Souleymane Bobo Tounkara, secrétaire général du comité syndical de l’AMAP : « Quand un syndicat travaille en équipe et quand on comprend que le syndicalisme est une lutte perpétuelle, on obtient forcément des résultats».

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Dans cet entretien, le secrétaire général du Comité syndical de l’Agence malienne de presse et de publicité (Amap) notre confrère Souleymane Bobo Tounkara semble être satisfait de son bilan depuis qu’il est à la tête de ce Comité en 2010.  Selon lui, « le secret de la réussite de l’actuel bureau, c’est la qualité des hommes et des femmes qui le composent et la méthode de travail de l’équipe. Toutes les sections de l’Amap sont représentées dans notre bureau et chaque fois qu’il y a un problème, à quelque niveau que ce soit, nous sommes tout de suite informés ».

 Aujourd’hui : L’année 2017 a été riche en événements pour le Comité syndical de l’Amap, avec notamment le bras de fer avec l’ancien Premier ministre Modibo Kéïta dans l’affaire du bâtiment central de l’Agence, la relecture de l’Accord d’établissement que vous avez signé en 2015 avec la direction de l’Amap et le dossier de l’alignement du salaire des contractuels sur celui des fonctionnaires. Au finish, vous avez obtenu satisfaction dans tous les dossiers. Comment vous sentez-vous aujourd’hui, en tant que secrétaire général du Comité syndical ?

Souleymane Bobo Tounkara : Je voudrai d’abord rendre hommage aux travailleurs de A  A l’Amap pour leur soutien dans les différents dossiers que vous avez évoqués et en même temps, les remercier pour la confiance qu’ils placent en nous depuis notre arrivée à la tête du syndicat en 2010. L’affaire du bâtiment central de l’Amap a été un long et difficile combat que le Comité syndical n’aurait sans doute pas gagné sans le soutien des travailleurs. C’était le combat de David contre Goliath, avec d’un côté la Primature et la Cedeao et de l’autre, le Comité syndical. Au départ, les autorités nous ont dit clairement que le gouvernement malien a donné sa parole à la Cedeao et qu’il était hors de question d’annuler la décision du Premier ministre d’affecter le bâtiment à l’organisation sous régionale. Il y a eu plusieurs rencontres avec notre département de tutelle qui était dirigé à l’époque par Me Mountaga Tall, la commission de conciliation et le Cabinet du Premier ministre.

A chaque fois, on nous répétait la même chose : pas question d’annuler l’affectation du bâtiment à la Cedeao. Le gouvernement, à travers notre ministère, est allé jusqu’à proposer de construire un nouveau siège pour l’Amap, mais nous avons dit niet. Un jour, alors qu’on s’apprêtait à déclencher une grève de 48h, nous avons reçu la visite de deux ministres : Me Mountaga Tall et Ousmane Koné. Dès le lendemain, le syndicat a adressé une nouvelle correspondance et une note technique au Premier ministre pour expliquer clairement la situation, tout en mettant l’accent sur l’histoire du bâtiment en question qui a servi de centre de formation pour les premiers journalistes maliens. C’est après l’envoi de cette correspondance et la mobilisation de l’ensemble de la presse nationale pour sauver notre site commun, que le gouvernement a fait machine arrière et annulé sa décision.

Depuis, les travailleurs de l’Amap n’ont pas assez de superlatifs pour vous. Certains travailleurs vous appellent le Puissant secrétaire général, d’autres le Patron des patrons. Comment réagissez-vous à tout ça ?

(Rire). C’est vrai que l’affaire du bâtiment central a provoqué l’indignation générale des travailleurs de l’Amap. Nous n’avons pas compris que ce bâtiment, un grand symbole de la presse malienne, puisse être affecté par l’Etat à une structure de surcroît sous régionale. Pour nous, c’était une décision inacceptable et le syndicat était prêt à tout pour empêcher la Cedeao de s’installer dans nos locaux. A chaque rencontre, on répétait que cela n’était pas négociable, mais à notre grande surprise, alors que les négociations se poursuivaient avec le ministre Tall et le Cabinet du Premier ministre, des rumeurs de pot-de-vin ont circulé et certains ont commencé à douter du Comité syndical. Nous n’avons nullement été découragés par ces rumeurs, le Comité syndical savait qu’il tenait le bon bout et n’a rien lâché. Finalement, après trois mois de lutte, nous avons réussi à faire reculer le gouvernement et dans la foulée, le bâtiment a été officiellement affecté à l’Amap par une décision du ministre des domaines de l’Etat.

Quand le ministre Tall est venu annoncer la nouvelle, tous les travailleurs ont salué la stratégie adoptée par le Comité syndical et la fermeté avec laquelle nous avons mené les négociations. Les superlatifs pour le secrétaire général ont commencé à partir de cette rencontre avec Me Tall. Cela fait plaisir d’entendre des choses comme ça, mais je dois dire, en toute modestie, que le secrétaire général seul ne peut rien faire sans le soutien du bureau syndical et des syndiqués. Je pense que le Comité syndical a eu une vision intelligente dans cette affaire. Après l’affectation du bâtiment à l’Amap, nous avons reçu des appels de partout, y compris de l’extérieur. Certains n’ont pas hésité de dire que nous avons sauvé un symbole de la presse nationale.

Mais il n’y a pas que le dossier du bâtiment central de l’Amap. Sous votre houlette, le Comité syndical a réalisé beaucoup d’autres choses, notamment les opérations de crédit, l’augmentation des heures supplémentaires et des primes, la signature d’un Accord d’établissement et même l’attribution de parcelles aux travailleurs. Quel est le secret de votre réussite ?

A mon avis, le secret de la réussite de l’actuel bureau, c’est la qualité des hommes et des femmes qui le composent et la méthode de travail de l’équipe. Toutes les sections de l’Amap sont représentées dans notre bureau et chaque fois qu’il y a un problème à quelque niveau que ce soit, nous sommes tout de suite informés. Au Comité syndical, notre slogan est : « le syndicat a l’obligation de chercher une solution à tous les problèmes des travailleurs ». Certes, on ne peut pas régler tous les problèmes, mais pour nous, il y a une solution à tous les problèmes. Toute l’équipe qui m’accompagne depuis 2010 a adhéré à cette philosophie de travail et il y a une confiance mutuelle entre nous. Quand un syndicat travaille en équipe et quand on comprend que le syndicalisme est une lutte perpétuelle, on obtient forcément des résultats.

Vous dirigez également le Desk sport de L’Essor depuis plus d’une décennie.  Comment faites-vous, quand on sait que le Desk sport travaille 7 jours sur 7 ? Finalement est-ce que vous avez une vie de famille ?

Le métier de journaliste est un sacerdoce, surtout quand on travaille dans un quotidien. Je suis comme tous les journalistes, sauf que je cumule le poste de chef de Desk sport avec celui de secrétaire général du syndicat. Depuis plus d’une décennie, je quitte ma famille tous les jours entre 7h et 8h et pour ne revenir qu’au coucher du soleil. A dire vrai, je n’ai pas de vie de famille. Quand il m’arrive de rentrer avant le coucher du soleil, mes enfants me posent systématiquement cette question : Papa est-ce que tu vas encore retourner au travail ? Quand je réponds non, tous laissent éclater leur joie. Ce n’est pas facile, mais quand on aime ce qu’on fait et quand on croit aux vertus du travail, on aura toujours la force physique et mentale suffisante pour faire face aux situations. J’ai commencé le journalisme en 1992 au journal L’Observateur, avec une indemnité hebdomadaire de 1000 Fcfa et un salaire mensuel de 2 500 Fcfa.

J’ai travaillé dans ces conditions pendant près de sept mois, avant de passer à 15.000 Fcfa puis 25.000F cfa. Deux ans plus tard, j’ai reçu une proposition de contrat de L’Essor que j’ai rejoint en 1995, après accord du directeur de publication de L’Observateur, Belco Tamboura. Je n’ai pas fait de période d’essai à L’Essor, on m’a fait signer directement un contrat à durée indéterminée.  L’Essor est une vraie école de formation, je suis fier de travailler dans ce journal qui est le plus vieux quotidien de la sous-région ouest-africaine. L’Essor m’a tout donné. Je vais vous raconter une petite anecdote. Il y a quelques mois, j’ai rencontré le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta. C’était la première fois de ma vie que je le rencontrais et je n’avais imaginé qu’il me connaissait. J’étais avec des confrères de l’Ortm et à ma grande surprise il m’a dit ceci avant le début de l’interview : «Je lis régulièrement tes articles dans L’Essor. J’apprécie beaucoup tes analyses ». Très sincèrement, quand IBK a dit ça devant des confrères, j’étais fier de mon travail et de mon journal. Toute la nuit, j’ai pensé aux propos du président de la République et j’étais pressé de venir le lendemain à la Rédaction pour dire à mon directeur de publication ce que j’avais vécu la veille.

Quand un président de la République vous dit ça, que peut-on espérer d’autre, sinon que de redoubler d’efforts et d’ardeur pour faire encore mieux et plus. A travers ces propos, IBK m’a donné la plus belle récompense de ma carrière professionnelle. Je n’oublierai jamais ça.

Avez-vous un conseil ou un message pour la presse malienne, notamment vos cadets ?

Le message que je voudrai transmettre à mes cadets, c’est d’être exigeant avec eux-mêmes dans le travail et se dire toujours qu’on n’arrive jamais dans ce métier. Un journaliste a toujours des choses à apprendre et il ne faut jamais penser qu’on est arrivé. L’humilité est une règle d’or en matière de journalisme. Beaucoup de journalistes ont marqué l’histoire de la presse malienne et le parcours professionnel de ces hommes doit être une école pour la jeune génération. Je ne citerai pas de noms, mais nombre de ces journalistes sont encore vivants, je pense qu’ils peuvent être des sources d’inspiration pour nous. Depuis l’avènement de la démocratie au Mali en 1991, la presse nationale a beaucoup fait parler d’elle, mais pas forcément en bien. Il y a beaucoup de choses à revoir pour les autorités de régulation des médias pour permettre à la presse malienne d’être efficace, surtout sur le plan professionnel. La situation actuelle de la presse nationale interpelle à la fois les autorités de régulation des médias et les pouvoirs publics car comme on a coutume de le dire, un journaliste mal formé est plus dangereux qu’un assassin ou un soldat armé.

AB H

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