Ça y est, c’est fait !, est-on tenté de dire. Et pour cause, le Premier Ministre Soumeylou Boubeye Maiga et ses proches collaborateurs se réjouissent et se délectent d’avoir réussi à la fin du mandat d’IBK là où ses prédécesseurs ont échoué (ou n’ont pas tenté) et où il est lui-même tombé en disgrâce en début de quinquennat. De ministre de la Défense voué à l’opprobre, en effet, le providentiel chef du Gouvernement qu’il est devenu par la force des circonstances a pu incarner contre vents et marées l’image de l’unique serviteur ayant réussi a sauter le verrou de Kidal. Pour ce faire, SBM, à la différence de son prédécesseur Moussa Mara, n’a point eu besoin d’ameuter les troupes ou de recourir à un arsenal de guerre quelconque. Il a reposé sa stratégie sur la méthode et la force de l’humilité ayant consisté à se suffire de peu pour susciter l’espoir d’atteindre le plus en perspective. Ainsi, après moult incertitudes tragiques et suspenses, la visite du chef du Gouvernement à Kidal, inscrite dans le cadre d’un long périple au nord et au centre du pays, est finalement devenue une réalité. L’épisode a d’abord commencé par la ville de Tessalit où le séjour du Premier ministre a été prolongé d’une nuitée imposée par les intempéries et les mauvaises conditions climatiques. Comme annoncé, cependant, la destination finale l’étape de la 8 ème Région sera atteinte le lendemain dès 09 heures, dans une atmosphère en demi-teinte où l’hospitalité de la population locale le dispute à la prépondérance des sentiments autonomistes. C’est en définitive à coups de slogans hostiles et de fanions pro-Azawadiens que Soumeylou Boubeye Maiga, en compagnie d’une dizaine de membres de son gouvernement, a été accueilli en étranger dans la cette capitale de l’Adrar passée sous contrôle exclusif de la Coordination des Mouvements de l’Azawad, depuis l’aventure dramatique de Moussa Mara.
Agitant les couleurs et emblèmes séparatistes au milieu de nombreux officiels mobilisés pour la cause, ce sont les femmes, comme à l’accoutumée, qui ont occupé le peloton de tête de l’affirmation autonomiste en martelant leur opposition au pouvoir central à l’accueil comme à la salle où s’est tenue la conférence des cadres sous l’égide de l’illustre visiteur. Nuancée par une adresse plutôt conviviale du nouveau leader de la CMA portée par un certain Mohamed Salah, ancien maire de Talataye, la posture inhospitalière de la gent Kidaloise n’a guère affecté outre mesure l’optimisme du Premier ministre quant aux perspectives d’une intégrité territoriale retrouvée. «L’accueil que vous nous avez réservé est pour nous la preuve de votre besoin d’une plus grande présence de l’Etat», a estimé Soumeylou B Maïga, en réponses aux interventions de diverses couches de la population et à leurs aspirations aux services sociaux de base, à l’emploi et à plus de sécurité. Mais les perspectives d’un effacement de l’Azawad au profit de l’Etat semblent d’autant moins plausibles qu’au même moment le nouveau leader de la CMA, Bilal Ag Asharif, affirmait ses prétentions territoriales par une visite similaire dans la région de Tombouctou où il fut accueilli avec tous les honneurs par les autorités locales comme si c’était un échange de visites entre officiels de deux États voisins.
Quoi qu’il en soit, le bref passage du Premier ministre SBM à Kidal, pour mitigée et discutable qu’il paraisse, tient lieu tout au moins de revanche d’un homme sur l’histoire. Après les conclusions de l’enquête parlementaire sur l’aventure martiale de 2014, il aura définitivement tranché l’équivoque ayant entouré le quiproquo entre IBK et son ministre de la Défense de l’époque relégué au ban du système divergence d’option dans la résolution de l’équation de Kidal. SBM se méfiait d’une périlleuse aventure militaire, tandis que le chef Suprême des Armées cautionnait la périlleuse ardeur martiale de son Premier ministre dont l’aventure à Kidal s’est finalement soldée par une double perte humaine et d’estime auprès de la communauté internationale.
À défaut d’aboutir à un retour systématique au statu quo ante, l’approche méthodique, qui lui avait jadis coûté l’excommunication s’est finalement révélée vertueuse et plus porteuse d’espoir de réunification du pays. En témoigne du reste la grande satisfaction qu’en a éprouvée le président de la République face aux chefs coutumiers de Gao.
A Keïta