Sirafily Diango écrivain malien : ”Il est difficile d’écrire si on n’aime pas les hommes”

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Professeur de lettres, Sirafily Diango fait partie de ceux qui font vivre la littérature et culture malienne. Sortant de l’école normale supérieure de Bamako (Ensup), le professeur Diango est un écrivain prolifique avec une dizaine d’ouvrages à son actif dont les “Nouvelles du Mali” (un collectif), “Le voyageur écrivant” et “Il pleut sur le nord Mali”. Dramaturge et comédien très respecté, il dirige la compagnie de théâtre “Destins Croisés”. Il s’occupe également de la troupe théâtrale du lycée Massa Makan Diabaté. Nous sommes allés à sa rencontre.

Aujourd’hui-Mali : Bonjour pouvez-vous nous présenter votre ouvrage “Voyageur Ecrivant” ?

Sirafily Diango : “Voyageur Ecrivant”, comme son titre peut le suggérer, est un récit de voyage d’un Africain en Europe, notamment en Allemagne. C’est voir l’Europe par les yeux d’un émigré clandestin. C’est une lettre rédigée tout au long du voyage. Il voit et raconte à son ami destinateur ses pensées et ses souvenirs d’adolescent romantiques et il espère un monde meilleur. Au-delà du voyage, il raconte tout ce qu’il a vécu en Europe.

Qu’est-ce que vous voulez apprendre aux lecteurs à travers la conversation entre le fou et l’ivrogne dans “Voyageur Ecrivant” ?

Le fou et l’ivrogne sont deux personnages emblématiques. Le fou n’est pas en possession de ses facultés mentales et l’ivrogne ne jouit pas de sa lucidité. Le fou prend le pas sur l’ivrogne. Il y a dans cet ouvrage un personnage qui dit “Je préfère être fou que d’être un ivrogne que d’être un imbécile”. Ici le personnage du fou m’attire beaucoup par ce que je l’associe à la création artistique. On ne peut pas créer sans folie. Derrière les grandes œuvres, il y a toujours une dose de folie.

Vous magnifiez également le cousinage à plaisanterie dans cet ouvrage…

A traves ce passage, je pense à nos valeurs sociétales. Je suis Malinké  et je titille un peu mes cousins Sarakolé. C’est un regard sur nos valeurs, notamment cette valeur du cousinage à plaisanterie qui, au-delà de la simple plaisanterie, est vraiment l’une des rares valeurs qui nous restent. Le cousinage à plaisanterie, pour moi, est une soupape à la guerre civile au Mali. Beaucoup de choses sont résolues à travers cette valeur que nous devons sauvegarder à tout prix.

Pouvez-vous nous parler un peu de votre ouvrage “Il pleut sur le nord du Mali” ?

“Il pleut sur le nord du Mali” est une pièce de théâtre qui est née du constat d’une triste réalité de notre pays. Depuis plus de vingt (20) ans la gestion de la crise du nord par les gouvernements successifs se limitait des demi-mesures, des palliatifs et des compromis au lieu d’actes concrets, pertinents et efficaces. Pourtant les régimes antérieurs d’une manière ou d’une autre avaient jugulé cette crise. Je pense que la gestion catastrophique de la crise du nord a catapulté le pays dans le gouffre de la rébellion armée endurcie par l’occupation de la moitié du pays par les fous de Dieu imposant djihad et Charia.

Cette pièce de théâtre est un texte de circonstance. C’est le fruit du constat d’un laxisme présent à tous les niveaux et ayant abouti au coup d’Etat de mars 2012. Cet ouvrage est à la fois une réaction contre le comportement du système malien et de tous les Maliens par ce que nous sommes tous coupables de tout dans cette crise.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confronté dans votre carrière d’écrivain ?

Il y a mon professeur Moussa Konaté, qui est un excellent écrivain, qui s’était exilé en France. Il me demande souvent comment je fais pour écrire ici ? Par ce qu’il est vraiment difficile de se concentrer pour écrire dans notre milieu environnemental or l’écriture est une activité solitaire car pour écrire, il faut s’isoler. Le plus souvent, j’écrivais mes textes quand ma femme et mes enfants dormaient et quand je n’avais pas cette possibilité je m’enfermais dans la bibliothèque de l’école pour pouvoir écrire.

Avez-vous un message à l’endroit des jeunes écrivains maliens ?

Aujourd’hui, beaucoup de jeunes disent qu’il est difficile d’écrire. Même si cela est vrai, pour apprendre  à nager il faut se jeter à l’eau. Il faut commencer d’abord et au fur et à mesure ils produiront des bons textes. André Gide disait que tout le monde peut devenir écrivain parce que tout le monde peut écrire au moins une page chaque jour et si vous écrivez une page chaque jour, vous aurez au moins au mauvais roman de trois cent soixante-cinq (365) pages. Pour écrire, il faut lire et aimer. Il est difficile d’écrire si on n’aime pas les hommes. Il faut aimer les hommes et accepter l’opinion d’autrui.

Parlez-nous de votre dernier ouvrage “Victor Sy, le combattant suprême” !  

Ce livre est né du projet “Transcrire la mémoire de notre société” qui consiste à écrire sur la vie d’un personnage emblématique du pays. Et mon premier choix est tombé sur Victor Sy, un homme qui a été dans toutes les pages vivantes de l’histoire du Mali. Victor Sy a été mon professeur par le passé, mais qui m’a beaucoup marqué. Ce livre raconte le parcours d’un homme engagé sur tous les plans au Mali. Il a fait beaucoup pour l’émergence de la jeunesse malienne.

Avez-vous des projets d’écriture ?

Oui, pour le moment, je continue avec le projet de la Sahélienne avec deux autres ouvrages en projet. Le premier livre est intitulé “Issa N’Diaye, entre mythe et réalité”. Le Professeur Issa N’Diaye est un grand personnage dans l’histoire politique du Mali.  Le deuxième ouvrage c’est “Diama Cissouma, du fer au diamant”. Diama est Professeur de géographie à l’Ecole normale supérieure de Bamako (Ensup). Elle a été directrice de l’Académie d’enseignement de la rive droit pendant plusieurs années. C’est une dame dont la vie mérite d’être enseignée. J’ai aussi en projet un roman intitulé “La dérive de Hèrèmakono” qui parle de l’histoire de partage d’héritage entre trois frères. Il sera bientôt sur le marché.

          Réalisé par Youssouf KONE

 

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2 COMMENTAIRES

  1. Merci beaucoup Sirafily pour ton courage. Nous faisons face à un défi qui est aujourd’hui le manque d’engouement de la lecture par la generation actuelle,alors que le seul moyen de se cultiver est de lire ,et lire encore pour être dense. La volonté politique est également pour quelque chose, car les livres écrits par les africains sont rarement cités dans nos programmes actuels.
    Sans la lecture, la culture de qualité est et demeurera un vain mot, car les lacunes seront perceptibles dans les analyses de nos enfants face aux autres. Je souhaite que ce cri soit entendu et par les responsables politiques et par la jeunesse qui est sacrifiée à cause de son ignorance et constitue aujourd’hui du bétail electoral en quelque sorte.

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