Au lendemain de la tenue, les 5 et 6 septembre, des premières rencontres en vue d’une transition au Mali, Kabiné Komara ancien Premier ministre guinéen, se montre optimiste sur l’issue du dialogue entre Maliens. Il estime toutefois qu’il ne faut rien précipiter et que tout ne sera pas «réglé durant la période de transition». Entretien.
Une première rencontre nationale annoncée par la junte au pouvoir s’est tenue les 5 et 6 septembre à Bamako et dans le reste du pays. Le Conseil national pour le salut du peuple (CNSP), représentant les auteurs du coup d’État qui a renversé le Président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) le 18 août dernier, a ratissé large pour recueillir les propositions pour «façonner l’architecture et les organes de la transition», selon le document présenté par le CNSP.
Il a en effet convié les partis politiques, la société civile, le M5-RFP (Mouvement du 5 juin –Rassemblement des Forces patriotiques, les porte-drapeaux de l’opposition politique au Président déchu) et les groupes armés signataires de l’accord d’Alger (cessez-le-feu signé en 2015 entre le gouvernement et les groupes djihadistes au nord du Mali). Les propositions émises par ces différentes forces vives vont, maintenant, être transmises à un groupe d’une vingtaine d’«experts» qui devront «en faire la synthèse».
Interrogé par téléphone depuis Conakry, Kabiné Komara, ancien Premier ministre guinéen, a accepté de commenter pour Sputnik France tous les points «délicats» de cette transition. Après avoir échangé «avec un groupe d’éminents cadres maliens», a-t-il précisé, il se montre très optimiste sur ce qui pourrait être esquissé au Mali compte tenu de son expérience des transitions politiques en Afrique.
Sputnik France: Y a-t-il des similitudes entre votre expérience de transition après un coup d’État militaire chez vous, en Guinée, et ce qui est en train de se passer au Mali?
Kabiné Komara: «La similitude majeure réside dans les événements précurseurs des deux coups d’État. Dans l’un et l’autre des deux pays, on a assisté à une profonde détérioration de la gouvernance, à des crises sociales et à une défiance grandissante des populations vis-à-vis de la classe dirigeante. Le tout ponctué par des manifestations populaires d’une ampleur inédite, ayant entraîné des convulsions qui devenaient difficiles à endiguer. Dans les deux cas, elles se sont terminées par la chute du régime en place. Toutefois, en Guinée, les militaires ont attendu que le Président Lansana Conté décède [le 23 décembre 2008, ndlr]. Au Mali, les militaires du Conseil National pour le Salut du Peuple (CNSP) sont intervenus pour parachever ce que les manifestants avaient entamé en amenant le Président Ibrahim Boubacar Keita à démissionner.»
Sputnik France: Quel serait votre conseil à la junte au pouvoir au Mali dans le choix d’un Premier ministre de transition?
Kabiné Komara: «Au Mali, l’équipe qui dirigera la transition doit, en premier lieu, redonner confiance à l’armée. Compte tenu de la crise sécuritaire qui sévit dans ce pays, il ne serait pas illogique que l’attelage Président/Premier ministre comprenne un militaire doté d’un vrai charisme. Ainsi, l’autorité de l’équipe de transition pour instaurer cohésion, confiance et respect dans l’armée ne sera pas contestée.
En Guinée, en 2008, l’armée était très désorganisée. Elle constituait une menace pour les populations du fait des actes d’agression et de vandalisme auxquels certains militaires se livraient impunément. Mais il n’y avait pas de crise sécuritaire dans le pays. Le Président de la Transition fut un militaire aussi bien dans la première phase de la transition, avec Dadis Camara, que dans la deuxième phase, avec le General Sékouba Konate. Dans chacune des deux phases, le Premier ministre fut un civil.
Pour ma part, je fus appelé comme Premier ministre de la première phase [décembre 2008 à janvier 2010, ndlr] au motif que les forces vives m’avaient déjà proposé du temps de Lansana Conté et du fait de mon réseau à l’international. Les militaires ont estimé que je pouvais contribuer à apporter des atouts sur divers aspects.»
Sputnik France: Êtes-vous optimiste quant à la détermination de la junte de vouloir préparer la transition pour rendre le pouvoir aux civils dans le cadre d’un consensus national?
Kabiné Komara: «Le succès de toute transition dépend de la valeur de l’équipe qui va la diriger, de l’agenda et du calendrier de cette transition. Si l’agenda est conçu de manière inclusive et que son rythme de mise en œuvre obéit aux mêmes principes, le processus sera en mesure de résister aux soubresauts inhérents à toute transition, car les mécanismes de résorption auront été mis en place. Le profil psychologique et la formation des militaires maliens qui ont pris le pouvoir à Bamako montrent que ce ne sont pas des illuminés. Ils ont jusque-là démontré une réelle volonté de dialoguer et d’associer l’ensemble des forces vives de la nation pour aller vers la tenue d’élections qui permettront de rendre le pouvoir aux civils. En fait, c’est comme si l’on était en train d’assister à une sorte de conférence nationale souveraine au Mali.»
Sputnik France: Pourquoi a-t-il fallu un énième coup d’État militaire pour que les responsables politiques maliens acceptent, enfin, de discuter tous ensemble?
Kabiné Komara: «Il y a une différence de taille entre ce qui s’est passé lors des discussions du Dialogue national [tenues fin 2019, ndlr] et ce qui est en train de se passer aujourd’hui. Auparavant, on considérait que les discussions étaient pilotées par le pouvoir. Or, celui-ci avait perdu la confiance d’une bonne partie de la classe politique et de la société civile. Mais cette fois, tout le monde semble rassuré que les décisions qui seront prises à l’issue des rencontres de concertation en vue de la transition seront appliquées.
L’Accord d’Alger, par exemple, a beaucoup divisé les Maliens. Mais s’ils parviennent à en discuter tous ensemble, alors il n’y a pas de raison pour que des sujets majeurs comme la décentralisation, la réforme de l’armée –voire des mesures courageuses prévues dans cet accord comme une nouvelle allocation des ressources– ne soient pas acceptés. L’avantage de la nouvelle équipe, c’est qu’elle n’a aucun passif et que les termes de références auront bénéficié d’un certain consensus.»
Sputnik France: Qu’en est-il de la durée de la transition?
Kabiné Komara: «La durée de la transition ne doit pas être un sujet tabou. Tout dépendra du consensus avec lequel l’architecture de la transition sera adoptée et soutenue par les forces vives du pays. Si tel est le cas, la CEDEAO [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ndlr] devra faire preuve de réalisme et se conformer aux vœux des Maliens, compte tenu des spécificités du pays.
Il est normal que la communauté internationale s’inquiète, car certains militaires ont la fâcheuse habitude de s’éterniser au pouvoir. Mais si les discussions actuelles entamées par la junte débouchent sur une feuille de route raisonnable, alors, oui, il sera possible de faire bouger les lignes! Le plus important, c’est que la durée qui va être décidée pour cette transition permette au Mali de repartir d’un bon pied pour ne pas, par précipitation, refaire les mêmes erreurs que par le passé.»
Sputnik France: Le M5-RFP a-t-il raison de vouloir se réclamer comme le «partenaire privilégié» du CNSP?
Kabiné Komara: «Il est regrettable qu’une certaine presse n’ait parlé que de couacs et de dissensions profondes entre le M5-RFP et le CNSP. À partir du 5 juin, les Maliens ont pris d’assaut les rues de Bamako à l’appel du M5-RFP qui a, de ce fait acquis, une légitimité certaine. En ébranlant les fondements du régime d’IBK par leurs revendications, ce mouvement d’opposition a ainsi permis aux militaires de parachever, sans effusion de sang, le travail entrepris.
Les derniers contacts entre les protagonistes ont, à mon avis, permis de clarifier la situation entre les deux parties. Maintenant qu’il est question de jeter les fondements d’un nouveau Mali, je suis convaincu qu’en vrais patriotes, les leaders du M5-RFP comprennent la nécessité d’associer tout le monde dans les décisions qui vont être prises. Il y va de la stabilité et du futur du pays. Le pire serait une chasse aux sorcières actuellement au Mali, mais il ne faut pas non plus instaurer l’impunité, car, encore une fois, on ne doit plus répéter les mêmes erreurs.»
Sputnik France: Que pensez-vous des 17 propositions remises à la junte par le M5-RFP?
Kabiné Komara: «Ce catalogue de propositions traduit l’ampleur des attentes des populations. Il est de coutume de croire que tout peut ou doit être réglé durant la période de transition. C’est une erreur classique. Alors qu’au contraire, il faudrait plutôt une liste de priorités et surtout, se donner les moyens de les réaliser dans le temps imparti. La tenue d’une feuille de route est importante, aussi, pour éviter la multiplicité des interventions extérieures qui sont toujours très dommageables.»
Sputnik France: Faut-il, selon vous, une IVe République au Mali, comme le réclame un certain nombre de mouvements citoyens?
Kabiné Komara: «Les militaires ont décidé de ne pas suspendre la Constitution actuelle. Je crois qu’à ce stade, il s’agit d’une sage décision. Préparer une nouvelle Constitution et la faire adopter n’est pas une mince affaire. Le risque majeur étant que toute l’attention et toutes les énergies deviennent focalisées sur cet objectif, alors que la décentralisation, l’application de l’Accord Alger, voire la lutte contre la gabegie –et notamment la drogue et le trafic de faux médicaments– qui constituent les principales sources de financement du terrorisme actuellement au Mali, sont davantage prioritaires.
Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas une nouvelle Constitution. Mais cette décision devra découler d’un examen minutieux des insuffisances de l’actuelle Loi fondamentale, ainsi que de l’unanimité avec laquelle les principaux acteurs politiques maliens y trouveront une pertinence.»
Sputnik France: Qui voterait pour cette nouvelle Constitution puisque deux tiers du territoire malien sont sous le contrôle des djihadistes?
Kabiné Komara: «C’est la raison pour laquelle je parle d’un examen pertinent et minutieux de tous les aspects qui s’attachent à l’adoption d’une nouvelle Constitution. La transition au Mali devra inévitablement se terminer par l’élection d’un Président de la République. Faudra-t-il coupler les deux scrutins ou bien les séparer, compte tenu des coûts et de la nécessité de parvenir d’abord à pacifier l’ensemble du territoire? C’est là une question dont la réponse dépendra, encore une fois, de la célérité avec lesquels la feuille de route sera mise en œuvre.»
Sputnik France: La junte devrait-elle négocier avec les djihadistes, selon vous?
Kabiné Komara: «Ce sera difficile de faire autrement si l’on veut ramener la paix dans le pays. Mais ces négociations devront être engagées, dans un premier temps, de manière discrète pour tester la capacité de compromis de l’ennemi. Car depuis 2012, le Mali vit une guerre asymétrique. D’où aussi la nécessité pour les forces armées maliennes de se renforcer en capacités de renseignement et de développer davantage de réseaux.»
Sputnik France: Et en ce qui concerne la présence de la force Barkhane?
Kabiné Komara: «Le CNSP a déclaré qu’aucun des accords déjà signés par le Mali ne sera remis en cause. Il y a, certes, un grand ressentiment [à l’égard de la présence militaire française, ndlr] ainsi que de nombreuses critiques sur la façon dont l’armée malienne a été gérée jusqu’à présent. Mais les relations avec les éléments de la force Barkhane ne peuvent aller qu’en s’améliorant au fur et à mesure que les soldats maliens seront à la manœuvre, au lieu d’être constamment à la peine!
Quant à la résolution des conflits intracommunautaires, tout va dépendre de la rapidité avec laquelle le moral des troupes sera rétabli. Je ne crois pas que l’on puisse parler d’une ethnicisation au sein de l’armée malienne. En tout cas pas comme cela a existé au Soudan et notamment au Darfour […]
Dans le cas du Mali, il n’y a pas d’informations que des hauts gradés se sont livrés à des exactions ethniques. C’est essentiel de le comprendre, car il y a beaucoup d’instrumentalisation dans ce conflit du fait d’intérêts égoïstes. N’oublions pas que déplacer des populations est un enjeu financier colossal!»
Sputnik France: Alors que s’ouvre lundi 7 septembre à Niamey (Niger) le 57e sommet de la CEDEAO, quelle leçon devraient tirer les dirigeants du coup d’État du 18 août au Mali dans la prévention des crises, notamment électorales, qui s’annonce dans la sous-région?
Kabiné Komara: «La CEDEAO a contribué jusqu’ici à éteindre de graves foyers de désaccords politiques, certains plus ou moins violents. C’est pourquoi il faudrait être un peu plus nuancé dans le procès tous azimuts qu’on lui fait, car elle a des acquis appréciables, ne serait-ce que l’intégration de la sous-région. Par exemple, la CEDEAO a noué des partenariats féconds avec les grandes institutions multilatérales comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD), l’Union européenne, pour financer des projets régionaux intégrateurs. C’est le cas, par exemple, des réseaux d’interconnexion électriques, des corridors routiers et des infrastructures de télécoms. Même si de tels projets sont lents à se réaliser, ils ont le mérite d’exister.
Toutefois, le rythme et la fréquence des échéances électorales dans les différents pays de la sous-région sont devenus une source de conflits. Aussi, beaucoup pensent que la CEDEAO devrait être plus réactive aux mesures d’alerte des principales institutions, alors qu’elles sont traitées actuellement au niveau des chefs d’État, donc par consensus. Ce qui veut dire que si le pays d’un important chef d’État est concerné, il peut peser de tout son poids pour éviter la saisine ou une réaction appropriée de l’organisation. Il y a là une source de blocage incontestable.»
Sputnik France: Du coup, l’avènement d’une «CEDEAO des peuples» est-il une utopie ou bien, au contraire, une urgence?
Kabiné Komara: «Le cas malien a fait ressortir des incompréhensions sensibles, compte tenu de certains agendas politiques dans la zone. Mais les crises offrent l’occasion de se remettre en question pour mieux s’adapter aux attentes des peuples. Le temps est venu de s’atteler à ce chantier de la “CEDEAO des peuples”, qui s’impose comme une lancinante exigence. Et de réfléchir, sans tarder, à de nouveaux mécanismes pour restaurer la crédibilité de la CEDEAO sur les questions de gouvernance politique.»
Par Christine H. Gueye
Source : Sputnik France
ILS ONT BARRE LE CHEMIN A DADIS CAMARA ET VOILA AUCUN OBJECTIF N EST ATTEINT LA GUINNEE EST TOUJOURS CORROMPU JUSQU`AUX OS……….LES POULATIONS TOUJOURS PAUVRES………
QUAND LA DEMOCRATIE DEVIENT UNE COUVERTURE POUR L`IMPUNITE ………..SEIGNEUR AI PITIE DE L`AFRIQUE …………
CES CIVILS QUI ONT GERE LE PAYS DE LA FACON LA PLUS CALAMITEUSE APPROFONDANT LA PAUVRETE DANS LE PAYS PENDANT DES ANNÉES SONT ILS ILUMINES? QU`APPELEZ VOUS GENS ILLUMINES?
LE CLAN CORRONDU D`IBK QUI A ETE CHASSE RECENSEMENT DU POUVOIR PAR LES POPULATIONS ETAIT IL ILLUMINE? CE CLAN ETAIT IL ILLUMINÉ?
QU`APPELE T IL ILLUMINE?
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