…Seydou Cissé père fondateur du Ganda-Iso révèle: Le sergent Amadou Diallo n'a pas compris notre combat

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Au cours d’un entretien qu’il a bien voulu nous accorder, Seydou Cissé, qui revendique le titre de  père fondateur du mouvement d’autodéfense armé, le Ganda Iso, nous parle de son itinéraire. Il évoque tout d’abord son passage au sein du Ganda Koï, entre 1994 et 1995. Il en était non seulement le coordinateur dans le cercle d’Ansongo, mais l’une des trois fortes personnalités dirigeantes. C’est justement sur les ruines de Ganda Koï qu’il créa avec des amis, en 2009, un autre mouvement armé appelé le Ganda Iso, au sujet duquel il nous fait des révélations intéressantes, notamment sur les conditions de la naissance de ce mouvement, les raisons de la mise à la touche du sergent Amadou Diallo, les coups portés au mouvement par l’ancien gouverneur de Gao, le colonel Amadou Baba Touré et les manœuvres de récupération de l’actuel ministre de l’Industrie, des investissements et du commerce, Amadou Abdoulaye Diallo.

‘Indépendant : Dites nous réellement les raisons qui vous ont poussé à lancer le Ganda Iso ?

Seydou Cissé : Les raisons sont simples. Mais permettez-moi de vous rappeler quelques points saillants pour comprendre d’abord d’où nous sommes venus. Après mon départ volontaire à la retraite, à la suite de la rébellion de 1991, je suis rentré à Ansongo pour veiller à la sécurité de mes proches, c’est-à-dire les sédentaires. En raison des agressions dont nous faisions l’objet de la part des nomades et des bandits de la région, nous avons créé le Ganda Koï. C’était pour assurer notre propre sécurité. J’ai été nommé coordinateur du mouvement à Ansongo. C’est à ce titre qu’on m’a envoyé au Ghana, auprès de la communauté Songhaï estimée à plus de deux millions de personnes, pour avoir des appuis financiers et des moyens logistiques. Après avoir organisé des collectes, nos ressortissants m’ont trouvé six véhicules de combat et quelques armes ainsi que de l’argent en guise de contribution au combat que nous menions.

L’Indép : Ça c’était au Ganda Koï et qu’en est-il du mouvement dont vous disiez être le fondateur charismatique ?

S.C : Comme vous avez certainement dû le constater, le Ganda Koï est mort de sa belle mort. Vous savez comment ? Parce que le gouverneur sortant de la région de Gao, le colonel Amadou Baba Touré a divisé le mouvement en créant une milice en son sein, pour combattre les leaders. Cette milice donnait à l’armée toutes les informations sur nos moindres faits et gestes. De sorte que le Ganda-Koï ne pouvait plus continuer à exister tant il était fragilisé et infiltré pour saboter notre combat. Je ne sais pas le nombre incalculable de fois que le gouverneur m’a mis en prison. Chaque fois qu’il m’enfermait, je n’ai jamais passé plus de deux semaines en taule. La seule charge qu’il trouvait à mon encontre, était que je n’aimais pas les nomades. Je lui ai fait comprendre que nous ne menons pas une lutte ethnique. Nous nous attaquons à ceux qui volent nos bétails et tuent au passage nos parents.

Finalement, j’ai créé en 2009 le Ganda Iso avec pour objectif de maintenir l’équilibre social dans la région, qu’il n’y ait pas d’impunité et que la justice soit la même pour tous. On n’avait pas le choix en créant le Ganda Iso. Chaque communauté avait sa milice. Et pour être craint et redouté, il nous fallait avoir notre propre milice.

L’Indép : Jusque-là vous ne parlez pas du sergent Amadou Diallo qui a vite été révélé comme étant le patron du Ganda Iso. Y’aurait – il usurpation de place ? Qui a pris la place de qui ?

S.C: Lorsque j’ai créé le mouvement, j’ai demandé à avoir à mes côtés un porteur d’uniforme pour encadrer ma troupe. Je suis venu à Bamako pour trouver un militaire dévoué pour cette cause parmi nos parents songhaïs et peulhs. Je n’en ai pas trouvé. Je me suis alors rabattu sur le sergent Amadou Diallo, à l’époque en poste au Port de Dakar. Je l’ai fait venir  à Niamey. Je lui ai alors instruit de s’occuper de la formation militaire de mes hommes, tout en lui précisant, qu’en ma qualité de civil, je garderai la tête du mouvement politique. Je lui ai donné l’argent qu’il fallait pour assumer cette mission.

L’Indép : Tout se passait bien pour vous. Comment la situation s’est corsée entre vous deux ?

SC: Les choses se sont gâtées quand le sergent Amadou Diallo est allé tuer, dans le village de Houraro, des civils en plein jour, lors de la foire hebdomadaire de cette localité. Je lui ai alors fait comprendre qu’il s’est écarté de notre objectif. Il a dévié nos plans. Depuis, nos rapports avec lui n’ont plus été empreints d’un sentiment de confiance. C’est après ces incidents qu’il a été arrêté, puis placé en résidence surveillée à Bamako, avant de recouvrer plus tard la liberté.

L’Indép : il se dit que les hommes utilisés par le sergent Amadou Diallo seraient de votre mouvement ?

S.C : La mort de ces personnes, nous l’avons sur la conscience. Parce que c’est notre mouvement qui a été cité comme le responsable direct de ces incidents. Ce que beaucoup ne savent pas, c’est que Diallo, lors d’un de ses passages dans la capitale nigérienne, avait beaucoup courtisé les Tolobés. Ce sont des Peulhs du Niger, de grands bandits. C’est avec ceux-ci et quelques fidèles à lui du Ganda Iso, qu’il a attaqué cette communauté. Mais les représailles ne se furent pas attendre. Les Touareg, avec à leur tête Akli Ikilan, ont à leur tour conduit une expédition punitive à Fafa Gourma contre la population de Diallo.

L’Indép : Quand Diallo a été arrêté, vous avez été reçu par le chef de l’Etat à Koulouba. Que s’est – il passé ?

SC: Il est vrai que le chef de l’Etat m’a convoqué à la présidence. A ses côtés, il y avait les ministres Kafougouné Koné et Sadio Gassama. ATT m’a directement désigné comme agitateur dans la zone, provoquant ainsi de l’insécurité. Il m’a demandé les raisons qui me poussaient à agir ainsi. En réponse, j’ai demandé tout simplement qu’on respecte mon peuple. J’ai aussi demandé que le gouverneur de Gao, le colonel Amadou Baba Touré, soit muté.

L’Indép : On s’attendait à voir le sergent Diallo à la cérémonie de la flamme de la paix à Fafa, mais il n’est pas venu. Est-ce parce que vous l’avez écarté de votre mouvement ?

S.C: Quand les chefs d’Etat malien et libyen nous ont fait la proposition de déposer les armes et qu’ils nous aideront en finançant les microprojets que nous aurons montés, j’ai fait appel au sergent Diallo pour lui dire de venir s’associer à nous pour la flamme de la paix que nous organisons à cet effet. Il a refusé en nous disant que le ministre de l’Industrie des investissements et du commerce a élaboré à son niveau un projet de flamme de paix à Fafa dont le pilotage était confié au député de Gao, Abdou Cissé. J’ai compris alors que le ministre Ahmadou Abdoulaye Diallo a politiquement récupéré Diallo. J’ai alors écrit à la présidence pour signifier à ATT que si   le ministre Diallo doit organiser cette flamme de paix, il faudrait qu’il s’attende à un forum de la division. On nous a appris que la somme de trente millions FCFA, une voiture et une villa, avaient été proposées au sergent Diallo, si jamais le coup avait réussi. La correspondance que j’ai adressée à la présidence et à la sécurité d’Etat a eu l’assentiment du chef de l’Etat. Si on doit signer un pacte ou organiser une cérémonie de flamme de paix, c’est avec nous et non pas avec quelqu’un qui ne commande plus. Le sergent Diallo n’a rien compris de notre combat. Au moment où nous nous battons pour la sécurité de la zone, lui se battait pour son propre compte. Dans un document que la Sécurité d’Etat m’a remis, Amadou Diallo avait exigé comme condition de la paix que l’Etat lui donne 30 millions, une villa et une voiture. Ce que lui,   n’a pas compris, c’est que la Sécurité d’Etat a tout fait pour nous mettre dos à dos. Tout ce qu’il entreprenait à son propre compte nous était aussitôt rapporté par la Sécurité d’Etat.Mais tout cela est à présent derrière nous. Tout le monde a adhéré à la logique de la paix. Nous allons travailler à pouvoir mieux la renforcer.

Interview réalisée par Abdoulaye DIARRA

 

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