Sekouli Fadjadji Touré, Dg de l’ANEAS : “L’accréditation rend confiants les soins et les services des établissements de santé”

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L’Agence nationale d’évaluation des hôpitaux (Aneh) est devenue Agence nationale d’évaluation et d’accréditation des établissements de santé (Anaes) par ordonnance n°22-005/PT-RM du 22 février 2022. Elle a en charge, désormais, l’évaluation et l’accréditation des 979 établissements privés de santé, environ 1479 (Cscom), 15 établissements hospitaliers et 68 Centres de santé de référence (CS-Réf) qui sont devenus, depuis 2018, hôpitaux de district sanitaire que compte le Mali. Sékouli Fadjadji Touré, le directeur général de l’Agence explique à Mali-Tribune les raisons et les implications. Entretien.

 Mali-Tribune : Pourquoi avoir changé l’Aneh en Anaes ? Quelle est la valeur ajoutée ?

Sékouli Fadjadji Touré : Sous l’impulsion de Mme le ministre de la Santé et du Développement social, le gouvernement de la Transition a adopté ce qu’on appelle les nouveaux projets de texte relatifs à la création, à l’organisation et aux modalités de fonctionnement de l’Agence nationale d’évaluation et d’accréditation des établissements de santé (Anaes), qui vient ainsi remplacer l’ancienne Agence d’évaluation des hôpitaux (Aneh).

Cette adoption s’est faite à travers l’ordonnance n°22-005/PT-RM du 22 février 2022 qui, par la suite, a été ratifiée par le Conseil national de transition en juin 2022. Trois préoccupations majeures ont guidé les plus hautes autorités à élargir les missions de l’Anaes : d’abord l’évaluation.

Auparavant, l’Aneh était centrée sur les hôpitaux. De ce fait, l’évaluation concernait uniquement les hôpitaux. Nos autorités ont compris que cette évaluation ne saurait être réservée aux hôpitaux seulement. C’est pour cette raison qu’on l’a élargie à l’ensemble des établissements de santé.

Ensuite, c’est la notion d’accréditation qui porte sur la qualité des soins. Il s’agit de faire en sorte que les soins qui sont offerts par nos structures de santé puissent répondre aux normes de qualité.

Et la dernière raison c’est que l’ensemble des établissements de santé puissent atteindre les normes fixées par les autorités. L’Aneh, après une vingtaine d’année d’existence a réalisé beaucoup d’évaluations portant sur la performance, la qualité des soins… Malgré les résultats engrangés en son temps, elle était confrontée à certaines contraintes, notamment : la non visibilité de ses missions diluées dans la loi hospitalière, la non prise en compte de tous les établissements de santé, l’inexistence de démarche qualité ainsi que le processus d’accréditation dans les établissements de santé, l’inexistence de ressources propres à l’Agence…

Le contexte actuel est aussi marqué par la nécessité d’implémentation de la démarche qualité au sein des établissements de santé dont l’aboutissement de cette démarche est l’accréditation. Elle reste une volonté politique affichée par les hautes autorités de notre pays. C’est ainsi que l’accréditation a été préconisée dans le Plan décennal de développement sanitaire et social 2014-2023 et dans les Prodess.

La valeur ajoutée qu’engendre l’Anaes est que l’accréditation des établissements de santé permet d’assurer aux usagers que les soins qu’ils reçoivent répondent aux normes de qualités requises ; d’assurer l’Etat et les autres acteurs du système de santé qu’ils disposent des capacités pour mener à bien certaines activités.

L’accréditation constitue l’un des principaux piliers de la gestion axée sur les résultats. C’est un outil indispensable pour améliorer les performances du système de santé. En d’autres termes, l’accréditation rend confiant les soins et les services des établissements de santé.

Mali-Tribune : En quoi consiste l’accréditation ?

S F. T. : L’accréditation est une procédure d’évaluation externe menée par un organisme public qui apprécie la qualité des services produits par un établissement de santé à l’aide d’indicateurs, de critères et de référentiels portant sur des procédures, des bonnes pratiques cliniques et des résultats. Elle consiste à réaliser un audit externe qui conduit à un rapport d’accréditation.

Mali-Tribune : Est-ce à dire que vous avez les moyens de retirer les agréments ?

S F. T. : Par rapport aux moyens, nous pouvons dire qu’à travers les conclusions de nos évaluations post-accréditation, le ministre en charge de la Santé peut décider du retrait de l’agrément.

Mali-Tribune : Quels sont les manuels d’évaluation que vous avez à disposition ? Qu’est-ce qui manque ?

S F. T. : Dans le cadre de l’accréditation des établissements de santé, nous disposons, à ce jour, des outils permettant d’accréditer les centres de santé communautaire (Cscom) depuis deux-trois ans. Il faut dire que cette volonté d’avoir les outils d’accréditation était là bien avant que la décision de création de l’Anaes ne soit prise. C’était à travers un projet de la direction générale de la santé, qui avait élaboré l’ensemble des manuels.

Maintenant, avec la création de l’Anaes, la mission est officiellement dédiée à un service public de l’Etat, qui répond à ça. Tout ce processus a été transféré à l’Anaes. Le processus de développement de manuels d’accréditation et les outils d’évaluation du reste des établissements de santé est en cours.

Nous capitalisons également les outils d’évaluation issus de l’Aneh qui concernaient spécifiquement les établissements hospitaliers. Nous avons amélioré ses indicateurs, ses référentiels, ses critères. Nous avons également organisé d’autres ateliers pour améliorer les outils. Pour que ces outils soient adoptés, il fallait qu’ils soient approuvés par l’Agence malienne de normalisation et de promotion de qualité, ce qui a été fait.

Aujourd’hui cela est effectif et bientôt nous procèderons à l’accréditation de 45 Cscom avec l’appui de l’UMRSS. Bientôt au-delà des Cscom, nous allons faire pour les hôpitaux de 2e et 3e référence aussi pour finir avec les privés (cliniques, cabinets…)

Mali-Tribune : Avez-vous déjà accrédité ? Comment ça se passe ou va se passer ?

S F. T. : Nous n’avons pas encore accrédité. Comme je l’ai dit, l’accréditation est un processus et une démarche participative, qui a pour objectif d’améliorer la qualité des soins à travers les normes. On ne peut pas aller vers l’accréditation sans les normes, les manuels qui sont là.

Ces manuels doivent être partagés avec les structures sanitaires car ils concernent tous les segments de l’établissement. A la date d’aujourd’hui, aucun établissement de santé n’a été accrédité. En revanche, nous envisageons très prochainement de procéder à l’accréditation de 45 Cscom.

En prélude à cette activité, nous avons prévu une série d’ateliers dans les zones concernées pour informer et orienter les acteurs clés sur l’accréditation en amont des visites d’accréditation desdits Cscom dont les résultats seront soumis au ministre en charge de la Santé pour leur accréditation.

Mali-Tribune : Quel était l’objet de l’atelier que vous venez d’organiser ?

S F. T. : L’objectif de cet atelier était d’informer et sensibiliser les acteurs de la santé sur les outils d’accréditation et la connaissance du Système ouest-africain d’accréditation (Soac). Il s’agissait de partager pour que les gens comprennent l’importance de l’accréditation, comment arriver à l’accréditation, comment les personnes en charge de l’accréditation doivent se comporter, quels sont les réflexes, les techniques, les domaines ciblés… Cela concernait les cadres de l’Anaes mais aussi les cadres d’autres structures notamment la direction générale de la santé, l’Institut national de santé publique, la Caisse malienne d’assurance maladie, les ordres professionnels de la santé, la Fénascom.

 Mali-Tribune : Combien y a-t-il de structures de santé au Mali ?

S F. T. : Le Mali comptait en 2021 plus de 979 établissements de santé privé, environ 1479 (Cscom), 15 établissements hospitaliers et 68 centres de santé de référence (CS-Réf) qui sont devenus, depuis 2018, hôpitaux de district sanitaire.

Mali-Tribune : Votre accréditation va concerner tous les niveaux de la pyramide de santé ou uniquement les hôpitaux ?

S F. T. : Nous avons pour missions d’assurer l’accréditation des établissements de santé qu’ils soient publics ou privés. Donc, c’est toute la pyramide sanitaire quel que soit le niveau qui est visé ou sera visé par l’accréditation. Au Mali, nous avons à la base les Cscom qui sont les premières prises de contact.

Après nous avons les CS-Réf qui ont été transformés en 2018 en hôpitaux de district. Nous avons également les hôpitaux de 2e référence. La différence se situe au niveau de la capacité de prise en charge. On les retrouve dans les régions. Et pour finir, nous avons les hôpitaux de 3e référence, qui sont à Bamako comme l’hôpital Gabriel Touré, l’hôpital du Point G et l’hôpital du Mali, qui sont des hôpitaux à vocation générale. Mais nous avons aussi des hôpitaux de 3e référence à vocation spécialisée comme l’Iota, l’Odonto et l’Hôpital dermatologique.

L’une des premières priorités c’est d’aller vers les hôpitaux de 4e référence et d’ailleurs la maquette d’un hôpital de 4e référence a été annoncée par le président Assimi Goïta. C’est pour que les évacuations sanitaires vers l’étranger puissent diminuer ou être arrêtées. En plus, il y a les cabinets de soins, les cabinets pour sages-femmes et les cliniques. A ce niveau, la seule différence c’est qu’on peut hospitaliser dans les cliniques mais pas dans les cabinets.

Tous ces niveaux seront pris en charge par l’accréditation.

Mali-Tribune : Qu’est-ce qui se passera lorsqu’une structure ne répond pas aux manuels ou aux normes ?

S F. T. : Si une structure ne répond pas aux normes, elle ne sera pas accréditée. La finalité c’est que c’est le ministre en charge de l’accréditation qui va donner une attestation aux structures accréditées. Cela voudra dire que si les soins que l’on prodigue dans ces structures ne sont pas de qualité, c’est la population elle-même qui va arrêter de s’y rendre. C’est un instrument pour l’usager de décider d’aller dans telle ou telle structure.

Mali-Tribune : Quelle serait la périodicité de vos visites ?

S F. T. : La durée d’une accréditation est fixée à trois ans avec une visite de suivi entre 11 et 13 mois après l’obtention d’un certificat d’accréditation. Cela ne veut pas dire qu’une fois qu’une structure est accréditée, que la structure ne fait plus objet d’évaluation. Nous ferons des tours pour voir si les normes continuent d’être respectées dans ces structures. Si nous remarquons que ce n’est pas le cas, nous lui retirons l’attestation d’accréditation tout simplement.

Mali-Tribune : Quels sont vos sources de financement dans ce processus d’évaluation et d’accréditation ?

S F. T. : C’est le lieu pour moi de remercier les plus hautes autorités qui ont bien voulu transformer l’Aneh en Anaes. Les missions se sont élargies, l’Anaes est au cœur du système de santé. C’est devenu un service stratégique du ministère de la Santé. Quand on donne assez de missions à une structure, il faut aussi les moyens. Les moyens c’est l’Etat qui nous soutient à travers ses subventions comme c’est un service de l’Etat.

Nous avons aussi des partenaires qui nous assistent dans l’opérationnalisation de ce nouveau service, notamment l’OMS, l’UMRSS, Canam et d’autres avec qui l’on est en discussion comme le Pnud. Nous sommes tous des potentiels malades et la santé étant un droit fondamental, nous sollicitions l’appui de tous les partenaires.

Propos recueillis

Aminata Agaly Yattara

 

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