Dans un entretien exclusif qu’il a bien voulu nous accorder, le président du Mouvement Républicain (MR) Ainéa Ibrahim Camara, rompt le silence et assène ses quatre vérités, notamment sur la situation socio-politique au Mali, les sanctions économiques et financières infligées par la Cédéao et l’Uémoa, la durée de la Transition de 5 ans proposée par les autorités maliennes, la brouille diplomatique entre Bamako et Paris, la récente expulsion de l’ambassadeur de la France au Mali. Suivez l’entretien !
Aujourd’hui-Mali : Comment se porte aujourd’hui le Mouvement Républicain (MR), votre parti politique ?
Ainéa Ibrahim Camara : Pour commencer, je voudrais d’abord remercier votre journal pour l’initiative de cette interview. Je tiens aussi à saluer tous les démocrates convaincus du Mali. Le Mouvement Républicain (MR), depuis sa création, il y a quelques années, ne cesse de se développer à la grande joie de tous ses militants et sympathisants. Nous avons des adhésions constantes et des représentations presqu’un peu partout à travers le Mali et dans bon nombre de pays.
Nous travaillons aujourd’hui à diffuser et à inculquer à nos concitoyens le vrai sens de la démocratie et que c’est à travers sa pratique saine que le vrai changement et le vrai développement peuvent se faire.
Quelle lecture faites-vous de la situation politique au Mali ?
Ma position concernant la situation du pays reste inchangée. J’ai toujours prôné les voies démocratiques en ce qui concerne la gouvernance et la prise de pouvoir. Nous avons, dès les premières heures du coup d’Etat, condamné avec vigueur, après que la junte se soit engagée au retour à l’ordre constitutionnel et démocratique à travers un chronogramme de 18 mois. A l’époque, nous avions émis des réserves par rapport à la durée que nous trouvions très longue, néanmoins nous avions décidé de soutenir la Transition jusqu’au second coup d’Etat du 24 mai 2021, après lequel nous avons organisé une marche pour demander le maintien du chronogramme, la levée des sanctions, ainsi que la certification du processus électoral par la communauté internationale.
Mais c’est avec stupéfaction et consternation que nous avons, plus tard, pris acte du refus catégorique des autorités maliennes à respecter le délai de 18 mois d’une part, et d’autre part le projet machiavélique de vouloir se maintenir au pouvoir sans passer par les élections pour une période de 6 ans et demi. Ce qui, à mon sens, est un mépris flagrant à l’égard des Maliens et de la communauté internationale. Ainsi, c’est sans surprise que nous avons appris que notre pays allait tomber sous le coup d’autres sanctions plus sévères. La situation du pays est extrêmement grave. Les autorités autoproclamées qui dirigent la Transition depuis le second coup d’Etat contre le président Bah N’Daw ont plongé le Mali dans un isolement inédit. Cet isolement s’intensifie au fur et à mesure que les autorités maliennes multiplient les hostilités envers les pays voisins et les partenaires internationaux.
Le Mali risque de s’engouffrer davantage avec cet isolement que la junte au pouvoir est en train de créer volontairement et inutilement. Nous sommes un pays enclavé et avons besoin de tous nos voisins pour assurer le fonctionnement normal du pays. La souveraineté peut se faire valoir sans forcément se mettre à dos tous nos partenaires.
Quelle appréciation faites-vous des sanctions économiques prises par la Cédéao et l’Uémoa contre le Mali ?
Vu la volte-face des autorités de la Transition vis-à-vis du chronogramme électoral approuvé par la Cédéao, il était tout à fait prévisible que ces sanctions s’abattent et je n’en suis point étonné. Et nous tenons pour uniques responsables les dirigeants qui nous gouvernent aujourd’hui, qui n’ont pour seul objectif que de se maintenir de façon illégale à la tête du pays, quelles qu’en soient les conséquences pour les populations. Je ne suis aucunement délecté de cette situation et mon souhait est que mon pays puisse retrouver toute sa place dans ces deux institutions, mais cela ne se fera pas avec la position des autorités en place.
Selon vous, est-ce que vous soutenez la demande de la durée de la Transition à 5 ans par les autorités maliennes ?
Ma réponse est Non ! Je dis Non ! Ce délai est tout simplement irraisonnable, irréfléchi et totalement irresponsable. Il n’est pas acceptable que les autorités de la Transition puissent être autorisées à rester à la tête d’un Etat démocratique la même durée qu’un mandat d’un président démocratiquement élu, c’est tout simplement de la folie.
Beaucoup de gens ont apprécié votre récente sortie contre les autorités de la Transition, qui ne veulent pas organiser les élections en février prochain. Que voulez-vous exactement ?
A partir du 27 février 2022, la coalition du “Mouvement Faso Dambé” que le Mouvement Républicain (MR) préside ne reconnaitra plus les autorités en place. Nous exigerons et mettrons en place une Transition civile qui, dans un délai de 6 mois maximum, organisera des élections, présidentielle et législatives couplées, sur toute l’étendue du territoire national.
Cela veut dire qu’à partir du 27 février prochain, vous ne reconnaitrez plus Assimi Goïta comme président de la Transition ?
Exactement ! Nous ne le reconnaitrons plus comme président ainsi que le gouvernement de Choguel Kokalla Maïga et le Conseil national de la transition (CNT). Et à cet effet, nous organiserons une marche nationale le 27 février à Bamako et dans certaines régions. Nous ferons appel à la Minusma et à nos autres partenaires pour la sécurisation de la marche et nous nous assurerons de la mise en place de dispositions anti-Covid.
Qu’est-ce que vous préconisez pour la bonne marche de la Transition ?
La démission pure et simple du colonel Assimi et du gouvernement de Choguel, la dissolution du CNT et la mise en place d’une Transition civile qui organisera des élections crédibles, libres et transparentes sur toute l’étendue du territoire malien, dans un délai maximum de 6 mois.
Comment avez-vous apprécié la sortie récente du ministre des Affaires étrangères de la France sur les autorités maliennes ?
Je trouve regrettable cette escalade verbale depuis que la France a décidé du repositionnement de la force Barkhane, qui a été perçu et commenté par le Premier ministre Choguel Maïga comme un abandon en plein vol. Depuis, nous assistons à des échanges acrimonieux qui vont crescendo entre les deux parties. C’est pourquoi, j’invite les deux parties à la retenue ; à mettre au-devant l’intérêt de la population malienne qui souffrira davantage de l’isolement diplomatique et des sanctions diplomatiques.
L’ambassadeur de la France au Mali vient d’être expulsé par Bamako. Quel commentaire faites-vous de cette brouille diplomatique avec Paris ?
Il s’agit d’un fâcheux incident diplomatique qui découle de l’expulsion du contingent danois de la force Takuba par la junte à Bamako. Le Danemark était pourtant au Mali dans le cadre d’un accord de défense ; raison pour laquelle l’ambassadeur du Danemark a quitté le Mali en signe de protestation.
Les autorités maliennes ont manqué une nouvelle occasion de montrer leur sens de la retenue et de la responsabilité. Je vous rappelle que la France est intervenue au Mali militairement à la demande expresse des autorités maliennes.
La France et les autres partenaires ont payé le prix du sang donc par respect pour la mémoire des soldats qui sont tombés pour la défense du Mali, je pense que les autorités maliennes auraient dû convoquer l’ambassadeur de France, exiger tout au plus des excuses de la part des autorités françaises et non expulser le diplomate français, d’autant plus que la France et les pays membres de la force Takuba ont consenti d’énormes efforts humains, matériels et financiers aux côtés des Forces armées maliennes pour la défense de notre intégrité territoriale.
Pensez-vous que le divorce est désormais consommé entre Bamako et Paris ?
Non, il s’agit certes d’une crise diplomatique majeure, mais je suis sûr que lorsque le Mali retournera bientôt dans le giron de la démocratie et de l’Etat de droit sous la direction des nouvelles autorités civiles de la Transition que nous mettrons en place le 27 février à zéro heure, il y aura une normalisation diplomatique entre le Mali et tous ses partenaires .
Pensez-vous que le Mali est prêt à organiser les élections maintenant ?
Il faut éviter de faire l’amalgame entre les autorités de la Transition et le Mali qui est un Etat souverain, aux racines démocratiques multiséculaires. Elles disposent d’un délai jusqu’au 27 février 2022 pour organiser les élections. Dans le cas contraire, comme annoncé plus haut, nous mettrons en place un gouvernement civil de Transition qui organisera les élections dans un délai de 6 mois maximum.
Votre candidature à l’élection présidentielle est-elle toujours d’actualité ?
Nous allons restaurer la démocratie et l’Etat de droit le 27 février 2022. Le moment arrivé, vous me reposerez cette question et je vous répondrai. Mais, pour l’heure, l’urgence est de sauver nos acquis démocratiques.
Réalisé par El Hadj A.B. HAIDARA*
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