Révélations de Mahmoud Dicko sur le quiproquo concernant l'Aïd el Fitr : La Commission d'observation de la lune était déjà dissoute parce qu'illégale

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Delenda Carthago ! (Il faut brûler Carthage !) disaient les Romains pour manifester leur désir ardent d’en finir avec les Carthaginois qui venaient de leur faire subir plusieurs revers. Les Maliens en général et les musulmans en particulier, les imams au premier plan, sont sur le point de dire la même chose, s’agissant de la Commission nationale d’observation de la lune.En effet, la célébration de la fête du Ramadan a étalé au grand jour, une fois de plus, les limites de cette commission sur fond de divergences des musulmans à propos du jour de l’Aïd el Fitr. Qu’est ce qui a pu donc se passer pour qu’en lieu et place du vendredi, comme prévu, les fidèles ont été informés, tard dans la nuit  que  l’Aïd el-Fitr était finalement pour le Jeudi ?  C’est pour en savoir davantage que nous sommes allés vers Mahmoud Dicko. Retrouvé dans l’après-midi du samedi 11 septembre, dans la mosquée de Badalabougou, il nous a déroulé le film des évènements  à travers une interview exclusive.

L’Indép : La fête de l’Aïd el-Fitr a été célébrée au Mali de façon disproportionnée. Les uns, c’est-à-dire la majorité des fidèles ont fêté le jeudi 9 septembre, alors que d’autres ont préféré attendre le vendredi pour, disent-ils, boucler 29 jours de jeûne. Une véritable confusion est entretenue sur cette question. Qu’est-ce qui s’est réellement passé ?

Mahmoud Dicko : Je tiens, tout d’abord, à vous préciser que je ne suis pas membre de la Commission nationale d’observation de la lune. Mais, en ma qualité de président du Haut conseil islamique du Mali, je suis de facto concerné. Cette commission avait été appelée au ministère de l’Administration territoriale, pour siéger le mercredi 8 septembre. Je suis monté au créneau pour dire que la Commission n’a aucune légitimité. Elle est illégale, en ce sens que ce n’est pas au 28ème jour du Ramadan qu’il faut convoquer les fidèles pour chercher la lune, surtout quand on sait que c’est le jeudi 12 août qui a été retenu comme étant le début officiel du Ramadan au Mali. Alors, j’ai demandé que la Commission soit dissoute. Au ministère de l’Administration territoriale et des collectivités locales, on est resté trop réticent à cette proposition.

On m’a demandé, si jamais la lune était aperçue, qu’est ce qui allait alors se passer ? J’ai répondu qu’en ma qualité de président du Haut conseil islamique, moi et mon équipe prendrons entièrement notre responsabilité pour faire face à la situation. Il faut préciser que c’est une question religieuse.

Ce n’est pas une affaire de telle ou telle personne. Sur cette base, la Commission a été dissoute et on a, en même temps, préparé un communiqué qu’on allait diffuser pour informer les fidèles que le vendredi 10 août serait retenu comme jour de fête au Mali. On avait pris cette décision pour éviter toute polémique sur la question, puisque nous voulions voir l’ensemble des fidèles unis, la main dans la main, pour fêter à l’unisson l’Aïd el Fitr. Les membres de la Commission sont alors rentrés chez eux.

 

L’Indép : Mais comment êtes-vous donc revenu sur votre décision?

Mahmoud Dicko : Je l’ai dit et je le répète ! C’est une question religieuse, on ne peut pas faire autrement. Déjà, dans la nuit du mercredi, entre 20 heures et 21 heures, des personnalités dignes de foi comme Chérif Ousmane Madani Haidara, des imams et d’autres fidèles, m’ont appelé. C’était pour me dire que des proches à eux les ont informés de l’apparition de la lune dans la région de Mopti.

Je ne pouvais pas mettre la crédibilité de ces personnes en cause. Ils sont sincères et honnêtes. J’ai pris mon véhicule pour aller directement, sans intermédiaire, au domicile du ministre Kafougouna Koné pour lui dire qu’on vient de m’informer que la lune a été aperçue dans la région de Mopti. Ensemble, nous avons  joint et les autorités administratives et les autorités religieuses de Mopti. Tous nos interlocuteurs ont confirmé que la lune est bien apparue à Mopti. Il est vrai que ce fut une décision très difficile à prendre pour nous, mais il fallait  s’assumer et il n’y avait aucune raison à ce qu’on n’informe pas les musulmans dans ces conditions.

L’Indép : Concrètement, à quelle heure  avez-vous eu l’information ? Selon nos investigations, déjà à 20 heures, beaucoup de Maliens avaient l’information.

Mahmoud Dicko : Pour être honnête, j’avais l’information depuis 19 heures. Mais jusque-là, ce n’étaient que des rumeurs. J’ai alors dit à ces personnes que je ne vais jamais convier les fidèles à célébrer l’Aïd el Fitr sur la base de rumeurs. C’est pour dire que je n’en ai pas tenu compte parce qu’il appartenait aux responsables religieux de nous informer. C’est justement lorsque des personnalités religieuses de premier plan me l’ont dit que je me suis exécuté.

L’Indép : pourquoi donc ce retard à informer l’opinion ?

Mahmoud Dicko : Il nous fallait d’abord du temps pour vérifier l’information pour ne pas induire les gens en erreur. Ensuite, les membres de la Commission étaient tous rentrés et injoignables, s’étant déjà tous inscrit dans la perspective que la fête était prévue pour le vendredi. J’étais obligé, en ce moment précis, d’aller à l’ORTM pour faire ma déclaration. Voilà comment les choses se sont déroulées.

 

L’Indép : Malgré votre déclaration à la télévision, certains ne vous ont pas suivi et ont préféré attendre le vendredi ?

 

Mahmoud Dicko : Je ne blâme personne et il faut comprendre les gens. Dans une situation pareille, il est difficile de faire l’unanimité. Je crois que nous devons être tolérants envers nous-mêmes. L’essentiel est que tout se soit très bien passé.

 

L’Indép : Régulièrement, la question de la lune divise les musulmans du Mali. Ne pensez-vous pas, tout de même, qu’il est grand temps de dépasser toutes ces polémiques et de faire recours à des moyens technologiques pour observer la lune ?

Mahmoud Dicko : D’abord, avant de faire recours à la technologie, il nous faut renforcer les moyens humains que nous avons dans ce cadre en installant, avec l’apport de l’administration, une Commission dans toutes les communes du Mali et responsabiliser des gens pour cela. Ce qui vient de se passer est une expérience. Elle doit nous servir de leçon à l’avenir.  L’observation de la lune est toujours une question à la fois difficile et délicate. Elle est liée à plusieurs contraintes, dont les manifestations atmosphériques, disons les aléas climatiques. Il ne faut pas oublier, à ce sujet,  que nous n’avons aucun moyen de contrôle sur le ciel dans ce domaine précis. La technologie à laquelle vous faites allusion, nous y pensons. Mais elle peut aussi être faillible. En tout cas, ce qui s’est passé ne se reproduira plus.

Nous allons oeuvrer en ce sens. Incha Allah !

Abdoulaye DIARRA

 

Observation du croissant lunaire

Les propositions de l’AISLAM

Dès le premier jour du mois de Ramadan, la question de l’observation lunaire a été déjà posée par L’Indépendant. En effet, ce fut le premier thème abordé par le chroniqueur Mohamed Kimbiri qui, à l’occasion, faisait des propositions intéressantes et très actuelles, dont, entre autres, l’exploration de nouvelles solutions. En voici un extrait pertinent.

La terre au cours de sa rotation sur elle-même fait passer l’heure d’un méridien à un autre.  Aussi chaque méridien possède-t-il son heure vraie ou heure solaire. Mais pour des raisons de commodité, on a opté pour l’heure légale ou heure officielle qui est valable pour un fuseau horaire donné, soit une étendue de 1 666,650 km.

Cela nous amène à penser à une situation pareille pour la lune. Car la lune apparaît, logiquement, au même moment pour tous les lieux situés sur le même méridien tout comme ceux-ci aperçoivent le soleil au zénith au même moment. Cependant, il se peut que des manifestations atmosphériques empêchent une observation claire du croissant lunaire. C’est, d’ailleurs, ce à quoi le Prophète de l’Islam faisait allusion quand il annonçait " …Comptez les jours ". Cette autre approche de détermination du début ou de la fin du mois venait d’être suggérée à la grande satisfaction des partisans du calendrier.

Le calendrier, une dernière solution à la question lunaire ?

Le calendrier, système de division du temps, présente un tableau des jours de l’année. Ainsi permet-il de " compter les jours " pour déterminer la succession des mois. Mais au vu des nombreuses tribulations de ce système de division du temps, l’on se pose la question de savoir s’il pourrait être la dernière solution à la question lune.

On se rappelle encore le passage du calendrier romain, comprenant 12 mois lunaires, au calendrier julien, comptant 365 jours, en l’an 708 de Rome. Puis  la transformation de ce dernier en calendrier grégorien en 1582 à cause des 10 jours de retard qu’il accusait déjà sur le temps normal et que le pape Grégoire VIII voulut corriger en décrétant de faire suivre directement le Jeudi 04 Octobre 1582 du Vendredi 15 Octobre 1582. Nonobstant cette correction, le calendrier grégorien est actuellement à 13 jours d’avance sur le calendrier hégirien. Alors quelle assurance pourrait-on avoir en décrétant de confier le Ramadan à un tel système de calcul du temps qui semble bien loin d’en finir avec ses mésaventures ?

Que faire donc ?

Au demeurant, rappelons que le calendrier dit musulman (Hégirien) obéit aux mêmes principes. Seulement il a un cycle de 346 jours au lieu des 365 jours ou 366 jours pour le calendrier grégorien.

C’est pourquoi nous pensons que le calendrier peut jouer un rôle indicatif ; mais l’ériger en norme de détermination du début ou de la fin du mois de Ramadan nous paraît assez osé.

Il semble qu’on peut se servir de système de calcul du temps, du calendrier par exemple, à la lumière des données géographiques et astrologiques pour concilier les positions des ulémas.

En effet, le mot " Chahida " employé dans le verset 185 de la sourate II du Saint Coran conditionnant le début du jeûne revêt, selon la plupart des Ulémas, le sens de " assister à, être présent à ". Alors on pourrait traduire le verset comme suit : " Celui d’entre vous qui se trouvera dans cette cité au moment de la nouvelle lune, qu’il jeûne le mois entier " tandis que le voyageur, par exemple, ne sera pas tenu de jeûner. Il apparaît donc que le fait de se trouver à tel endroit à la nouvelle lune est bien plus clair et d’une portée plus générale que la notion de vision  ou de calcul réduit à l’échelle du village ou de l’individu. Cela nous conduit à la position intermédiaire qu’approuve la plupart des docteurs (en théologie) de nos jours qui veut que lorsque le croissant lunaire serait aperçu dans un pays, les autres pays non loin du premier, puissent observer le jeûne. Cela pourrait s’expliquer géographiquement par le fait que ces pays appartiennent au même " fuseau lunaire " à l’image des fuseaux horaires. Si ceci était admis, pourquoi ne pas instituer une collaboration, voire une coordination entre les différentes commissions nationales d’observation de la lune dans la sous région ?

Tout compte fait, il y a lieu d’être vigilant et tolérant. Puisque l’objectif ou la finalité du Ramadan n’est nullement se s’abstenir de manger, de boire ou d’avoir du commerce charnel ; l’essentiel réside dans la recherche de l’agrément d’Allah, dans l’amour et la communion en Dieu. Pourvu que chacun soit sincère dans ce  qu’il fait,…seul le Seigneur demeure omniscient.

 

Mouhamed KIMBIRI

Secrétaire à la Communication de l’Association Islamique pour  le Salut

(AISLAM)

 

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