Sékou Oumar Traoré, Directeur du CNeSOLER : \”Le Mali a le plus grand potentiel solaire en Afrique\” :\”D’ici à 2015, 10% de l’électricité produite au Mali proviendront des énergies renouvelables\”

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Dans la grande interview qu’il a bien voulu nous accorder, le Directeur du Centre national de l’énergie solaire et des énergies renouvelables, Sékou Oumar Traoré,  fait le point sur les potentialités, les réalisations et les perspectives.

L’Indépendant : Au cours de la session sur le changement climatique de la Semaine du Partenariat Mali-Banque Mondiale, vous avez fait une sortie dans laquelle vous avez laissé entendre que le Mali occupe une place d’avant-garde dans la promotion de l’énergie solaire en Afrique. Sur quoi repose votre optimisme ?

Sékou Oumar Traoré : Mon optimisme repose sur les points suivants. Nous avons au Mali l’existence d’un potentiel important d’énergies renouvelables. Ce potentiel est constitué de rayonnement solaire, de vent, de biomasse et de l’eau.  S’agissant du cas précis de l’eau, jusqu’à 10 MW de puissance, cet élément est considéré comme une énergie renouvelable. Au-delà, c’est un autre problème.  Il y a aussi le fait que notre potentiel en rayonnement solaire est de très bonne qualité à cause du fait que, dans le Nord du Mali, nous avons un rayonnement solaire direct qui est très important. Sur le plan africain, nous sommes le premier pays à avoir un bon potentiel en rayonnement solaire direct pouvant permettre  d’utiliser des capteurs à concentration pour une production à  grande échelle de l’électricité. Cela est même reconnu dans le cadre d’un programme de l’Union africaine se rapportant à l’exploitation de l’énergie solaire. C’est vous dire que l’existence d’un potentiel important est une raison de mon optimisme. Il y a aussi l’existence d’un cadre  institutionnel  au sein du ministère de l’Energie  et de l’eau.

 Le Mali a été l’un des premier pays à créer un centre chargé des énergies renouvelables. Le Centre national d’énergie solaire existe depuis 1964, au lendemain de l’indépendance ,sous l’appellation de Laboratoire National d’Energie Solaire. Il deviendra Centre National de l’Energie Solaire et des Energies Renouvelables en 1990. A ce jour, d’autres structures se sont mises en place à l’image de l’AMADER et de la Direction Nationale de l’Energie, la CREE. Les acteurs sont devenus nombreux  et chacun a un rôle-clé à jouer  dans le développement du secteur de l’énergie et du sous-secteur des énergies renouvelables. Mon optimisme repose donc  aussi sur l’existence d’un cadre institutionnel adéquat. Il y a aussi la confiance qu’ont  les Maliens en l’énergie solaire comme une solution au problème d’énergie. Je peux également citer l’existence de documents de politique et de stratégie de développement de l’énergie solaire et des biocarburants  qu’on a pu réaliser. Nous avons donc un document qui permet de respecter un programme de travail, d’atteindre les objectifs fixés. Il y a aussi la volonté politique de l’Etat. En effet, le Mali est l’un des rares pays qui a accepté de détaxer le matériel  solaire. Nulle part ailleurs en Afrique, il n’existe pareil soutien en faveur du développement des énergies renouvelables. Nous en sommes au deuxième décret. La dynamique a commencé en 2009 et devra s’achever en 2014. Donc les matériels solaires à l’importation sont exempts de taxes. Cela est un motif supplémentaire d’optimisme. Il y a actuellement un grand intérêt des partenaires techniques et financiers et même des investisseurs pour accompagner le Mali dans le développement des énergies renouvelables. C’est dans ce cadre que j’ai parlé du projet avec le Fonds climat à travers la Banque Mondiale, le Projet de développement à grande échelle  des énergies renouvelables. Le Mali a bénéficié, dans le  cadre de ce projet, d’un financement de 40 millions de dollars. C’est un appui sous forme de don. Il y a beaucoup d’autres investisseurs qui viennent pour réaliser, à leurs frais, des centrales solaires. C’est pour toutes ces raisons que nous sommes optimismes et nous pensons que, dans un proche avenir, les énergies renouvelables vont très rapidement se développer au Mali.

L’Indép. : Vous avez dit que le Mali, dans sa partie septentrionale, bénéficie  d’un rayonnement solaire très important. Pouvez-vous nous en dire plus ?

SOT : En termes scientifiques, la lumière que l’on voit  est un rayonnement global. Ce rayonnement global est composé de rayonnement direct  et de rayonnement diffus. Les rayonnements directs sont les rayonnements qui nous arrivent directement  du soleil sans être altérés, arrêtés par les nuages ou altérés par la poussière, etc. Donc c’est un rayonnement qui a beaucoup plus de puissance énergétique que le rayonnement diffus. Le rayonnement diffus  est un rayonnement qui dévie à cause de multiples obstacles, notamment les nuages,  la réflexion sur les objets, etc. Donc c’est un rayonnement qui n’est pas très puissant énergétiquement. Il se trouve que, dans le nord  du Mali, dans la zone sahélo-sahélienne, nous avons pendant toute l’année un potentiel important de ce rayonnement direct….

L’Indép. : Pouvez-vous nous situer plus précisément cette zone ?

SOT. : Si vous prenez Mopti jusqu’çà Kidal, en passant par Tombouctou et Gao, vous avez ces rayonnements directs. Je peux dire que pratiquement les deux tiers du pays  disposent d’un potentiel de rayonnement direct très très intéressant…

L’Indép. : Vous voulez dire que cette situation est unique en Afrique ?

SOT. : Dans le classement de l’étude effectuée par  la Commission Africaine de l’Energie, le Mali est le premier pays en matière de potentiel  de rayonnement solaire direct ; ensuite viennent les autres comme le Tchad, le Niger. Nous sommes donc classés dans la disponibilité de ce potentiel direct. A ce titre, nous sommes mieux placés  pour construire des centrales solaires thermiques  de grande puissance. C’est donc un atout très important que nous avons…

L’Indép. : Au cours de la semaine du Partenariat Mali-Banque Mondiale, vous avez parlé d’un projet de construction d’une centrale de 20 MW. De quoi s’agit-il ?

SOT. : Ce projet s’inscrit dans le cadre du projet avec la Banque Mondiale, c’est-à-dire le Fonds climat. Dans le cadre de ce projet, le Mali a reçu 40 millions de dollars. La somme est déjà disponible. Bien entendu, il faut constituer un dossier. Nous avons reçu l’accord de participer au projet en septembre 2010. Mais pour accéder au Fonds il y a des préalables. Il faut élaborer des projets  et que les projets soient acceptés par la Commission PRED au niveau des Etats-Unis. En plus, il faut établir un plan d’investissement de ces projets. Ce que nous avons fait. Parmi ces projets, il  y a un projet de centrale solaire qui va être confié par appel d’offres international à un privé et qui va développer une centrale de 20 MW pv. Il y a aussi un projet  d’électrification en milieu rural  à partir des plaques photovoltaïques. Il y  aura aussi un troisième projet concernant les microbarrages électriques. S’y ajoute un autre projet concernant la bioénergie, c’est-à-dire tout ce qui concerne les biocarburants, du biogaz pour produire de  l’électricité, etc. Grosso modo, il y a quatre projets qu’on a définis et qui vont être présentés à la Commission PRED de l’UA. Si les projets sont acceptés, même avec quelques amendements, c’est à partir de ce moment que nous recevrons les fonds pour commencer le travail.

L’Indép. : Vous ne prévoyez pas les centrales à concentration, à partir du moment où, comme vous l’avez déjà mentionné le Mali dispose, dans son septentrion, d’un grand potentiel en rayonnement solaire direct ?

SOT. : Dans le cadre de notre stratégie de développement des énergies renouvelables suivie de la politique nationale  énergétique, il est prévu qu’à l’horizon 2015, dans le bilan énergétique, 10% de la production d’électricité  proviennent des énergies renouvelables. Il est également prévu dans la stratégie de développement des biocarburants que 5% des hydrocarbures  soient substitués à l’horizon 2015. Nous prévoyons une baisse substantielle de la consommation  du bois  énergie -qui reste importante  dans notre bilan pour près de 78%-  pour près de 5% à l’horizon 2015.  Ces objectifs son déclinés en réalisations à terme. Pour l’électrification, nous avons beaucoup de partenaires, des investisseurs,  qui veulent investir aussi bien dans le solaire photovoltaïque  que dans les centrales à concentration. Il y a même un investisseur  qui est intéressé à installer 100 MW de production d’électricité par concentration…

L’Indép. : Peut-on avoir une idée de ces investisseurs ?

SOT. : Ce sont des investisseurs privés européens. Il y a aussi des Américains, des Belges, des Norvégiens, des Turcs, des Russes. Il y a même des Chinois. Bref, nous avons des investisseurs de tous les continents qui viennent au Mali pour pouvoir négocier des contrats de concession.

Pouvez-vous nous faire l’état des lieux du Centre national d’énergie solaire et des énergies renouvelables (CNESOLER) ?

SOT. : Le Centre national d’énergie solaire est un service  rattaché à la Direction nationale de l’Energie. Depuis sa création, le Centre a été un service rattaché  et du fait de son statut de service rattaché il n’a pas pu évoluer correctement. Il lui manque notamment l’autonomie pour pouvoir  mener des activités de prestations de services. Le Centre est un peu  un service administratif. Malgré tout,  on a travaillé avec des partenaires techniques et financiers  et des investisseurs. Nous-mêmes, dans le cadre de nos missions de service public, avons essayé avec les partenaires  de faire l’inventaire du potentiel solaire  et de faire la recherche et le développement et aussi de mettre au point quelques équipements dédiés au monde rural.

Mais actuellement, avec le développement des énergies renouvelables  au niveau mondial, il y a une nécessité  d’améliorer le statut du Centre. Cela a même été reconnu par le département qui est en train de changer le statut du CNESOLER pour le transformer en un établissement public à caractère scientifique et technologique, une Agence en fait. En ce moment, le CNESOLER pourra disposer  de tous les pouvoirs nécessaires  pour impulser  le développement nécessaire à la vulgarisation à grande échelle des énergies renouvelables. à suivvre !                

 

Réalisée par Yaya SIDIBE

 

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