Agroéconomiste de formation à l’IPR de Katibougou, Ténin Nana Kouyaté est la fondatrice de la solution “Agribox”. Cette jeune dame de 23 ans très engagée dans la promotion de l’agritech en Afrique, nous a accordé une interview exclusive, dans laquelle elle fait état de son invention “Agribox”, en précisant notamment comment elle fonctionne, les difficultés rencontrées lors de sa création et enfin comment elle entrevoit le développement de l’économie numérique au Mali dans les prochaines années.
Aujourd’hui-Mali : Parlez-nous du projet solution “Agribox” ?
Ténin Nana Kouyaté : Agribox est une solution Agritech (l’utilisation de la technologie dans l’agriculture) destinée aux petits exploitants agricoles. Cette aventure a commencé en janvier 2019. L’objectif était de développer une solution pour les agriculteurs en utilisant les nouvelles technologies et en s’adaptant au contexte local (revenus limités, manques d’infrastructures adéquates et un taux d’alphabétisation faible). Vous savez, le secteur agricole représente 80% de la population active du Mali et 41% de son PIB. Pourtant, elle souffre de la faible productivité et de la difficulté d’écoulement de la production. Des problèmes auxquels les technologies de l’information et de technologie (Tic) peuvent être une alternative, en facilitant l’accès à l’information, à la formation et au marché. Cependant, les agriculteurs sont 80% des petits exploitants, 75% en milieu rural et 70% non alphabétisés. Ce qui limite leur accès aux services numériques. Ils n’ont majoritairement pas de Smartphones (chers ou complexes) et les téléphones classiques offrent des services limités. La solution “AgriBox” ramène les services numériques directement sur le téléviseur, très répandu en milieu rural malien et sous régional. C’est une solution unifiée (matérielle et logicielle) utilisant les meilleures pratiques existantes et les technologies d’avenir (Internet des Objets, Intelligence artificielle, Technologies vocales et décodeurs TV) pour améliorer le rendement et l’écoulement de la production agricole à moindre coût !
Qu’est-ce qui vous à motiver à lancer ce projet ?
Tout est parti d’un constat. L’Agriculture est le socle de notre économie et constitue l’activité principale en zone rurale, mais les populations rurales vivent très majoritairement sous le seuil de pauvreté. Ainsi, nous avons voulu proposer une solution adaptée (abordable et simple) qui améliorera la vie de ces femmes et de ces hommes qui nourrissent la nation.
Comment fonctionne la “Solution Agribox” ?
La solution “AgriBox” est basée sur un décodeur TV Box qui embarque le logiciel de notre plateforme. Une fois le décodeur branché sur le téléviseur, il permet à l’agriculteur d’accéder aux contenus de notre plateforme directement sur sa télé juste avec sa télécommande. Pour les utilisateurs de Smartphone, il suffit seulement de télécharger l’application mobile AgriBox.
De son lancement à nos jours, la “Solution Agribox” a-t-elle rencontré du succès ?
Oui, de son lancement à nos jours, le projet “Agribox” a rencontré des succès parce que nous avons obtenu plusieurs distinctions sur le plan national, africain et international. Sur le plan national, la solution “Agribox” a remporté le 1er prix de la 3è édition des “TechFriDays”, un concours organisé par le Ministère de l’Économie numérique et de la prospective en octobre 2019. Quant au plan africain, nous avons terminé 6è sur 250 candidatures africaines lors du concours panafricain “Miss Geek Africa 2019” organisé par “Girls in Ict Rwanda” à Kigali. C’était en marge du “Transform Africa Summit TAS 2019”. En septembre 2019, nous avons été sélectionnés pour participer au Start-up Summit Afric’Up à Tunis et en novembre 2019, nous avons reçu le Prix l’Innovation lors du Salon des Banques et des PMEs de l’Uemoa à Korhogo (Côte d’Ivoire). Sur le plan international, la solution “Agribox” a été sélectionnée au Social and Inclusf Business Camp SIBC 2019, un programme de l’Agence française de développement Afd à Marseille en France.
Avez-vous rencontré des difficultés dans la mise en œuvre du projet ? Si oui, lesquelles ?
Oui, nous avons connu des difficultés dans la mise en œuvre du projet. D’abord, nous avons le défi de l’adaptabilité de la solution aux populations cibles. Pour cela, il fallait prendre en compte le pouvoir d’achat des agriculteurs, le manque d’infrastructures et le taux d’alphabétisation faible en milieu rural. Ensuite, le manque d’accès au financement. Vous savez, on attend toujours des startups l’innovation sauf que lorsqu’on veut amener quelque chose de nouveau sur le marché, c’est très difficile de se faire accompagner et de pouvoir obtenir le financement dont nous avons besoin pour nous développer.
Pensez-vous que l’économie numérique peut-être un moteur pour le développement du pays ?
Absolument, pour un développement durable le digital n’est plus une option, mais une nécessité. D’ailleurs, cette situation de crise que nous traversons est une réponse claire à cette question. Dans un contexte où il faut limiter les contacts, informer et sensibiliser les populations et continuer à faire tourner la machine économique, la digitalisation devient tout simplement incontournable.
Comment envisagez-vous le développement de l’économie du numérique au Mali dans les prochaines années ?
A mon avis, l’économie numérique est très prometteuse au Mali. Les jeunes portent des idées de projets très innovants et pertinents. Si le domaine est soutenu afin qu’il puisse libérer son plein potentiel, d’ici quelques années, la digitalisation touchera tous les secteurs et à tous les niveaux afin de booster l’économie nationale.
Avez-vous un message à transmettre aux jeunes filles entrepreneures qui veulent lancer leur startup ?
Je leur dirais tout simplement de se préparer, d’avoir le courage pour affronter les difficultés parce qu’il y a beaucoup de difficultés dans le domaine de l’entreprenariat. De croire en elles. Tout ce que les hommes peuvent faire, les femmes peuvent faire encore mieux. Donc, qu’elles ne se sous-estiment pas parce qu’elles ont de la qualité pour aller de l’avant.
Votre mot de la fin ?
J’invite mes concitoyens à faire preuve de prudence en respectant les mesures-barrières face au COVID-19 car la levée du couvre-feu n’est pas la fin de l’état de crise. Également, une pensée forte aux acteurs du secteur privé qui traversent une période difficile avec cette crise. Que Dieu bénisse le Mali.
Réalisé par Mahamadou TRAORE