Trois questions à…Djibril Baba TABOURE, Président REAO MALI ; «Après les élections, il faudrait que l’Etat malien puisse continuer à nourrir les Maliens.»

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C’est sous la présidence effective de Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé , Premier ministre, que s’est tenue vendredi dernier, en soirée à l’hôtel Salam, la cérémonie officielle de la rentrée annuelle 2011 du Réseau de l’Entreprise en Afrique de l’Ouest au Mali (REAO). Comme les éditions précédentes le monde de l’entreprise et du business a assis la rencontre, en fait un diner-débat, autour du thème : Quel accompagnement du Secteur Privé pour une croissance économique au Mali ? Il a été traité en différents points comme : la problématique du financement du Secteur Privé, la concurrence déloyale et l’administration pour le Secteur Privé par d’éminents spécialistes de la question tels que Houd Baby, PDG M.D.S, Daha Tidiane Ba, Directeur de l’Institut Africain de l’Entreprise l’honorable Koniba Sidibé, Député à l’assemblée Nationale. Leurs différentes communications ont donné lieu à un débat fructueux au terme duquel Madame le premier ministre a dit toute la disponibilité de l’Etat a accompagné le secteur privé dans ses efforts d’accompagnement du secteur privé.A l’issue de la rencontre M .Tabouré, Président de REAO a bien voulu répondre à nos questions.

Le Républicain : Le REAO existe au Mali depuis trois ans, qu’est ce qu’il a changé dans le domaine du business et de l’entreprise ?
M. Djibril Baba Tabouré :
Le Réseau de l’Entreprise en Afrique de l’Ouest au Mali existe depuis bien plus longtemps. Seulement, c’est depuis trois ans que nous marquons notre rentrée annuelle par une diner-débat, présidé par le Premier Ministre de la République du Mali.

Pour répondre à votre question, je dirai que ces trois dernières années ont été caractérisées par un renforcement du dialogue entre l’Etat et le secteur privé. Notre organisation est un acteur majeur dans ce dialogue en raison de sa forte capacité d’analyse et son pouvoir de proposition.

Cela se traduit par notre participation au Comité Mixte de Suivi des reformes Etat Secteur Privé, que préside le Premier Ministre. Il comprend également les ministres et toutes les administrations dont dépend le climat des affaires dans notre pays.

A ce niveau, nous avons contribué à la traduction concrète des réformes de l’administration et des procédures administratives pour les investisseurs et leurs entreprises. Une conséquence de cette évolution est l’amélioration du rang du Mali dans le classement « Doing Business »de la Banque Mondiale. Le bond de dix rangs nous mettant à la 153e place, améliore l’attractivité du pays pour les investisseurs aussi bien étrangers que nationaux. Nous en sommes fiers, même si nous souhaitons un meilleur rang pour le prochain classement.

Le REAO Mali a piloté le groupe de réflexion du secteur privé pour la préparation de la Loi d’Orientation du Secteur Privé que le gouvernement a proposé au vote de l’Assemblée Nationale. Le même dialogue, incluant les autres organisations représentatives du secteur privé, a permis la création d’une association ASP(Assistance au Secteur Privé). Cette association dispose d’un important fonds d’aide et d’assistance aux entreprises et leurs organisations représentatives, financé par l’AFD, la Banque Mondiale et l’Union Européenne.
En somme, ces dernières années ont contribué à la meilleure prise en compte des préoccupations du secteur privé lors des grandes décisions qui affectent l’économie nationale.
LeRépublicain : Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontées ?
M. DBT
: Les difficultés de l’entreprise privée sont nombreuses et permanentes, autrement tout le monde serait entrepreneur. Dans notre pays, elle est confrontée, entre autres, aux problèmes ci-dessous :

a) le manque de ressources humaines qualifiées. Le produit de l’école malienne n’est pas adapté aux besoins de l’économie du pays et de ces entreprises. Les entreprises ont du mal à se développer, faute de travailleurs qualifiés ou simplement perfectibles. Le péril est grand pour le pays à ne pas réussir sa sortie de ce cercle vicieux qui dure depuis plus de 10 ans.

b) l’administration malienne, comme toutes les administrations, est encore procédurière et lourde. Elle a la particularité d’être peu adaptée à un environnement économique libérale. Pire, elle donne l’impression de ne pas suivre les directives de l’Etat, qui lui, est résolument engagé dans le combat du développement d’un secteur privé productif. Un seul agent de l’administration, pour des raisons purement individuelle, est capable de faire échec à la bonne marche d’une entreprise pourvoyeuse de centaines d’emplois et de millions de CFA d’impôts. En toute impunité.

c) les entreprises formelles qui paient les impôts sont en faible nombre dans notre pays, mais elles supportent la grande part du fardeau fiscal. Alors que des milliers d’acteurs du secteur informel contribuent très peu, pour ne pas dire pour rien, pour un grand nombre d’eux. Ce déséquilibre est fortement préjudiciable au développement du secteur privé, censé être le moteur de la croissance économique.

La lutte contre la pauvreté passe par ce développement, qui est créateur de richesses à distribuer entre les maliens.

d) le non respect des règles de la concurrence est un gros handicap pour plusieurs entreprises. La régulation de l’économie est de la responsabilité de l’Etat, comme partout. Les économies les plus libérales sont celles dont l’administration publique est la plus forte et joue son rôle de gendarme de la concurrence. A ne pas réussir à juguler ce fléau, les fraudeurs et autres peu individus peu scrupuleux continueront à mettre en péril la survie de celles qui se conforment à la loi. Personne n’est gagnant à ce jeu de massacre.

Le Républicain : Qu’attendez vous du secteur privée , des PTF(partenaires technique et financiers) et des pouvoirs publics pour la décennie qui s’ouvre ?
M. DBT
: Le secteur privé malien gagnerait à être mieux structuré et constituer une véritable force de propositions dans le cadre du dialogue Etat-Secteur Privé.
Aujourd’hui, ceci n’est pas la réalité de la grande partie des entreprises.
Cela doit changer.

Le REAO MALI, pour sa part, y travaille au quotidien.
Les PTF doivent se rappeler, comme chez eux, que ce sont les entreprises qui créent la richesse et que c’est le seul moyen de lutter contre la pauvreté.
Si leur intervention actuelle contribue à soulager la souffrance des
plus démunis, ils devront accompagner l’Etat dans son œuvre de développement du secteur privé productif, tant dans la ville que dans les campagnes.
L’Etat malien, à l’orée d’une année électorale, devra se rappeler qu’après les élections, il faudrait continuer à nourrir les maliens et couvrir les besoins essentiels du plus grand nombre.

Notre diner débat du 13 mai 2011 avec le Premier Ministre, les PTF et les grands acteurs de l’économie nationale, nous a rassurés à ce sujet.
Ainsi, le REAO attend de l’Etat du MALI dans les mois à venir, à la suite de tous les efforts déjà réalisés :

1) le vote et l’application de la Loi d’Orientation du secteur privé
2) l’adoption du nouveau code des investissements
3) le lancement du fonds de garanties longtemps promis
4) le lancement du fonds d’investissements attendu
5) un véritable identifiant unique NINA, comme souhaité par tous
6) la réduction du taux de l’IS(Impôts sur le sociétés) conformément aux recommandations de l’UEMOA, à savoir 25% du bénéfice.
7) le démarrage effectif de l’association ASP.
8) le soutien aux entreprises victimes de la crise ivoirienne
9) le soutien aux entreprises victimes de la crise sahelo-sahélienne
10) la poursuite du dialogue avec le secteur privé dans la perspective de la poursuite des reformes de l’Etat, afin de disposer d’une administration au service de l’économie et des créateurs de richesses, profitables à l’ensemble des habitants de notre pays.

Propos recueillis par S.El Moctar Kounta

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