Sékou Sangaré directeur national par intérim de l’ANAM :«Dès que la personne est recensée et immatriculée, elle peut avoir sa carte d’assuré et ses carnets de soins. Et il a accès aux soins»

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CIWRA INFOS : Qu’est-ce que c’est l’ANAM, dans quel contexte est-elle créée?

Sékou Sangaré : Avant l’ANAM, je parlerai d’abord du régime d’Assistance médicale (RAMED). Celui-ci est né suite à la politique de couverture totale du gouvernement en matière de sécurité sociale. À l’instar de l’Assurance maladie obligatoire (AMO), il fallait créer un régime d’assistance médicale. Le gouvernement du Mali à travers le ministère du développement social, de la solidarité et des personnes âgées s’est engagé dans un processus de mise en œuvre de la politique nationale de protection sociale, du plan d’action national d’extension de la protection sociale 2005-2009, du cadre national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (CSRCP) et du programme de développement sanitaire et social (PRODESS). C’est en vue d’assurer la couverture médicale des personnes dépourvues de revenus communément appelées «Indigents» conformément aux stratégies du PDES.

Donc, la mise en œuvre de cette politique de prise en charge en matière de sécurité sociale des indigents se fait à travers un service qu’on appelle, Agence nationale d’assistance médicale (ANAM). Un décret détermine ses modalités de fonctionnement qui est le décret 09-554/P-RM du 12 octobre 2009.

Comment se fait l’immatriculation des personnes éligibles?

S.S : Cela est une démarche. Vous savez avant l’ANAM, il existait un service social qui s’occupait de ces indigents à travers la Direction nationale du développement social qui a des services sociaux au niveau des cercles. Ce qui fait que même si la couverture n’était pas totale, les indigents bénéficiaient d’une certaine prise en charge. Maintenant, nous avons estimé qu’il faut définir le concept indigent, comme quelqu’un qui est incapable d’assurer sa propre prise en charge et n’ayant aucun soutien pour assurer ses soins. Je n’ai rien et je n’ai personne qui peut s’occuper de moi de façon régulière, c’est cela l’indigent. Les gens confondent souvent, indigent et pauvre. Tout pauvre n’est pas indigent, mais tout indigent est pauvre. Donc, les critères d’identification de ces indigents sont fixés par un service social qui est la Direction nationale du développement social à travers les services sociaux à la base. Identifié, l’indigent est recensé et soumis à l’appréciation des responsables de la collectivité. C’est-à-dire, le maire qui gère aussi à travers l’enquête sociale menée par l’agent social qui détermine le statut. L’indigent doit avoir des actes de naissance de ses enfants âgés de 1 à 14 ans et les certificats de scolarité des enfants de 14 à 21 ans quand ils étudient. Une fois, ces documents réunis sont transmis au niveau de l’ANAM ici au l’ordre d’immatriculation. Dès qu’il est immatriculé, la phase active commence qui est les choix des différentes prestations. Les ayants droits bénéficient des mêmes prestations à condition qu’ils aient leurs dossiers légaux déposés et enregistrés.

Y a-t-il une différence entre les prestations fournies par l’ANAM aux indigents et celles de l’AMO destinés aux fonctionnaires de l’État?

S.S : Ce sont les mêmes prestations qu’à l’AMO. Mais, nous avons des maladies à long terme qui sont exclus comme le diabète, le Sida et la tuberculose. C’est-à-dire, toute maladie considérée comme un problème de santé publique. Parce que déjà au niveau national, il y a des cellules créées pour rapport à cette chaîne de maladies. Donc à part celles-ci, nous sommes concernés par tout autre type de maladie. À préciser aussi qu’ils sont assurés pour une durée d’un an renouvelable chaque année. Parce que, je peux être indigent cette année, et ne pas l’être demain. L’autre raison est que même si je n’ai pas le pouvoir de travailler, il se pourrait qu’un parent ou peut être un enfant, et lequel, au fil de temps, peut avoir les moyens de s’occuper de moi. Il y a une certaine catégorie de la population qui est au niveau des centres de placement des enfants, des orphelinats n’ayant pas de soutien. Ces derniers sont pris en compte par le Régime d’assistance médicale (RAMED). Il y a également les adultes sans famille, c’est étonnant pour certains, mais on le voit fréquemment à Bamako ici. J’ai été un élu municipal, je connais un adulte sans famille et il faut dire que très souvent, on retrouve leur corps après leur décès aux abords du goudron ou dans des lieux publics. Le service social intervient aussi pour des personnes qui se trouvent dans cette situation.

À quel moment précis, les personnes assurées peuvent bénéficier des prestations?

S.S : Dès que la personne est recensée et immatriculée, elle peut avoir sa carte d’assuré et ses carnets de soins. Et il a accès aux soins.

Est-ce qu’au niveau des mairies, vous avez des mesures d’évaluation ou même de suivi pour éviter certaines pratiques?

S.S : Ce n’est pas pour rien qu’à ce niveau, nous avons un service contentieux. Les mécanismes de suivi et d’évaluation, d’anti fraude et de gestion de contentieux sont prévus par la loi. C’est pourquoi, d’ailleurs, au niveau des collectivités, on dit non. Un maire seul ne peut pas se dire, voilà un parent qui est indigent, donc il faut l’immatriculer et envoyer ses papiers là où il faut. Non et non ! Ce n’est pas comme ça. Il y a une commission et c’est pourquoi, les responsables des services font partie intégrante de cette commission. Sinon, votre inquiétude serait fondée, tout le monde pourra immatriculer un parent comme indigent. Mais, tel n’est pas le cas. Car, nous avons une commission qui atteste, un service de contrôle médical, un service de contrôle de prestation et c’est pourquoi nous vous disons que les mécanismes de contrôle et d’évaluation se trouvent déjà en place pour de pareille éventualité.

Que pensez-vous du déficit de communication au niveau de l’ANAM?

S.S : Oui, les gens disent qu’au niveau de l’ANAM, il y a un déficit de communication. Moi, je relativise. Quelques fois, je dis, quand l’ANAM a démarré en 2009, le premier travail a consisté d’abord à chercher un local pour recevoir le service à partir de septembre 2010. Les premiers agents de l’ANAM ont été recrutés en janvier 2011. Comme vous le savez, nous sommes dans un État réglementé en matière de finances et 2010 étant épuisé, il fallait aller avec le budget 2011. Aujourd’hui, nous sommes en train de mettre en place une stratégie de communication pouvant couvrir tout le pays. Et bien avant cela, l’ancienne Directrice avait fait un grand pas. Nous avions recruté un responsable à la communication qui avait démarché une agence de communication (Bintily Communication) avec laquelle, il y a un premier contrat. Cette agence a fait les différents panneaux publicitaires dans les six communes de Bamako et le support à la télévision nationale. Mais il reste entendu, que ce que vous dites est vrai ! Parce qu’à l’instar de notre structure sœur qui est la CANAM, le même problème de communication s’est posé. Nous allons maintenant essayer de renforcer notre politique de communication avec d’autres communicateurs d’autres compétences. Mais, je tiens à préciser qu’il faut faire beaucoup attention eu égard à la mentalité des groupes cibles. Le support médiatique que la CANAM peut adopter n’est pas souvent approprié pour l’ANAM. La raison est simple ! À la CANAM, le groupe cible sont des intellectuels à 90%. Chez nous, c’est des indigents. Donc, on ne peut pas avoir forcement le même support de communication. Nous avons réfléchi à tout cela.

Avez-vous un appel?

S.S : Le premier appel que je lance, s’adresse à vous les communicateurs pour qu’ils soient des relais auprès de la population. Nous avons un groupe à accès difficile. Comme vous le voyez à Bamako, il y a beaucoup d’indigents, mais il faut savoir que le programme ne s’adresse pas qu’à ceux de Bamako seulement, il couvre toute l’étendue du territoire national. Sans l’accompagnement de vous les communicateurs, au plan national et local, comment un indigent d’une commune rurale pourra savoir, qu’aujourd’hui l’État malien a mis en œuvre une politique en créant un service qui lui permet d’être pris en charge? Et comment un maire d’une commune pourra faire immatriculer ses indigents? Cela demande de l’information et même de l’éducation. Je vous prends à témoin, même à Bamako ici, ils sont nombreux ces indigents sans actes de naissance et sans carte d’identité nationale. C’est pourquoi, mon second appel va à l’endroit des responsables des collectivités qui sont mes collègues maires. Qu’ils sachent que c’est un service de sécurité sociale pour ces gens. Qu’ils acceptent de faire des concessions en mettant à la disposition de ces indigents, les papiers dont ils ont besoin pour permettre à notre service d’aller plus vite. Si les conditions d’accès à ces actes d’état civil deviennent difficiles, nous aurons toute la peine du monde de voir ces indigents immatriculés. Il n’y a jamais un monde sans indigent, mais notre solidarité agissante au Mali fait que pauvre ou riche, nous vivons tous ensemble en harmonie. À un moment de notre histoire, l’État a bien voulu accompagner ces indigents en leur offrant une couverture médicale. Cela veut dire que l’État a besoin de vous, les responsables des collectivités et vous les communicateurs pour que les actions dont il mène puissent être accompagnées.

Propos recueillis par Abdoul K Bah

AGENCE NATIONALE D’ASSISTANCE MÉDICALE

La protection médicale des indigents assurée

L’Agence nationale d’assistance médicale (ANAM) est un établissement public à caractère Administratif (EPA) dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Créée par la loi n°09-031/AN-RM du 27 juillet 2009. Et le décret n°09-554/P-RM du 12 octobre 2009, fixe les détails de l’organisation et les modalités de fonctionnement de l’ANAM, sous la tutelle du ministère du développement social, de la solidarité et des personnes âgées.

le nouveau Directeur National par intérim, Sékou Sangaré, a indiqué que la création de l’ANAM fait suite à une initiative du gouvernement malien qui s’appuie sur les résultats des études réalisées entre 2001 et 2007 par le ministère du développement social, de la solidarité et des personnes âgées. Ces études ont mis en exergue une insuffisance notoire en matière de couverture médicale de la population en générale, et des personnes indigentes en particulier. Les investigations ont montré que le pourcentage des indigents est estimé dans notre pays à 5% soit 597 835 personnes.

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