Fatoumata Témé ! Son histoire avait ému le Mali tout entier en 2020. Originaire du village de Bandé, dans le cercle de Koro, la petite élève de 14 ans (en 2020), avec la fermeture des classes dans cette zone due à l’insécurité, s’est retrouvée à Bamako comme aide-ménagère à Baco-Djicoroni. Fait du destin : c’est dans ce quartier qu’elle a été électrisée par un fil de haute tension entrainant l’amputation de ses 4 membres. Comment le drame est-il survenu ? Comment a-t-elle été prise en charge au Mali, mais aussi en Tunisie ? Quel est son état de santé ? Ce sont autant de questions que son oncle, Salif Témé, qui est à son chevet depuis le début du drame, a bien voulu répondre dans une interview exclusive. L’entretien s’est déroulé dans les locaux du Centre national d’appareillage orthopédique où Fatoumata Témé poursuit sa rééducation.
Aujourd’hui-Mali : Pouvez-vous nous rappeler comment le drame est survenu ?
Salif Témé : Je tiens à vous préciser que Fatoumata Témé était élève en classe de 8e dans un village du cercle de Koro. Avec la fermeture des classes, suite à l’insécurité, elle s’est retrouvée à Bamako comme aide-ménagère au quartier Baco-Djicoroni non loin de la maison de Tiken Jah Fakoly.
Le jour où l’accident s’est produit, elle était à l’étage avec les enfants de sa patronne. Voyant qu’un habit de la famille s’est retrouvé sur un fil haute tension, elle s’est servie d’une barre de fer pour récupérer l’habit en question. C’est au cours de cette manœuvre qu’elle a été électrocutée. A vrai dire, elle ne savait pas que ces lignes haute tension sont dangereuses.
Après le drame, les premiers soins ont été effectués où ?
Aussitôt après l’accident, elle a été transportée par sa patronne à l’hôpital Gabriel Touré où elle a été admise aux services des urgences.
Nous avons vu qu’elle a été amputée de ses quatre membres, donc son état était vraiment critique…
Evidemment, c’est à l’hôpital Gabriel Touré qu’elle a été amputée. Son état était vraiment grave mais Dieu merci elle a eu des soins appropriés ici au Mali dans cette structure sanitaire. D’ailleurs, c’est l’occasion pour moi de remercier tout le personnel de l’hôpital pour l’accueil et les soins appropriés qu’elle a reçus. Pour rappel, elle a été électrocutée le 17 juillet 2020, un vendredi et sa première amputation a eu lieu le 2 août 2020 et au fur et à mesure, tous ses membres ont été coupés.
Pourquoi l’avoir évacuée sur la Tunisie si tout se passait bien au Mali ?
Nous sommes partis à l’extérieur, plus précisément en Tunisie, pour la rééducation avec les prothèses, sinon elle n’a pas eu d’autres soins là-bas. C’était juste pour ça.
Pour cela, vous avez passé combien de temps en Tunisie ?
Notre séjour était prévu pour 45 jours, mais nous avons fait un peu plus de deux mois. Nous sommes partis le 26 août et sommes retournés le 15 novembre 2022. Sur place, elle a eu des prothèses de marque allemande pour ses quatre membres.
Qui a pris tout ça en charge ?
Le voyage pour la Tunisie a été pris en charge par les autorités actuelles. D’ailleurs, le ministre de la Santé et du Développement social, Diéminatou Sangaré, nous a accompagnés avec son collègue de la Promotion de la Femme jusqu’à l’aéroport.
Et pour les premiers soins à l’hôpital Gabriel Touré ?
C’est la famille même qui a pris en charge les premiers soins jusqu’aux premières amputations. Cependant, vu que la situation était intenable pour nous financièrement, le service social de l’hôpital Gabriel Touré a fait des publications sur les réseaux sociaux ; ce qui a suscité une mobilisation pour la cause de Fatoumata Témé. C’est l’occasion pour nous de remercier très sincèrement Salif Sanogo, l’ex-directeur général de l’ORTM, car il s’est beaucoup investi pour la cause de Fatoumata Témé, tout comme le président IBK.
Aussi, le président IBK avait promis de prendre tout en charge, mais quelques jours après, il y a eu le coup d’Etat.
Egalement, beaucoup de personnes et d’associations nous ont aidés durant cette épreuve. Notamment l’honorable Moussa Timbiné, le Rotary club, EDM-SA, le service social d’EDM-SA, la Société Yara, Assurance Sabougnouma… J’en oublie. Nous remercions tous ceux qui ont aidé Fatoumata durant cette période difficile. Un détail très important : l’infatigable Salif Sanogo était le lien entre nous et le président IBK. Il a mobilisé des personnes de bonne volonté dont l’ambassadeur du Qatar qui est venu au chevet de la malade à l’hôpital Gabriel Touré.
Est-ce que cette solidarité continue toujours ?
Oui, je peux dire que cette solidarité est toujours là, car d’IBK jusqu’aux autorités actuelles de la Transition, tous ont fait de leur mieux, sans oublier les personnes de bonne volonté et les sociétés de la place.
Et la rééducation, elle s’est bien passée ?
Oui, la rééducation n’est pas complètement finie, car elle doit faire un mois au Centre national d’appareillage du Mali. Mais, dans l’ensemble elle se passe très bien surtout au niveau des membres inférieurs (les pieds).
Aujourd’hui, avec ses prothèses, elle peut se tenir débout et marcher correctement. Mais, pour les membres supérieurs, la rééducation à ce niveau nécessite un peu de temps car ces deux bras ont été coupés jusqu’au niveau des coudes.
De nos jours, comment elle se porte moralement et physiquement ?
Nous remercions le bon Dieu, car elle a le moral. Au début, ce n’était pas facile, c’était dur même, soyons clair. Elle souffrait lors des pansements. On l’a consolée d’une manière, la famille était mobilisée, les psychologues aussi.
Aujourd’hui, est-ce qu’elle a besoin d’aide encore ?
Oui, elle a besoin d’aide, si elle trouve un logement social, cela sera très utile pour elle. Aussi, elle n’arrive pas à faire usage de ses deux membres supérieurs, ce qui fait qu’elle a besoin de soutien pour manger ou faire autre chose.
C’est l’opportunité pour nous de saluer sa cousine, Djénéba Témé. Cette dernière est aussi élève en classe de 8e A, mais depuis l’accident en 2020 jusqu’à nos jours, elle n’a pas suivi les cours, car elle est au chevet de Fatoumata.
Elle était même du voyage de Tunis ; elle doit aussi mériter une attention particulière en termes d’assistance.
En tout cas nous demandons aux autorités actuelles d’aider Fatoumata pour qu’elle puisse continuer ses études, car c’est son principal souhait, en plus qu’elle trouve un logement social ; cela va beaucoup l’aider. Car, pour rappel, elle est orpheline de mère et son père vie en Côte d’Ivoire, mais est à Bamako actuellement.
Votre mot de la fin ?
Juste des messages de remerciement à l’endroit de l’Etat malien qui, depuis IBK jusqu’à nos jours, continue à soutenir Fatoumata Témé.
Ce, sans oublier les personnes de bonne volonté et les associations. Aujourd’hui, grâce à cette solidarité malienne, Fatoumata a retrouvé la mobilité et surtout le sourire.
Propos recueillis par Kassoum Théra