Thierno Amadou Omar Hass Diallo, ministre des Affaires religieuses et du culte : “Nous luttons contre toute pensée qui peut aboutir à l’extrémisme violent ou le favoriser”

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Célébrer le pèlerinage catholique de Kita et le Maouloud dans le Mali d’aujourd’hui c’est une obligation”

Un Ministère des Affaires03 religieuses et du Culte pourquoi faire ? Quelles relations avec les chefs religieux, comment combattre l’extrémisme religieux ? Quelles impressions sur le Maouloud qui a quasiment coïncidé avec le pèlerinage chrétien de Kita ? L’organisation du pèlerinage à la Mecque, l’insertion socioprofessionnels des imams formés, le rôle de l’Etat dans la laïcité, tels sont, entre autres sujets, les centres d’intérêt abordés dans le cadre de cet entretien exclusif avec le ministre des Affaires religieuses et du Culte, Thierno Amadou Omar Hass Diallo.
Aujourd’hui-Mali : Monsieur le Ministre, pour une meilleure compréhension de nos lecteurs, voudriez-vous rappeler les grands axes des missions du Ministère des Affaires religieuses et du Culte ?
Thierno Amadou Omar Hass Diallo : J’ai une formule toute faite pour bien répondre à cette question chaque fois qu’on me la pose. Nous sommes-là pour renforcer la laïcité de l’Etat et pour une meilleure résilience face à la chose religieuse, donc tout ce que nous devons poser comme acte afin que la laïcité s’exprime. Pour nous, la laïcité, c’est l’expression libre des confessions et des libertés religieuses, mais c’est aussi l’Etat qui n’est pas sous omerta d’une religion ou d’une confession religieuse, mais c’est aussi un Etat pas indifférent à la chose religieuse, mais plutôt, un Etat regardant sur la chose religieuse. Parce que le comportement d’un Etat indifférent face à la chose religieuse, c’est ce qui nous a plongé dans une certaine situation. C’est pourquoi, je dis bien que nous sommes donc là pour le respect de la laïcité et non pour le laïcisme qui, selon moi, est la mort de Dieu.
On sait que les Affaires religieuses renvoient à la pluralité religieuse, voire à la diversité religieuse. Comment votre ministère se retrouve-t-il dans cette diversité ?
On s’y retrouve en toute beauté. On me pose souvent la question de savoir, mais comment vous faites ? Je réponds que c’est parce que c’est pluriel que je suis à l’aise. C’est pluriel, c’est plusieurs religions et donc un Ministère des Affaires religieuses et du Culte, c’est toutes les religions. Et ce qui me met à l’aise dans ce travail, c’est que lorsqu’on me nommait, pour la première fois, en Conseil des ministres, le président de la République m’a dit : “Monsieur le Ministre, vous êtes le ministre de toutes les religions !”. Alors, dès lors, je dis aux gens de ne pas me voir Thierno musulman qui s’occupe des Affaires religieuses, mais c’est Thierno dans la fonction de ministre des Affaires religieuses. Et donc, qui doit s’occuper de tous les membres de toutes les religions et du Culte.
Justement, Monsieur le Ministre, lorsqu’on parle de religion à l’heure actuelle, on ne peut s’empêcher de penser à l’extrémisme religieux qui nous a causé beaucoup de torts et vous en faisiez allusion tout à l’heure. Comment votre Département a-t-il pris en charge cette question ?
Je crois qu’il y a une volonté politique qui a d’abord prévalu à la création du Département, qui au début avait fait beaucoup de dubitatifs et après, on s’est rendu compte qu’il fallait le faire. Cette volonté politique, c’est de sortir de la routine, de ce qui est vu dans la lutte contre l’extrémisme violent, notamment l’aspect sécuritaro-militaire. Nous pensons, et c’est une conviction ferme du président de la République, que la question de l’extrémisme violent est une question d’idéologie, de déviation de l’islam de sa voie originelle. Alors, ce qui sort de l’esprit, ce n’est que par la réflexion, par un travail de l’esprit qu’on peut le combattre.
Voilà pourquoi cette politique nationale contre l’extrémisme violent a été portée par le Ministère des Affaires religieuses et du Culte. Non pas, au contraire à ce qu’on pouvait penser, parce qu’on veut avoir un cachet religieux, mais nous pensons fondamentalement, surtout dans le cas du Mali, que le terrorisme au Mali est un glissement de l’extrémisme violent. Alors, nous luttons contre l’extrémisme violent en luttant contre toute pensée qui peut aboutir à l’extrémisme violent ou le favoriser. Et cela ne peut se faire que par des prêches modérés, un islam du juste milieu. Indéniablement, à ce prix, nous empêcherons l’extrémisme violent et a fortiori de tomber dans le terrorisme. Le sécuritaro-militaire c’est fait par les Forces armées maliennes et autres. Mais cela ne suffit pas, il faut aller vers une sorte de désendoctrinement. Il faut donc apporter des ripostes doctrinales par l’islam du juste milieu, par le réalisme.
Et à l’heure actuelle, comment se passent les relations du Ministère avec les confessions religieuses, particulièrement avec les leaders religieux ?
Ces relations, elles sont les meilleures. Cela, je peux vous le dire et vous en rassurer. Je le dis très souvent, on a tendance à être dans un complexe, surtout cartésianiste, en pensant que tous ceux qui ne sont pas passés dans nos écoles, comme nous les connaissons, c’est autre chose. Mais non ! Ces leaders religieux ont une lecture du pays, ont une lecture de leurs responsabilités et de leurs missions. La première des choses, je pense, du fait que nous ayons cette relation bon enfant, c’est parce qu’ils savent que nous ne faisons pas une politique politicienne, ils n’ont pas en face d’eux un politicien. Ils ont en face d’eux quelqu’un qui est en mission et qui respecte les religions. En d’autres termes, ils ont compris que je suis là pour une mission, mais pas pour mes sentiments, mes affinités. Ça les met en confiance. Et nous sommes équidistants entre l’islam et toutes ses tendances, le christianisme et toutes ses tendances et toutes les croyances traditionnelles. Chacun s’y retrouve et on se retrouve avec chacun.
Par ailleurs, Monsieur le Ministre, à travers le Ministère des Affaires religieuses et du Culte, le Mali a été félicité par les autorités saoudiennes en ce qui concerne l’organisation du Hadj. Quels sont les grands repères de ce succès ?
Vous savez, ce Département est félicité plusieurs fois. On ne le dit pas. Avant de répondre à votre question, il est bon de rappeler que je suis le ministre qui coordonne la lutte contre l’extrémisme religieux dans le G-5 Sahel. Nous sommes le premier pays dans l’espace G5-Sahel à adopter une politique nationale de lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme et nous en avons été félicités. La liste est longue.
Mais par rapport au pèlerinage à la Mecque, vous voyez déjà que nous sommes partis d’un quota de 9 000 à 13 000 pèlerins. Donc presque 50% de plus. Nous en avons été félicités seulement parce que nous sommes en train d’innover et là-dessus je pense qu’il faut partager cela avec les agences. Car, de plus en plus, les gens comprennent que le pèlerinage doive sortir de cette routine d’il y a des décennies. Nous avons notre lecture qui est que nous disons à ceux-là qui sont dans l’encadrement, que la première des choses, c’est l’image du Mali.
Nous tenons à ça et je pense que c’est une raison fondamentale. De plus en plus les gens croient à ça et ils croient aussi au fait que nous sanctionnons. De plus en plus donc on se rend compte qu’en partant pour encadrer le pèlerinage, on a une responsabilité. Cela est important et je pense qu’avec le temps, nous pourrons réellement rendre rationnel le travail du pèlerinage. Cela va prendre certainement du temps, mais nous y parviendrons.
Vous vous rendez compte d’ailleurs que les privés sont de plus en plus dans notre esprit. Ce qui amène une atmosphère fraternelle de collaboration car ils ont compris que nous ne sommes pas là pour de la concurrence, mais pour faciliter les choses à tout le monde. Remercions aussi le Consulat Saoudien et les autorités de ce pays.
Dans le même ordre d’idées, l’Eglise vous a félicité. Concrètement, qu’est-ce que votre Département a fait pour recevoir cette marque de satisfaction de la part de l’Eglise ?
Peut-être que c’est l’assurance que nous leur avons donnée, que nous ne sommes pas un Ministère des Affaires islamiques. Nous sommes un Ministère des Affaires religieuses. Et des Maliens ont choisi de ne pas être musulmans et d’être chrétiens ou autres. Comme tels, nous avons le devoir de les respecter dans leur choix et de respecter leur religion. Je crois donc que c’est cela car autant nous sommes avec la communauté musulmane, autant nous sommes avec la communauté chrétienne. Nous ne sommes pas dans cet esprit de majoritaire ou de minoritaire, mais de pluralité de religions. C’est tout !
Monsieur le Ministre, où en est-on avec la question de l’insertion socioéconomique des imams formés dans ce métier ?
Vous savez, cela a été le premier acte politique du Président de la République avec Sa Majesté le Roi Mouhamed VI. Là-dessus, la compréhension a beaucoup joué de la part du Maroc, surtout pour la prise en charge du billet d’avion, du séjour et du retour, ainsi que tout ce qui est frais médicaux pendant le séjour, etc. Mais en plus, la partie marocaine a même institué en même temps la formation professionnelle. C’est ainsi que nous avons des imams techniciens en électricité, en coupe-couture, en informatique…c’est selon le choix des imams envoyés en formation sur place au Maroc. Il y a toujours cette question de leur insertion que nous n’avons pas fini de résoudre au niveau du Département, parce que nous n’avons pas fini de mettre en place une Politique nationale des Affaires religieuses et du Culte.
Ce n’est que cette année qu’on a mis en place la Direction nationale, qui est donc balbutiante. Et le temps de mettre en place les directions régionales, subrégionales, etc. Il nous faut donc une structuration et une occupation du champ religieux par l’Etat, non pas du point de vue cultuel, dans son exécution, mais du point de vue de son fonctionnement. Il faut qu’à un moment donné, l’Etat puisse avoir une forte présence sur le champ religieux, sans y intervenir. Si nous ne faisons pas le travail d’utilisation des imams formés, l’absence de discours d’un Islam du juste milieu se posera toujours et la formation des imans n’aura pas servi.
Par exemple, la Grande mosquée de Bamako a été construite et donnée par l’Arabie Saoudite, celle de Ségou par Kadhafi, mais elles n’ont même pas de statut et on est en train de réfléchir là-dessus. C’est pour vous dire que le champ religieux était laissé à lui-même. C’est pourquoi, je dis que, franchement, le Président de la République a eu une très bonne vision en créant ce Département. Parce qu’il faudrait restructurer ce champ, avoir une vision claire sur ce qui doit être le rôle des religieux et en ce moment nous définirons qu’est-ce qu’un imam ? Quel background il faudrait avoir pour prétendre être un imam ou prêcheur ? Quelle doit être la stratégie des médias religieux ? Il y a tout cela qui doit être contrôlé, supervisé. C’est en ce moment même que les chefs religieux pourront mieux jouer leur rôle et nous pourrons les mettre à contribution dans la lutte contre l’extrémisme religieux qui est le combat de tout le monde.
C’est dire qu’il faut qu’on sorte de cette laïcité comprise comme le fait que l’Etat doit se désintéresser de la chose religieuse. Ce que moi j’appelle le laïcisme. L’Etat doit prendre en charge la question religieuse et l’une des difficultés que rencontre mon Département, c’est de faire comprendre cela surtout aux partenaires.
Monsieur le Ministre, nous venons tout juste de sortir de la célébration du Maouloud, qui a quasiment coïncidé avec le pèlerinage chrétien de Kita. Quelles sont vos impressions sur ces événements religieux cette année ?
Moi je crois d’abord à l’unicité de Dieu et c’est ce que Dieu nous montre. A chaque fois que nous nous éloignons des signes, Dieu fait refléter ces signes encore, et on les voit. C’est une façon de nous dire, regardez-moi, rapprochez-vous et ne vous éloignez pas. Regardez bien ce qui s’est passé : le pèlerinage catholique c’était le dimanche et le lendemain, lundi, c’était Maouloud. De Jésus à Mahomet, quelle journée ! Je pense que ces célébrations sont des moments de ferveur et de chance que le pays doit capitaliser. Vous savez, l’être humain, quel que soit son orgueil, ne se sent dans l’humilité que face à Dieu. Quel que soit là où on est, à la mosquée, à l’Eglise, à la chapelle ou devant n’importe quel lieu de culte, on sent qu’on n’est rien, on est faible. Donc face au Seigneur omnipotent et omniscient, on s’en remet à lui. C’est des moments où le peuple est dans l’humilité. Ce qui est important, ce n’est pas d’y être pour un moment ou pour un jour, mais c’est de s’approprier les enseignements de ces moments-là et de continuer avec. En effet, en dehors de l’humilité, ce sont des moments de cohésion dans la fraternité. Quand vous entrez dans ces lieux de pèlerinage ou dans une mosquée, vous y rencontrez un brassage des Maliens dans toute leur diversité. On oublie les divergences politiques, les différences ethniques, géographiques ou bien les différences économiques, sociales etc. Pourquoi donc ne pas pérenniser ces instants-là ? Quand nous célébrons ces festivités religieuses, c’est à cela que je pense. Je me dis que nous avons de fortes chances de vivre ensemble, de considérer l’autre en nous-mêmes. C’est pourquoi, célébrer ces pèlerinages et ces Maouloud, dans le Mali d’aujourd’hui, c’est même une obligation.
Mais pourquoi ?
Quand vous prenez le Maouloud, c’est l’islam du juste milieu car il nous rappelle Le Prophète (Paix et Salut sur Lui). Et Le Prophète, dans tous ses actes, il a été pondéré, mesuré. Que ça soit dans les propos, les agissements. Imaginez Le Prophète qui va à Médine et qui a été accueilli par le son des tam-tams des mécréants de Médine, mais heureux de le recevoir. Ensuite, Le Prophète qui partage ses disciples entre les familles de Médine qui n’étaient pas des musulmans, et qui sont devenus musulmans. C’est Le Prophète qui pardonne, même à celui qui a éventré sa fille. Le Prophète qui envoie les premiers croyants musulmans se réfugier chez le roi d’Abyssinie, l’Ethiopie actuelle. Il était chrétien mais il a répondu aux poursuivants venus chercher les musulmans que même s’ils lui payent leur pesant en or, il ne les livrera pas.
Je crois que nous avons besoin de comprendre cela, de cultiver cela, en comprenant que le christianisme a été un moment soutien de l’islam. Que les gens retiennent ce que Mohamet dit des prophètes, qu’ils sont tous des enfants de mères différentes, mais du même père. Voilà ce genre de messages que nous devons pouvoir diffuser. Tirons des leçons de cela, que tous les croyants sont des frères.
Si nous prenons une région comme le Macina qui fait autant d’interrogations aujourd’hui. Du temps des Cheikhou Amadou, Lamdou Djoulbé, etc, il y avait plein de Hafizoul Quran c’est-à-dire des gens qui avaient le Coran en tête. Il n’y avait plus cette question de Diawambé ou de Fulfulbé, de Djalloubé, de Foutanké, etc. Pour la petite histoire, Cheikhou Amadou a eu à dire : celui qui aura le premier prix de récital du Coran, je lui donnerai ma fille. Et le premier a été un Diawambé. C’est les sages de la Cour qui lui ont dit “Et tu vas lui donner ta fille !”. Il a répondu : Je vais le lui donner car c’est une promesse que je vais tenir, car dès lors que nous sommes croyants, nous sommes égaux. On lui dit de ne pas le faire parce que cela va détruire des valeurs sociétales, en ce sens qu’il existe un pacte entre les Diawambé et les Djalloubés, qui fait que si un Djalloubé trouve sa femme en train de causer avec un Diawambé, à n’importe quelle heure, il ne réagira pas, par confiance. Et vice-versa ! Et ils lui disent que dès lors qu’il validera ce mariage, il détruira ce pacte parce que les membres du couple s’approcheront de chair et cette confiance entre les deux groupes sociaux va s’ébranler. Est-ce que tu vas détruire nos valeurs sociétales ? Lui demanda-t-on. C’est pour rappeler que la religion a tellement respecté ce qui fait la stabilité de notre société ! Il est donc inimaginable, aujourd’hui, que cette religion d’amour, de bonheur qui soit détournée à des fins de tueries, de facture sociale, de destruction de l’unité nationale.
Votre dernier mot, Monsieur le Ministre ?
C’est de nous considérer poussière. De considérer le monde en halte, en un feu de stop, juste le temps que le vert sorte et on passe. D’être dans l’humilité. Que chacun voit en l’autre son frère. Que chacun aime ce pays car sans ce pays nous ne sommes rien. Que chacun se dise croyant et se pose des questions face au miroir : qu’ai-je fait pour que le Mali soit ? Qu’ai-je fait pour que ceux qui viendront après moi trouvent ce pays comme je l’ai hérité d’un autre ? Cela est très important et là-dessus, mon Département a cette chance, je le dis souvent par boutade, que les autres départements travaillent pour le monde, notamment les constructions, les transports, l’environnement, etc, c’est la vie. Mais moi, je travaille pour Dieu parce que je travaille pour les religions. Et je dis aux gens, merci au Président de la République de m’avoir choisi pour travailler pour Dieu.
Aux journalistes, je demande de ne jamais oublier leur rôle fédérateur dans les messages qu’ils diffusent et je remercie les chefs religieux car ils nous ont acceptés et nous travaillons avec eux sans un sou et c’est grâce à eux que nous sommes-là.
Réalisé par Amadou Bamba NIANG

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3 COMMENTAIRES

  1. Thierno Amadou Omar Hass Diallo, ministre des Affaires religieuses et du culte, mérite bien son poste. Il a la sainte compréhension du respect de la diversité.

    Vivons ensemble tout en respectant la diversité.

  2. 🗿 L ACIDE DESTRUCTIVE DES RELIGIONS ABRAHAMIQUES QUI DILUENT TOUT: HOMME NATURE ET CULTURES!🗿

    🗿C EST RIDICULE NON? LE NEGRE CELEBRE L AUTRE ET SE NIE LUI MEME! IL PRONONCE DES INCANTATIONS QUI L IDIOTISENT A CHAQUE RECITATION! LE RESULTAT- IL PERD SA TERRE ANCESTRALE! LES ARABISES ET FRANCISES SE L ACCAPARENT APRES AVOIR BATARDISE ET IDIOTISER LE PEUPLE QUI DESORMAIS DOIT DISPARAITRE OU SE DILUER DANS L ACIDE ABRAHAMIQUE! REFLECHISSEZ!🗿

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