux alarmants qui se sont déclenchés ces jours-ci. Le premier est venu de Mohamed Ag Intallah. Le nouvel Amenokal des Touareg a proclamé, la semaine dernière, son refus de toute forme d’autonomie, de fédéralisme ou d’indépendance de la région de Kidal, donc son attachement à l’intégralité territoriale et à la forme républicaine du Mali. « Je suis Malien », a-t-il affirmé. Quelques jours après cette déclaration, la délégation qui est censée représenter sa région refuse de parapher un document présenté par les médiateurs. Mohamed Ag Intallah est Targui. Comme la plupart des fondateurs et combattants du Mnla. Que pourrait coûter aux négociations de paix un soudain antagonisme ? Difficile de le dire, pour le moment, en l’absence d’une déclaration ou d’une prise de position du Hcua. Sauf à considérer que celui-ci s’est déjà exprimé par la voix d’un de ses chefs, l’Amenokal des Touareg, frère du chef du Hcua. Dans lequel cas, il est à craindre que l’antagonisme entre le Mnla et le Hcua ne devienne plus violent que les affrontements entre la coordination des mouvements de l’Azawad et la plateforme des mouvements de résistance.
Risques de violence
Le principal bénéficiaire d’une telle situation de violence ne peut être qu’Iyad Ag Ghaly, le chef d’Ansar Eddine, ce mouvement terroriste qui a eu le temps, ces derniers temps, de s’enrichir grâce au narcotrafic et à ses rapprochements avec des réseaux jihado-salafistes qui pullulent dans la bande sahélo saharienne. Par le passé, c’est avec son argent qu’Iyad Ag Ghaly a pu recruter dans les régions du nord. Notamment, il a pu avoir dans ses rangs des hommes comme Alghabass Ag Intallah, le chef du Hcua. Et si ces hommes l’avaient quitté, ce n’est pas seulement parce qu’il était devenu infréquentable, traqué par l’Occident, notamment les Etats-Unis d’Amérique, c’est surtout qu’il n’avait plus les moyens d’entretenir des hordes de mercenaires. Aujourd’hui, on dit qu’il a de l’argent. Et il pourrait profiter de l’antagonisme entre le Mnla et le Hcua pour recruter de part et d’autre. Plus certes au sein du mouvement sécessionniste car Bilal Ag Acherif et ses camarades n’ont plus les moyens de leur guerre de sécession, ayant connu de nombreuses défections et enregistré de nombreuses pertes matérielles, logistiques et humaines. Ils ont également perdu des soutiens à cause de leur intransigeance à aller à contre-courant des réalités géostratégiques et politiques. Mais il leur reste tout de même quelques combattants qui, s’ils ne peuvent tenir tête à la Plateforme des forces de résistance, pourraient être d’un apport notable pour Iyad Ag Ghaly. Et Ansar Eddine renforcé, c’est une menace supplémentaire pour toute la zone, malgré la présence des forces françaises et onusiennes.
Tester l’Amenokal
Celles-ci gagneraient beaucoup, puisqu’à l’évidence leur objectif est la lutte contre le narcotrafic et le terrorisme, de tester la sincérité de Mohamed Ag Intallah quant à ses nouvelles dispositions envers un Mali un et indivisible ; et, au cas où il s’avérait qu’il n’y aurait aucune duplicité dans sa nouvelle attitude, l’aider à asseoir et à étendre son autorité et son pouvoir sur l’ensemble des communautés touarègues dont il est censé être le chef. La médiation a de l’influence sur le Mnla, surtout sur ses responsables touareg (les autres ne sont que du menu fretin), et pourrait ramener le Mouvement à signer l’accord de paix et de réconciliation ; l’Amenokal a des rapports étroits avec Iyad Ag Ghaly et pourrait relancer la collaboration qu’ils avaient jadis ; le chef d’Ansar Eddine sait où se trouvent les terroristes et narcotrafics, principales cibles de la France et des Nations Unies. Il n’y a plus qu’à faire jouer ses liens en n’omettant pas de démontrer à chacun les intérêts des uns et des autres.
Cheick TANDINA