Youssouf Diawara, ancien fonctionnaire international burkinabé : « La perpétuation de Blaise Compaoré au pouvoir va peser lourdement sur le devenir du Mali »

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Mr Youssouf Diawara dans son bureau à Mopti
Mr Youssouf Diawara dans son bureau à Mopti

Visiblement troublé par la situation qui prévaut dans son pays,  ce malien d’origine, ancien fonctionnaire international de la francophonie et leader de la gauche politique burkinabé, proche de Sankara, Youssouf Diawara, a  décrié l’indifférence des autorités maliennes face à ce énième holdup constitutionnel de Blaise Compaoré. Lisez cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder.

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Youssouf Diawara :De façon simple, je dis que je suis Burkinabé et malien. Je suis malien de par mon père, Abdrahamane Diawara, né dans les années 1900 dans le cercle de Djenné dans un village : Dandougou Fakala ou Komian. Qui a immigré au Burkina dans les années 1930. Ainsi de par mon père et en vertu des textes attribuant la nationalité malienne je suis malien. Mais étant né au Burkina et ayant fait toutes mes études et ma carrière professionnelle là-bas depuis le temps de la Haute Volta, je suis Burkinabé. C’est en 2002 que je suis retourné avec ma famille pour m’installer au Mali.

Je suis sociologue-économiste de formation. Je suis l’un des anciens leaders du groupement des étudiants voltaïques, avant d’être membre du PAI (Parti Africain de l’Indépendance), le premier parti communiste au Burkina, pour ensuite créer, nous-mêmes, le mouvement marxiste-léniniste burkinabé. Donc, je suis un des membres fondateurs de la gauche politique burkinabé. Et c’est dans ce cadre d’ailleurs que j’ai connu et rencontré Thomas Sankara.

Je suis connu aussi pour avoir dirigé, l’Ecole Internationale de Bordeaux. Les gens se posent la question, est ce que je suis professeur ? Non je ne suis pas enseignant. En effet, l’Ecole Internationale de Bordeaux est une entité de la Francophonie qui s’occupait essentiellement de la formation des cadres et des prospectives. C’est-à-dire la réflexion sur tous les grands enjeux de développement des pays francophones. Après l’EIB, j’ai été directeur du développement économique de la Francophonie, c’est-à-dire l’organisme qui s’occupait de toutes les questions du développement et de mise en place de programme de coopération des pays francophones. Et j’ai terminé ma carrière en tant que représentant de la Francophonie auprès de la Commission Européenne à Bruxelles. Voilà le parcours que j’ai effectué, et c’est grâce à ce parcours là que beaucoup de responsables des différents pays m’ont connu.

Pour conclure je dis tout simplement que je suis Malien et Burkinabé en même temps, cela n’a pas une grande importance pour moi, tant entendu que je suis attaché aux idéaux du panafricanisme.

Pourquoi vous avez donc choisi de vous installer au Mali ?

YD : C’est une histoire qui se résume à être la réalisation d’un vœu. Nous sommes des Diawara, originaires de Tourounkoumbé et même de la famille fondatrice de ce village, se trouvant dans la région de Kayes, que notre arrière-grand-père, dont je suis de la cinquième génération de descendance, a quitté dans les années 47-50, un peu avant la venue de ElHadj Omar. Cet arrière grand-père étant parti à Ségou est mort à Saro . Ainsi, certains de ses enfants se sont installés à Komian, Dandougou-Fakala, et de là, ont immigré vers le Burkina. Et l’un des vœux les plus ardents de notre père était de retrouver nos origines. Un vœu que j’ai pu réaliser, à l’issue de 20 ans de recherches. Quand je suis allé à Tourounkoumbé j’ai été accueilli de façon émouvante. Quelle fierté de retourner dans son pays d’origine et retrouver ses parents 170 ans après !

Une fois au Mali, en tant qu’ancien militant, j’ai retrouvé certains de mes anciens compagnons de lutte comme Aly Nouhoun Diallo, et j’ai intégré l’ADEMA.

En tant qu’ancien militant et fonctionnaire international au compte du Burkina Faso, quelle lecture faites-vous de la situation qui prévaut de nos jours au Burkina Faso, notamment le bras de fer engagé autour de la révision de la Constitution par le président Blaise Compaoré ?

YD : En tant qu’ancien membre du mouvement des étudiants Voltaiques, du PAI et du GMLB (groupement marxiste et léniniste du Burkina), j’ai été très mêlé à la vie politique du Faso. En clair, j’ai été l’un des compagnons de route de Sankara, de Blaise, de Linkaly et d’autres, ma position ne peut être d’autre que de témoignage. Pourquoi de témoignage ? J’ai été, peut-être, la dernière personne qui a être intervenue entre Thomas Sankara et Blaise Compaoré afin d’éviter le putsch du 15 Octobre 1987. Pour être plus précis, j’ai été appelé d’urgence à Ouaga, lorsque la crise couvait entre les deux, le 09 et 10 Octobre 1987 pour essayer de trouver un modus-vivendi pour qu’il n’y ait pas de clash entre les deux têtes de la révolution. Donc j’ai un devoir de témoignage, car je suis l’un des témoins vivants.  De la façon dont j’ai  échoué à empêcher la préparation de l’assassinat de Sankara par ses compagnons militaires. J’en fais l’objet d’un document d’ailleurs qui sera publié bientôt. Donc, je suis non seulement l’un des témoins vivants, mais j’ai été aussi un  participant actif de ce qui se passe aujourd’hui au Burkina. Ainsi, ma position sur ce qui se passe aujourd’hui au Burkina est très claire. Comme j’ai eu à le dire, ayant été l’un des témoins de la marche de Blaise pour le pouvoir par l’assassinat de Sankara et l’élimination de tous ses compagnons : le commandant Lingaly, le capitaine Henri Zongo… Ainsi que d’autres civils, dont notre camarade Clement Oumar Ouédrago (2ème personnalité du pays à son temps) qui a été froidement assassiné dans une rue de Ouaga par une grenade dégoupillée, jetée dans sa voiture, lorsqu’il a eu des divergences avec Blaise. Je suis donc un témoin actif de comment Blaise a marché vers le pouvoir de façon sanglante. C’est pourquoi fidèle à mes idéaux je n’ai jamais rejoint le CDP (parti de Blaise Compaoré). Je me suis toujours tenu à l’écart du CDP et de Blaise.

Pour vous prouver que je suis un acteur actif de la situation actuelle de Ouaga, je rappelle que du 26 Février au 05 Mars 2014, j’ai séjourné à Ouaga, uniquement pour me concerter avec mes camarades de lutte qui sont sur place, sur la situation et le combat pour l’alternance. Puis j’ai fait un deuxième voyage (du 09 au 14 Mai 2014), toujours dans la même optique et éventuellement voir la contribution que je peux leur apporter dans leur lutte. La contribution que je vais publier bientôt constitue, entre autres, le rôle que je vais jouer dans cette lutte, très dure. Par ce que Blaise est un homme très dur et imprévisible, capable de tout. Je suis certain que Blaise n’épargnera rien pour rester au pouvoir. Il est arrivé par la violence en éliminant celui qui était son ami inséparable, son frère, non pas à cause de différence idéologique, mais par ce qu’il voulait simplement le pouvoir. Donc on ne peut pas être surpris qu’un tel homme cherche à se maintenir au pouvoir. Si nous lions à cela tous ces conglomérats d’intérêts formés autour de lui. Ou toute la structure économique du Burkina est aux mains d’une famille et de quelques alliés. Donc, il est évident que la préservation du pouvoir consiste un enjeu capital pour eux.

Pourtant pour cette fin, ils estiment être sur la voie légale, en termes de révision de l’article 37 de la Constitution ?

YD : il n’y a plus question de voie légale quand on sait qu’il ne propose la révision de la constitution que pour lui-même. Aussi, il s’agit d’une constitution qui a déjà été révisée deux fois. Vous pensez qu’on doit permettre que cette même constitution soit révisée par et pour un seul homme. Cela met à nu son ambition de rester au pouvoir vidame-aeternam. Un pouvoir à vie qu’il veut instaurer pour lui , ses partisans et les membres d’intérêts. Car  c‘est un conglomérat d’intérêts. Donc je ne suis pas du tout surpris.

Mais je suis plutôt surpris qu’au Mali on n’ait pas compris l’importance du combat qui se mène actuellement au Burkina. Que la perpétuation de Blaise au pouvoir est pour nous un poids qui va peser lourdement pour le devenir de notre nation. D’où ma stupéfaction sur le fait qu’on n’entend aucune voix qui soutient la lutte du peuple burkinabé.

Qu’est-ce que vous voulez dire ?

YD : tout simplement que je suis surpris que dans cette tentative de la révision de la constitution, devant laquelle se dresse aujourd’hui le peuple burkinabé, on entend ni la voix d’un parti politique, ni la voix d’une quelconque autorité, encore moins les organisations de la société civile pour apporter un soutien à ce mouvement. Qui concerne le Mali au premier chef. Plus que d’autres pays comme la Côte d’Ivoire, où il n’a plus de main là-bas. Je suis donc étonné que dans un pays démocratique comme le Mali, il n’y est aucune voix élevée pour soutenir le peuple burkinabé.

Cela m’amène à lancer un appel pour que nous sortions de notre torpeur pour apporter un soutien au peuple burkinabé.

Apporter un soutien au peuple burkinabé ? Est-ce à cause de la protection que le président du Faso apporte aux irrédentistes du nord malien ?

YD : Pas seulement. Même là, il revient aux Maliens de s’insurger contre la valeur que Blaise à accorder aux groupes armés, surtout le MNLA au Burkina. Si réellement ils savent le degré d’aisance avec laquelle ils vivent à Ouaga comme sur un territoire conquis. Ils organisent toutes leurs activités : réunions, assemblées générales, conférences de presse… Une situation qui gêne tous les patriotes burkinabés. Pour s’en rendre compte, il faut seulement lire certains comptes rendus de la presse burkinabé, et savoir les questions gênantes qu’on pose à ces gens du MNLA, pour savoir à quel degré le peuple burkinabé est mal à l’aise face à la politique de Blaisepar rapport à la gestion de la crise malienne. Mais on ne peut être plus royaliste que le roi. Si le Mali, lui-même ne s’en plaint pas, ne s’en offusque pas, ne fait aucun geste que voulez-vous qu’on fasse.

D’ailleurs lors de toutes mes réunions avec les camardes de Ouaga l’un des points qui ressortait porte sur la question suivante : pourquoi le Mali ne met pas en œuvre une politique pour contrer la politique de Blaise Compaoré vers le MPNLA ? Et dans ce sens on n’a jamais daigné lever le petit doigt.

A cet effet, moi personnellement à l’issue de chacun de mes voyages récents sur Ouaga, j’ai tenu à adresser une lettre au Président de la République lui-même. Car, sachant que le président IBK, connaissant mon parcours en tant que leader estudiantin de la Haute Volta, mon combat au sein de la gauche burkinabé et ma grande contribution ici au Mali par rapport à son élection. Mais aucune de mes correspondances n’a été répondue. Tenez-vous bien, il s’agit respectivement d’une note succincte sur les actions à mener et sur la situation qui prévaut au Faso. Des notes remises à qui de droit pour lui. C’est ce que je pouvais faire.

Maintenant que les  choses se précipitent au Burkina vers une confrontation, je lance un appel pour la constitution d’un comité international de soutien à la lutte du peuple burkinabé. Un comité qui réclamera non seulement la justice pour Sankara, mais aussi pour la consolidation de l’alternance démocratique au Burkina Faso. J’envisage des actions dans les jours à venir.

En attendant, j’implore la France d’être plus ferme dans ses positions. Je demande à l’ambassadeur de la France, d’être notre interlocuteur auprès du président de la République française, par ma voix, qui est celle d’un socialiste français (lorsqu’en 1981 je me suis réfugié en France pour fuir le régime de Seyi Zerbo, après le coup d’Etat, j’ai été accueilli en France par le parti socialiste. Je militais dans la section du 14ème arrondissement de Plaisance, où il y’avait le député Rouquette, Mme Edvis Gavis, un ancien ministre de Mitterand), à être plus ferme face à la lutte du peuple Burkinabé. Par-delà cet aspect, je pense que nous construisons notre histoire nous-mêmes. L’histoire qui se construit au Burkina concerne  le peuple malien. Lorsque nous mettrions des structures en place qu’ils y adhèrent pour qu’on puisse décider ensemble qu’est- ce qu’on peut apporter comme soutien concret à ce qui se passe aujourd’hui sur le terrain. Ce qu’on ne sait pas, est que la répression est très dure contre les Maliens. A Bobo Dioulasso de nombreux jeunes commerçants maliens furent obligés de fuir, car accusés de soutenir financièrement l’opposition burkinabé

Propos recueillis par Moustapha Diawara

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10 COMMENTAIRES

  1. Bonjour à tous, je suis sénégalais à la recherche d’une femme malienne pour fonder une famille.

  2. avec tout le respect que je vous dois, je n'ai rien trouvé dans cet écrit que votre parcours très louable et très riche. Mais en quoi les événements du Burkina pèseront lourd sur le devenir du Mali ? je sais que le Nord du Mali était très important pour le pouvoir de Blaise mais a dire que le poids sera lourd pour le Mali, je n'en crois pas trop. Juste une opinion !

  3. ” Pourquoi le Mali ne met pas en œuvre une politique pour contrer la politique de Blaise Compaoré vers le MNLA ? Et dans ce sens on n’a jamais daigné lever le petit doigt. Mais on ne peut être plus royaliste que le roi. Si le Mali, lui-même ne s’en plaint pas, ne s’en offusque pas, ne fait aucun geste que voulez-vous qu’on fasse.” Bonne remarque Mr Diawara !

    Le Mali d’après le 22 Mars 2014 ne lève pas le petit doigt contre les agissements de Blaise parce que1) Diouncounda, Cheick Modbo Diarra lui doivent leur pouvoir, 2) l’ex-junte avait une peur bleue de lui, 3) IBK est redevable à son protégé Alassane Ouattara.

    La souffrance du peuple malien vient en second plan par rapport aux interêts de ces gars ci-dessus cités. Donc Blaise pouvait heberger, armer soutenir et continuer aider les rebelles touarègue sans crainte de personne.
    Mais Dieu vaille pour les innocents tués, violés et pillés. Allah a decidé en deux jours de le balayer de Kosyam.On va voir s’il peut aider encore le Mnla.

  4. Il doit avoir erreur sur la personne. Le Youssouf D. qui est sur la photo est le Dr Youssouf D, promoteur de Pharma Sahel.

  5. A bon espèces de con……… tu est folle une petite fillette on s’en foud de blaise….

  6. merci vraiment de ces informations , on a besoins de ces rares ressources humaines qui connaissent les vrais histoires de l’Afrique .Mes respects

  7. Ce vieux est un arriviste qui se croit compétent dans un mali disons le net d’incompetents 💡

    • Et toi tu es un taré doublé d’un incompétent. Je ne sais pas ce que tu trouve de mensonger,d’incohérent ou d’invraisemblable dans ce que ce monsieur raconte? Le manque de vision pour ne pas dire la lâcheté des dirigeants maliens? cela est évident. Le manque de soutien des partis politiques à l’opposition Burkinabé vis-à-vis d’un dirigeant-négociateur qui nourrit, blanchit et donne des perdiems à un groupe armé opposé au gouvernement d’un pays “ami” ? A croire que le malien n’a pas de cœur.

  8. Mr Diawara vous avez fait une analyse pertinente. J’espère que les maliens sauront comprendre le message et réagir intelligemment. Tant que blaise est au pouvoir au Burkina, le Mali ne doit pas être rassure. Ce Monsieur est un criminel et un déstabilisateur patente.

  9. Merci ainé de tous ces eclairecissememts J’ignorai tous ceux la et je ne vous connaissais pas jusqu’a aujourdhui. Votre message a été bien entendu. J’ai hate de voir paraitre votre livre et de m’envoyer procurer une copie. Vive le Burkina – Faso et vive le Mali.

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