RFI vous propose de découvrir le regard que porte l’une des stars du continent africain, l’ancien international de football camerounais Samuel Eto’o, sur la pandémie de coronavirus. Sa fondation vient de conduire au Cameroun une caravane d’aide aux populations les plus démunies. Pourquoi cet engagement, quelles leçons la star tire-t-elle de cette épidémie à titre personnel et pour le continent africain ? Comment voit-il l’avenir proche des compétitions de football en Afrique bouleversées par le Covid-19 ?
Quel enseignement personnel tirez-vous de ces longues semaines de confinement ?
Samuel Eto’o : Il est clair pour moi qu’avec ce qui s’est passé, je passerai 60, 70 voire 80% de mon temps auprès de ma famille… parce que vous pouvez vous retrouver un beau matin sans votre enfant, sans votre épouse, sans même l’un de vos parents. Avec ce qui s’est passé, on a compris qu’il n’y a rien de plus important que les gens qu’on aime vraiment. La famille, certains amis, il n’y a rien de plus important que cela.
Votre fondation Samuel Eto’o vient donc de mener un projet d’aide aux populations les plus démunies du Cameroun. Concrètement, qu’est-ce que vous avez fait ?
C’était axé sur deux volets. Premièrement, il fallait sensibiliser les populations. Et le deuxième volet, c’était d’accompagner les gens pour qu’ils restent au maximum chez eux. On a pu distribuer du riz, de l’huile, du gel, du savon et même de l’eau potable pour permettre à nos compatriotes de tenir, parce qu’en Afrique, le secteur informel est très grand – il est même plus important que le secteur formel-. Les gens vivent au jour le jour. Et si les gens ne peuvent pas sortir pour gagner un peu d’argent, ils ne peuvent pas nourrir leur famille. Alors comment vont-ils faire ?
L’idée, c’est d’aider les gens pour qu’ils ne soient pas incités à sortir. C’est cela ?
Oui. Et comme cela, protéger contre ce virus.
Donc, il y a une caravane qui est passée par différentes villes du Cameroun…
Une caravane qui a commencé à Douala, ensuite Limbé, Buéa, Yaoundé et Bafoussam parce que ce sont les villes les plus touchées par ce virus.
Quelle est la leçon qu’il faut, selon vous, que l’humanité retienne de cette pandémie ?
Il faut que les gens comprennent que nous sommes tous des êtres humains. Noirs, blancs, rouges, jaunes, notre préoccupation était de sauver nos vies. Face à la vie, on a bien compris que nous restons tous les mêmes. Mêmes ceux qui sont très riches étaient bloqués, étaient confinés chez eux.
Moi, mon rêve après tout cela, c’est que cette Afrique change vraiment et qu’on soit conscient de la chance que nous avons de vivre dans ce beau continent aussi riche. En Afrique, on a une belle histoire, mais je crois qu’on peut faire beaucoup mieux sans compter sur les autres parce que, si vous regardez, nous sommes le continent le plus riche, mais paradoxalement le plus pauvre aussi. Il faut un sursaut d’orgueil, il faut qu’on sache se mettre ensemble. On ne sera jamais d’accord, mais l’intérêt général c’est l’intérêt général ! L’intérêt de notre continent doit primer sur tout. Il faut créer beaucoup plus d’emplois, donner la possibilité à cette jeunesse-là de pouvoir travailler. Je pense que c’est ce qu’il faut faire. Il faut permettre aux Africains qui veulent investir dans notre continent d’avoir la priorité sur certaines choses et d’avoir des avantages aussi, parce que nous sommes nés dans ce continent-là et il est normal qu’on revienne et que l’on ait certains avantages pour pouvoir investir dans notre continent.
Le Championnat d’Afrique des nations, le Chan, qui devait avoir lieu en avril a été reporté. La Coupe d’Afrique des nations, la CAN 21, prévue en janvier, risque d’être reportée elle aussi. Comment imaginez-vous la reprogrammation de ces deux compétitions de football continentales dans votre pays ?
Je ne veux pas me devancer. Je suis conseiller du président [Ahmad] Ahmad [président de la Confédération africaine de football (CAF)] et je laisse au comité exécutif de la CAF avec son président le plaisir d’annoncer le prochain programme du Chan et de la CAN.
Est-ce qu’au moins, ces sujets sont déjà en train de se discuter ?
La Confédération africaine de football est une institution sérieuse. Et depuis, elle ne travaille que sur cela.
Est-ce que la fête sera moins belle si la CAN est repoussée ?
La fête sera toujours belle. Le Cameroun, c’est un pays unique, c’est un pays de football. Le seul regret que je peux avoir, c’est de ne pas pouvoir participer à cette fête comme joueur de football. On a pu constater avec beaucoup de joie tous les efforts fournis par le gouvernement camerounais et le peuple camerounais en donnant à tous les sportifs, aux amoureux du ballon rond des stades dignes des stades de l’Europe. On n’a rien à envier aujourd’hui à certains pays européens. Aujourd’hui, mes jeunes frères ont ces outils-là. Nous allons tout faire pour qu’ils soient prêts à nous offrir l’une des plus belles coupes d’Afrique jamais organisées. Mais celle qui est belle pour nous, sera celle que nous allons gagner.
Ce que vous nous dites, c’est que, Covid ou pas, le Cameroun sera prêt pour la CAN…
Le Cameroun sera prêt pour la CAN. Le Cameroun a déjà tout pour abriter une CAN.