Surnommé “le Hendrix du Sahara” par les médias américains, Vieux Farka Touré n’est autre que le fils du légendaire guitariste malien, Ali Farka Touré. Sa musique, teintée d’un esprit plus rock que le blue africain de son père, vient d’un continent noir contemporain, urbain, sophistiqué, mondialement connecté mais profondément fier de son ancien héritage. Trouvant son mentor en la personne de Toumani Diabaté, c’est cette Afrique à la fois ancienne et moderne que Vieux met en lumière à travers ses compositions : il combine un feeling naturel avec les rythmes traditionnels et son instrument de prédilection la guitare, développant entre autres des rythmiques rock, soul, et reggae sur un groove mandingue. Dans un entretien qu’il a bien voulu nous accorder après sa tournée panafricaine, l’artiste nous déballe tout sur la tournée, sa carrière et sa position sur la crise que connait le Mali depuis le 22 mars 2012. Entretien.
Bamako Hebdo: Vous venez de terminer une longue tournée africaine. Pouvez-vous nous en parler?
Vieux Farka Touré : Dieu merci cette tournée africaine, qui m’a conduit dans 20 pays où je me suis produit en live, s’est très bien passée. Elle a été très importante pour moi en tant qu’artiste, pour la culture malienne et pour le Mali qui traverse actuellement une crise. Je remercie l’Institut français d’avoir organisé un tel événement.
Lors de vos différents spectacles, avez-vous véhiculé des messages particuliers pour le Mali ?
Vu tout ce qui se passe actuellement au Mali ; nous avons véhiculé des messages de sensibilisation afin que les Africains et la communauté internationale puissent venir en aide au peuple malien, surtout les déplacés et les réfugiés, afin que ces derniers puissent regagner leur zone d’habitation et reprendre la vie normale à nouveau.
En tant qu’un ressortissant du nord, quel regard portez-vous sur cette crise?
Je crois que cette crise est très politisée car de nombreuses personnes ont profité de la situation pour assouvir leurs besoins. Nous ne regardons pas actuellement tout ce qui s’est passé auparavant. C’est le présent et le futur de notre chère patrie qui nous intéressent. Il faudra que les nouveaux gouvernants soient forts et prennent en compte toutes les préoccupations du peuple malien afin que le Mali ne connaisse plus une telle crise. Aussi, je demande à tous les Maliens de prier pour ce pays afin que le Tout-puissant nous donne de très bons gouvernants. Sinon, si le pays n’a pas les dirigeants qu’il faut à la place qu’il faut, cette crise risque d’empirer. Et ces dirigeants, une fois au pouvoir, doivent l’intérêt commun et non personnel.
Durant toute cette tournée africaine, comment le public a-t-il jugé Vieux Farka Touré ?
Dieu merci, j’ai été très bien accueilli par le public. Pratiquement dans tous les pays, nous avons joué à guichet fermé. Parfois, on nous annonçait trois jours avant certains spectacles qu’il n’y avait plus de place. Comme cela fait plaisir à un artiste de faire une vingtaine de spectacles dans différents pays africains à guichet fermé, il nous arrivait parfois de nous poser la question : est-ce que ces pays là connaissent la musique de Vieux Farka ? Grâce au Tout-puissant, j’ai été accueilli comme un héros. Il y a eu des concerts où plus d’une centaine de places ont été refusées. Toutes ces personnes voudraient entendre et découvrir la musique malienne. Comme cela fait plaisir ! Une fois de plus, je remercie l’Institut français pour cette très belle initiative.
A partir de ce constat, peut on dire que Vieux Farka est entrain d’assurer la relève de son père?
Je ne dirai pas oui. Les gens le disent tout le temps mais je fais ma musique tout en essayant de suivre ses traces.
Au-delà de la musique Vieux Farka Touré est aussi engagé dans l’humanitaire aux côtés de l’ONG d’Oxfam
J’ai décidé de m’engager et de soutenir Oxfam à cause des actions positives qu’elles mènent sur le terrain. Il est important d’aider Oxfam afin qu’il continue de bien mener leur mission et je crois qu’il peut désormais compter sur mon aide dans toute leur campagne.
Qu’en est-il avec la carrière de Vieux Farka?
Elle se porte à merveille mais on continue toujours de se battre. Je viens de terminer mon dernier album qui est en train d’être mixé. J’ai envoyé faire le mixage dans le studio qui mixait les albums de mon père. La sortie officielle est pour bientôt. Dans cet opus, j’ai décidé de faire un retour à la source contrairement aux autres albums.
Pourquoi ce retour à la source ?
Je crois que j’ai fait un tour de rock et le monde entier sait déjà quel genre de musique fait Vieux Farka. Avec ce retour à la source, les mélomanes découvriront une facette de Vieux Farka. Je veux leur faire comprendre que je peux autre chose que le mix. C’est un album typiquement acoustique avec les instruments traditionnels et modernes. Un style similaire à celui de mon père.
Qu’est-ce qui fait que Vieux reste méconnu par le public malien ?
Au fait, je passe plus de temps à l’extérieur qu’au Mali. Même actuellement, je suis en tournée internationale pour plusieurs mois. Une tournée que j’ai commencée une semaine après celle de l’Afrique. Je crois cela n’est pas ma faute mais celle des Maliens. Tout ce que nous les artistes maliens, on veut, c’est le soutien de notre peuple. C’est la première des choses qu’on veut. Or c’est le contraire qu’on observe. Le public malien valorise plus la musique étrangère que celle du Mali. Un artiste malien n’est rien sans le peuple malien. Tout ce qu’on veut qu’il nous aide à nous sentir fiers d’être Maliens à travers la valorisation de nos œuvres. C’est tout à fait le contraire, quand tu passes devant la plupart des boutiques ou magasins, tu n’entends que de la musique étrangère. Au lieu de jouer la musique de Habib Koité, Salif Kéïta ou Vieux Farka Touré, ils préfèrent les coupé-décalé ou les raps. Avec cette habitude, comment peuvent-ils découvrir et aimer la musique malienne ? Il faut qu’ils prennent le temps d’écouter la musique des artistes maliens afin de mieux les comprendre.
Entretien réalisé par
Bandiougou DIABATE