Soumaila Coulibaly: « le groupe GDCM n’est plus la propriété du seul Modibo Keita. Il est une entreprise citoyenne au service du développement du mali.”

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A la faveur d’une conférence de presse qu’ils ont animée récemment, les responsables de l’Association des importateurs de produits agroalimentaires du Mali (AIPAM) ont décrié lesformalités douanières aux frontières nationales qui compromettent dangereusement les importations de pomme de terre. Si pour l’essentiel la faute incombe à l’Etat du Mali, à travers la douane, d’aucuns parmi les responsables du secteur dénonce une manœuvre du gouvernement visant à accorder le monopole de la filière pomme de terre au groupe GDCM de l’opérateur économique malien Modibo Kéita. Les importateurs de pomme de terre qui reconnaissent être des partenaires du Groupe GDCM, mettent en doute la qualité de sa production du groupe et l’accusent de vouloir spéculer sur ses récoltes qu’il refuse de leur livrer. Dans cette interview, le responsable commercial de la filière pomme de terre du groupe GDCM, Soumaïla Coulibaly, dit Bassoumaïla, réfute ces accusations qu’il considère comme une énième et vaine cabale contre « une entreprise citoyenne dont le seul souci est d’accompagner les autorités nationales dans leur combat pour la souveraineté alimentaire.»

L’Association des importateurs de produits agroalimentaires du Mali (AIPAM) vous accuse est remontée contre ce que ses membres qualifient de manœuvres du gouvernement consistant à imposer la pomme de terre de GDCM par une hausse des taxes douanières. Elle vous accuse également de vouloir spéculer sur la pomme de terre en n’approvisionnant pas correctement le marché national. Qu’en dites-vous ?

Dès les premières récoltes, en janvier, les grossistes, dont des membres de cette association d’importateurs ont été les premiers à acheter nos produits. Le kilo de pomme de terre leur était cédé alors à seulement 210 F CFA.

De retour d’une mission à Ségou, un soir, j’ai été buté à un refus des grossistes de s’approvisionner en pomme de terre GDCM alors même que nous venions de leur notifier de la disponibilité d’une importante quantité dans nos magasins. J’ai appelé le PDG et lui ai notifié leur refus de prendre notre produit. Le PDG m’a dit : « débrouille-toi. Tu leur as réservé le produit, s’ils n’en veulent pas. Vends-les à ceux qui sont prêts à les prendre. J’ai alors appelé mes commerciaux qui ont trouvé des détaillants dans les marchés. Il fallait adopter la mesure adéquate à cet impondérable qui se présentait à nous. Nous avons compris qu’en réalité, les importateurs voulaient avoir l’exclusivité de la vente de pomme de terre de GDCM. J’ai refusé. J’ai cherché des clients. Je leur ai dit que je ne pouvais accéder à une telle exigence. Nous craignions en réalité que les revendeurs agréés s’en servent pour eux-mêmes spéculer sur les produits et monter les enchères. Nous avons donc trouvé preneurs alors qu’il y avait, au même moment des producteurs de Kati, de Sikasso voire de la pomme de terre importée des Pays-Bas. C’est la loi du marché, c’est du libéralisme.

Trois mois plus tard, lorsque les producteurs de Sikasso et de Kati étaient en rupture de stock, ils sont revenus nous voir pour renégocier l’offre. Le PDG m’en a fait part. Il me précise que son combat n’est pas un combat de personnes, mais celui de servir la nation toute entière.  Je lui ai dit que je savais quelle attitude adopter en de telles circonstances. Il a insisté pour que je leur redonne le produit. En arguant que c’était une question de souveraineté alimentaire, gage de développement et de stabilité du pays. Je leur ai donc donné 2000 tonnes de pomme de terre. Ils ont pris le produit et sont allés les stocker dans leurs magasins pendant six jours. Au 7è jour, ils m’appellent pour me faire savoir que le produit était avarié. Qu’ils n’avaient pas réussi à les revendre. J’ai exposé le problème à mon patron, qui a demandé sans condition que le produit de mauvaise qualité nous soit retiré du marché et lui soit retourné. Ils ont retourné plus de 1000 tonnes à notre magasin. Le PDG m’a demandé de trouver une solution pour sauver par le moyen du tri ce qui pouvait l’être. Tous nos employeurs étaient en larmes ce jour-là. J’ai aussi juré depuis de ne plus vendre de pomme de terre GDCM au groupement. Le PDG m’a donné son feu vert pour écouler notre stock qui remplissait quasiment nos 10 chambres froides.

Ensuite, du 1er avril au 17 mai, le sac de 25 kilos de pomme de terre a été cédé à 3250 F (soit 130 F le kilo). Ce qui est une première dans l’histoire du Mali. Personne n’a jamais autant réduit le kilo de la pomme de terre au Mali. Un record à mettre à notre actif ! Nous avons passé le ramadan de cette façon, le sac de 25 kg de pomme de terre n’avait toujours pas atteint les 10.000 F.

Pendant ce temps, les importateurs ont continué d’importer de la pomme de terre. Nous ne les avons pas empêchés. Nous n’en avons pas le pouvoir ni le désir. Mais au lieu de tranquillement mener leur activité, ils ont mis à contribution la presse locale pour nous dénigrer. Ils ont dit dans la presse que notre pomme de terre ne répondait pas aux normes d’hygiène, que sa qualité était douteuse. Ils sont allés plus loin en faisant croire que notre pomme de terre était pourrie et qu’elle donnait de la diarrhée, des maux de ventre, etc.

Nous n’avions pas réagi à cette campagne d’intox parce que, pour nous, c’était un non-événement. J’ai tout de même accordé une interview à certaines radios de la place pour rassurer quant à la qualité de notre pomme de terre. Cette campagne d’intox n’a pas cependant pas réussi à décourager nos habituels clients et à freiner la commercialisation de notre produit.

La campagne a cependant nécessité la visite d’une équipe de la Direction nationale du commerce et de la concurrence (DNCC) dans nos magasins, qui a constaté que la cour ne désemplissait pas malgré cette campagne de diffamation. Après la visite, l’équipe de la DNCC a exprimé son étonnement. Des femmes revendeuses vivant de ce commerce leur ont signifié leur préoccupation. Nous employons plusieurs centaines de personnes en emplois saisonniers et en job de vacances qui viennent pour le tri. Ce qu’il faudrait que les gens comprennent, le groupe GDCM n’est plus la propriété du seul Modibo Kéita. C’est une entreprise citoyenne au service du développement du Mali. Il mérite protection et accompagnement de la part de l’Etat. Ce ne sont pas des campagnes de désinformation et d’intox qui nous détourneront de notre objectif de couvrir la consommation nationale. Si le pays n’a pas les moyens, c’est par des mesures d’accompagnement qu’il peut protéger les intérêts des investisseurs et producteurs locaux. Le Malien doit juste accepter de travailler et cesser de se plaindre pour un rien. Aussi, dire que nous spéculons sur le produit relève de la mauvaise foi. Celui qui veut spéculer ne proposera pas sa marchandise dès ses premières récoltes.

 

Quelle est la quantité de pomme de terre disponible aujourd’hui en magasin?

Nous avons actuellement près de 4000 tonnes de pomme de terre en stock dans nos chambres froides. Certains sont stockés là depuis le mois de janvier. Et depuis 7 mois, le stock ne s’est pas altéré. Vous avez pu vous-mêmes (journalistes invités pour une visite guidée, ndlr) vous en rendre compte dans nos magasins. Les chambres froides sont conçues pour une conservation de longue durée. Le stockage peut même durer 12 mois voire plus. C’est un projet futuriste. La pomme de terre que nous avons ici n’est pas nocive. Elle répond bien à la norme de qualité.

Le groupe GDCM produit-il aussi de la semence de pomme de terre ?

Tout ce que nous produisons actuellement est destiné exclusivement à la consommation. Nous-mêmes sommes importateurs de semences et notre production n’est pour le moment destinée qu’à la consommation. La priorité de GDCM est aujourd’hui d’aider à assurer la souveraineté alimentaire à laquelle aspirent nos autorités. D’ailleurs, notre objectif reste celui d’amener chaque Malien à consommer à moindre coût la pomme de terre et qu’elle cesse de passer pour un produit de luxe destiné qu’aux plus aisés.

 

La pomme de terre importée serait moins chère, à en croire vos détracteurs, que celle produite localement. Pourriez-vous garantir que les producteurs locaux arriveront à approvisionner suffisamment le marché local qu’on ait besoin de recourir à l’importation ?

Aujourd’hui, nous avons atteint le pic du prix du kilo de pomme de terre. Mais la pomme de terre du groupe GDCM est cédé à 390 F CFA contre la pomme de terre importée qui, elle est cédée à 450 F le kilo. Faites la différence. Pire, il y en a parmi eux qui cèdent leur pomme de terre à plus de 450 F CFA. Par ailleurs, il faut reconnaître que si la production locale est bien développée et soutenue, l’on n’aurait pas besoin d’importer de la pomme de terre. Il faut s’organiser. La vision de GDCM, à long terme, est de nous auto-suffire en tous les produits que le Mali importe mais qu’il peut bien produire localement. Pour nous, importer contribue à inverser la balance commerciale de notre pays au profit d’autres et donc, à renflouer les caisses de ces pays et enrichir leurs producteurs. Or, il y a au Mali, suffisamment d’espace pour développer la culture de la pomme de terre. Mieux, la main-d’œuvre est malienne. Ce qui contribue également à la lutte contre le chômage. Imaginez que sur toute la chaîne de la production, ce sont des Maliens. Des producteurs aux commerçants (grossistes et détaillants) en passant par les transporteurs. Nous pensons que notre salut réside aujourd’hui dans le développement de cette culture plutôt que de nous chamailler sur des petits détails liés aux frais douaniers occasionnés par les importations.

 

A combien estimez-vous la capacité de production du groupe GDCM ?

Le groupe a réalisé lors de la campagne agricole écoulée une production de 12000 tonnes. Les projections pour cette année sont de 30 à 40 tonnes à l’hectare ; la campagne n’étant pas terminée. Le groupe dispose de 1000 hectares pour la culture de la pomme de terre.

Connaissez-vous des difficultés dans l’écoulement de  votre production, surtout que vos chambres froides sont remplies ? Quelles sont les vraies raisons du divorce entre vous et vos partenaires importateurs ?

Le problème majeur que nous connaissons est que la production n’est pas coordonnée. Ce qui fait que tous les producteurs mettent leurs produits sur le marché de terre au même moment. Tous se dirigent vers les mêmes marchés. En ces périodes-là, nous connaissons des difficultés. Il n’y a pas de planning de récolte et les marchés sont approvisionnés aux mêmes périodes.

Par ailleurs, nous n’avons aucun problème avec les importateurs. Je vous assure qu’en âme et conscience, nous n’avons aucun problème avec eux. Il est évident que dans la vie, les problèmes peuvent surgir de nulle part parfois. Et il faut composer avec ces impératifs. Sinon, nous n’avons jamais été contre les importations ni contre les importateurs. Nous ne les voyons pas non plus comme des concurrents. Nous ne nous y sommes jamais mêlés. Par contre, l’an dernier, c’est l’Etat même qui est intervenu à travers le département du Commerce et de l’Industrie pour dans un premier temps suspendre les importations jusqu’à ce que les productions locales soient entièrement écoulées. Nous avons travaillé avec les importateurs tout l’an dernier. Un mois avant que nos stocks ne s’épuisent, nous avons informé le Ministère du Commerce qui leur a donné à son tour son aval pour passer la commande pour éviter une rupture totale de stocks.

Cette année encore, le gouvernement a proposé la même chose, mais le PDG de GDCM a proposé au gouvernement de ne pas imposer de chronogramme et de laisser faire les importateurs pour éviter que des gens interprètent mal la décision et n’en fassent l’amalgame. Pour lui, on peut certes privilégier la production locale, mais intervenir suppose pour beaucoup de commerçants un privilège accordé au seul GDCM alors même que les producteurs de Sikasso et de Kati qui produisent plus que nous en bénéficieront au même titre.

Par contre, les conditions d’importations sont à respecter par les importateurs et même nous, nous pouvons importer car GDCM est enregistré comme une entreprise d’import/export. Je suis libre de faire entrer le produit que je veux dans mon pays mais dans le respect de la règlementation en vigueur. Ce sont des millions de familles maliennes qui vivent de la culture de la pomme de terre. Nous ne sommes pas l’Etat pour pouvoir imposer des obstacles douaniers sur les importations. Notre seul tort est de céder nos produits à des prix plus bas.

 

Avant d’être commercialisés, vos produits bénéficient-ils de l’aval des services de contrôle de qualité ou d’hygiène des aliments ?

 

Notre production est toujours mise sur le marché avec l’aval des services chargés du contrôle de l’hygiène alimentaire. Mais franchement, même le mil, s’il n’est pas préparé dans le respect des normes, il peut devenir toxique.

 

Il semblerait qu’il y ait eu une hausse de prix de la pomme de terre à l’approche de la fête de ramadan et d’aucuns parlent même de rupture de stock. Le paradoxe est que nous avons trouvé de la pomme de terre en grande quantité dans vos magasins. Comment expliquez-vous cela ?

Comme je vous l’avais dit tantôt, le kilo de la pomme de terre de GDCM n’a jamais atteint cette année la barre de 450 F FCA. Mais dire que j’ai refusé le produit à un quelconque client est une fausse accusation. Nous approvisionnons tous les clients qui  sont intéressés par notre production.

 

Comment peut-on reconnaître la pomme de terre Modibo Keita ?

Nous ne pouvons les distinguer que par le moyen des emballages. Sinon, le dernier acheteur ne peut pas reconnaître la pomme de terre de GDCM. Tout ceci pour dire que ce sont des stratégies consistant à vilipender le groupe.

Comment comptez-vous atteindre la clientèle si votre communication fait défaut aujourd’hui ?

Nous sommes là pour tout le monde. Proposez et nous allons améliorer notre façon de travailler. Nous allons songer à une

Avez-vous des excédents de production vous permettant d’aller vers l’exportation ?

La vision du groupe GDCM et de son PDG, c’est l’exportation. Nous avons d’ailleurs exporté cette année sur la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Nous avons 4 fourgonnettes d’une capacité de 30 tonnes chacune pour ce faire. Mais la priorité reste la satisfaction de la demande nationale.

Propos recueillis par ABD et ASG

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