L’Indépendant : Excellence, Monsieur l’Ambassadeur, cinq mois après sa toute première visite à Bamako pour participer à la grande cérémonie de prise de fonction du président Ibrahim Boubacar Kéïta, Sa Majesté le Roi Mohammed VI séjourne au Mali depuis hier, cette fois-ci pour une visite officielle. Quelle signification accordez-vous à ce déplacement royal ?
Hassan Naciri : Ce second déplacement de Sa Majesté le Roi, Mohammed VI au Mali, en réponse à l’aimable invitation de Son Excellence le Président Ibrahim Boubacar Keïta, est significatif à plus d’un titre : c’est d’abord la première visite officielle d’un souverain marocain au Mali depuis l’indépendance ; ensuite, cette visite royale intervient cinq mois à peine après la précédente visite d’amitié et de travail au cours de laquelle Sa Majesté le Roi a pris part à la cérémonie d’investiture de SEM Ibrahim Boubacar Kéïta. Là aussi, c’était une visite historique du fait que le souverain assistait pour la première fois à l’investiture d’un Chef d’Etat.
Ces deux visites traduisent donc de manière on ne peut plus claire, tout le respect et l’estime que Sa Majesté le Roi éprouve à l’égard du Mali : Président, gouvernement et peuple. C’est aussi une grande marque de confiance vis-à-vis de ce pays frère et ami qui sort graduellement de la crise multidimensionnelle de 2012-2013.
Enfin, cette visite officielle véhicule un message fort de solidarité sincère et agissante pour l’accompagnement du Mali sur la voie de la réconciliation, de la reconstruction et du développement. De même qu’elle se veut l’expression de l’amitié du peuple marocain et le témoignage de son attachement à la relation toute singulière qui le lie de manière irréversible au peuple malien.
Il semble que plusieurs accords seront signés par Sa Majesté le Roi du Maroc et son Excellence Monsieur le Président de la République du Mali au cours de cette visite de 3 jours. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Comme vous le savez sans doute, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui accorde une importance toute particulière à la coopération sud-sud, s’est engagé, dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant, à ne ménager aucun effort pour accompagner le Mali dans tous les secteurs que ce pays frère et ami estime comme prioritaires. Dans ce cadre, les deux pays, soucieux de mettre à niveau l’ensemble de l’arsenal juridique régissant leurs relations bilatérales, ont préparé une série d’accords et de conventions couvrant plusieurs domaines et qui seront signés devant les deux Chefs d’Etat.
Ces textes portent globalement sur les investissements, la coopération technique, l’agriculture, la pêche, la santé, l’industrie, l’urbanisme, etc. Et je reste convaincu que ces accords donneront immanquablement une nouvelle dynamique à nos relations bilatérales. De surcroît, des projets concrets verront le jour à l’occasion de cette visite royale et ce, au bénéfice direct de la population.
Sa Majesté le Roi Mohammed VI a reçu récemment à Marrakech une délégation du MNLA et, à travers elle, a encouragé ce groupe armé à se maintenir dans le processus de règlement politique enclenché par la CEDEAO et les Nations Unies pour résoudre la crise au nord du Mali. Faut-il y voir le signal d’une implication plus forte du Royaume chérifien dans le règlement de celle-ci ?
J’aimerais rappeler ici que les relations avec le Mali sont très anciennes, multiformes et surtout ininterrompues. Le Nord en particulier, a été à travers l’histoire le trait d’union entre le Maroc et le Mali et au-delà.
Depuis le déclenchement de la crise au Nord en janvier 2012, le Maroc n’a cessé de défendre non seulement le retour à l’ordre constitutionnel, mais aussi l’unité et l’intégrité territoriale du Mali.
Et je voudrais également rappeler ici que le Maroc a été avec quelques partenaires internationaux, l’instigateur des principales résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Mali ; lesquelles résolutions constituent aujurd’hui la référence et la base de toute l’architecture sécuritaire au Mali.
Ceci étant, la relation avec les frères du Nord n’a jamais été interrompue comme je viens de le rappeler ; et le Maroc a n’a eu de cesse d’encourager le dialogue avec les autorités centrales du pays. Devant les difficultés manifestes qui bloquent le processus de pourparlers et de négociation mis en place par l’accord d’Ouagadougou du 18 juin 2013, nos frères maliens ont sollicité l’intercession de Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour faciliter la reprise efficiente du dialogue.
Le Maroc, par la voix de Sa Majesté, et en concertation étroite avec son frère, SEM Ibrahim Boubacar Kéïta, a bien voulu apporter sa contribution à la résolution de cette crise qui menace la paix et la sécurité de toute la région. Ceci étant, le Maroc a rappelé clairement les termes de référence de sa position, à savoir : le respect inaliénable du sacro-saint principe de l’unité du Mali et de son intégrité territoriale.
En tout cas, l’apport du Maroc ne sera que constructif et bénéfique dans l’intérêt de tous ceux qui refusent le recours à la violence pour faire valoir leurs revendications.
Concrètement, que peut apporter le Maroc au Mali pour l’aider à sortir de la grave crise sécuritaire qu’il a connue en 2012 et qui n’est pas encore totalement résorbée ?
Le Maroc a une longue tradition, unanimement reconnue, dans la résolution des conflits, notamment sur le continent africain. Et ce n’est pas la première fois que le Royaume est sollicité. Et à titre d’exemple, je voudrais rappeler le rôle efficace joué par le Maroc dans la résolution de la crise du fleuve Mano. Il y aussi le fait que le Maroc a acquis une très grande expérience dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU, dans lesquelles il figure en première place parmi les autres pays contributeurs.
S’agissant du cas malien, le Maroc est pleinement disposé à apporter sa contribution dans le cadre que je viens de décrire. Mon pays est conscient que toutes les bonnes volontés sont les bienvenues pour aider au rapprochement des points de vue, et ceci, de par même l’esprit de la Charte des Nations Unies qui prône la solidarité, l’entraide et la résolution des conflits par des moyens pacifiques.
Le Maroc agira en étroites concertation et collaboration avec les autorités maliennes et en parfaite cohérence avec les efforts, notamment des Nations Unies et de la CEDEAO, en cours.
Du reste, le Royaume chérifien met à la disposition du Mali son expérience en matière d’équité et de réconciliation.
Depuis l’élection de l’actuel président de la République, on observe entre les deux pays un réchauffement des relations politiques qui étaient très en deçà des liens économiques plutôt intenses avec la présence très remarquée des firmes marocaines dans les secteurs bancaire, des télécommunications voire de l’agriculture (exportation des engrais) au Mali. Va-t-on vers une réactivation de l’axe Rabat-Bamako comme il existait sous feux le Roi Mohammed V et Modibo Kéïta ?
Tout d’abord, permettez-moi de préciser que la diplomatie marocaine n’agit pas en termes d’axes. Le Maroc préfère plutôt agir dans un contexte régional, compte tenu des défis communs qu’il convient de relever collectivement. Certes, les relations entre nos deux pays du temps de feus les Rois Mohamed V et Hassan II et le Président Modibo Kéïta étaient exemplaires tant sur le plan bilatéral que continental, les deux leaders ayant posé les premiers jalons de l’unité africaine, mais à mon avis, ce modèle, compte tenu du contexte de l’époque, n’était pas parvenu à mettre sur pied un véritable partenariat économique. Et c’est justement ce que nous nous efforçons de construire ensemble dans l’intérêt de nos deux peuples frères et amis.
Sa Majesté le Roi Mohammed VI jouit au Maroc de la réputation d’être ” le Souverain le plus social ” que le pays ait connu eu égard à son engagement personnel pour faire reculer la pauvreté sous toutes ses formes. On l’a vu aussi intervenir chaque fois que des pays de l’Afrique subsaharienne sont frappés de sinistres (inondations, famine…). Peut-on s’attendre à ce qu’il apporte son concours aux centaines de milliers de Maliens réfugiés en Mauritanie, au Niger et au Burkina Faso ou déplacés à l’intérieur du Mali même à la suite de la crise sécuritaire dans son septentrion ?
Jusqu’à présent, le Maroc, sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a apporté une aide appréciable en faveur des réfugiés maliens en Mauritanie, au Niger et au Burkina-Faso, mais aussi en faveur des déplacés à l’intérieur du Mali, notamment à Bamako, à travers de nombreux et importants dons en denrées alimentaires et médicaments…..
L’hôpital militaire médico-chirurgical marocain a été installé à Bamako justement à cet effet. L’équipe médicale qui y a travaillé a produit plus de 53.000 prestations gratuites en faveur des plus démunis, y compris les déplacés du Nord du pays. Enfin, je voudrais souligner, encore une fois, que le Maroc reste disposé et engagé à apporter tout soutien possible et souhaité par les autorités maliennes, sans oublier bien entendu la coopération décentralisée entre les deux pays, et à laquelle le Maroc accorde une très grande importance.
Réalisé par Saouti Labass HAIDARA
Que le Maroc commence par restituer les objets culturels et les richesses volés à Gao et à Tombouctou lors de la colonisation marocaine après la défaite de l’Empire Songhay par le troupes espagnoles et marocaines. C’était le combat de Feu le Président Modibo Keïta.
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