Trois questions à Ousmane Fati, juge de paix à Bougouni : «Avec la mise en place de la CDR, il faut rester à l’écoute des populations…mais force doit rester à la légalité»

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C’est au cours de notre séjour dans la capitale du Banimonotié que nous avons approché le juge de paix à compétence étendue de Bougouni. Avec lui, nous avons abordé la question de la  distribution de la justice dans le cercle de Bougouni, ainsi que la mise en place de la Commission dialogue et réconciliation. Lisez ! 

 

Le Prétoire: Est-ce que les audiences se tiennent régulièrement à la Justice de paix à compétence étendue  de Bougouni et quels sont les cas que vous connaissez fréquemment ? 

Ousmane Fati: Je peux vous assurer que nous ne connaissons aucun problème. Les audiences se tiennent normalement, pratiquement à toutes les dates prévues. Au fait, au niveau de la justice de Bougouni, nous enregistrons beaucoup de cas de vol. Mais Dieu merci, nous faisons face à ce problème et le phénomène est plus ou moins ralenti. En dehors des cas de vol, je peux vous affirmer qu’il existe également beaucoup de cas portant sur le litige foncier. Par rapport à ces problèmes, il y a plusieurs qualifications à donner aux différentes questions liées aux problèmes de litige. Cela dépend de la vision de celui qui porte l’affaire devant la justice, notamment les deux procédures qui sont utilisées. Soit il amène l’affaire devant le juge pénal soit devant le juge civil. A ces deux niveaux, nous avons un certain nombre de dossiers relevant du foncier. Ce ne sont pas des petits cas et c’est préoccupant.

Pouvons-nous connaitre les difficultés auxquelles votre structure est confrontée pour la bonne distribution de la justice dans le cercle de Bougouni?

Les difficultés, elles sont là et très patentes d’ailleurs à tous les niveaux. Nous avons non seulement un problème de mobilité car nous n’avons pas de moyen de déplacement au compte de l’Etat. Vous savez, le cercle est très vaste et certaines de mes unités d’enquête sont à plus de 130 km du chef-lieu de cercle, d’autres à 50 ou 60 km du siège du tribunal. En dehors de cela, nous sommes confrontés à des problèmes de logistique et le personnel ne cesse d’en réclamer. Je crois savoir que nous avons signalé cela et des promesses fermes nous été données. Mais peut être, compte tenu de la situation actuelle de l’Etat, nous comprenons les difficultés à ce niveau. Il y a aussi d’autres difficultés, telle que l’accessibilité de la justice par rapport à certains justiciables. Les problèmes, ça ne manque pas et ils sont multiformes.

En tant que magistrat, quel est votre point de vue sur la Commission dialogue et réconciliation ? Pensez-vous qu’il faut négocier d’abord ou juger  les gens qui sont poursuivis par la justice malienne ?

Le problème de notre cher Etat est important et global et ma vision là dessus est multiforme. En effet, il y a des aspects politiques, juridiques, mais également des aspects sociaux. Il faut avoir une lecture d’ensemble du problème du Mali pour pouvoir se prononcer et je crois que les autorités sont en train d’abonder dans le bon sens, en essayant non seulement de mettre en branle tout ce que nous avons comme pouvoir sur le plan de la légalité. Nous avons bâti une nation et le propre d’une nation c’est de vouloir vivre ensemble et regarder dans le même sens dans l’avenir. Alors, en tenant compte de tout ceci, si on ne discute pas au début, nous serons forcément appelés à discuter à la fin. Pour donner corps à tout cela, il faut que force reste à la légalité. Et c’est cette force qui protégera ceux qui sont aujourd’hui accusés ou interpelés par la justice. Il faut savoir que même ceux qui sont victimes, c’est la légalité qui les protège tous. Alors, je crois qu’il serait bon d’engager une discussion profonde avec les populations concernées et avec la mise en place de la CDR, de rester à leur écoute. Il est important de savoir que ce n’est pas pour rien que l’Etat a prévu cette Commission.

Cependant, après quelques analyses, puisque la justice a aussi lancé des mandats et par rapport à cela, il y a des gens qui ont été identifiés et qui sont effectivement en aval, pourquoi ne pas soumettre tout le monde à un Etat de droit, en ce sens que tous les Maliens sont sujets de droit. Ceux qui seront reconnus après enquête, il ne doit pas y avoir de problème. Ils doivent être déférés devant la justice pour leur propre protection. Parce qu’être poursuivi, inculpé par la justice, c’est aussi  une protection car il n’y aura pas de l’arbitraire.

On veut avoir une société bien organisée, une société soucieuse de son devenir pour le bonheur de tous dans la plus grande transparence avec le respect des droits et des devoirs  de tous les citoyens et c’est ma vision des choses.

Pour mon dernier mot, en tant que magistrat, je parlerai du point de vue juridique. La situation que nous venons de connaitre pour notre cher Etat, nous ne le souhaitons pour aucun pays du monde. Je souhaite que le bon Dieu nous assiste encore par rapport au choix de notre futur président. Je souhaite qu’il soit une personnalité assez solide, consciente des différentes valeurs de notre Etat, une personnalité qui ne se soucie pas seulement de ses intérêts personnels, mais plutôt des intérêts du peuple malien car c’est très important. Le  prochain président de la République doit être une personnalité qui va réconcilier tout le Mali.

Entretien réalisé par Seydou Oumar N’DIAYE       

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