Professeur émérite de l’enseignement supérieur, Sidiki Traoré a un parcours hors du commun. Après 42 ans de loyaux services rendus à la Nation malienne dans le domaine de l’enseignement supérieur, il s’en tire avec zéro récompense en matière de décoration, alors que des médailles, on en distribue à tour de bras dans ce pays. Dans l’entretien accordé à notre rédaction, il nous parle de sa vie professionnelle et de son combat pour un enseignement supérieur de qualité.
Le Reporter Mag : Monsieur Traoré, une petite présentation à nos lecteurs ?
Je suis Sidiki Traoré, Professeur d’enseignement supérieur, numéro matricule 251 95H ; Grade : Professeur d’Université de classe exceptionnelle (3ème classe) ; Indice 1125. Je suis né vers 1948 à Koursalé, dans le Mandé profond (Cercle de Kati). Je suis de nationalité malienne, marié et père de six (6) enfants. Mes parents ne sont plus de ce monde. Mon père, feu Sory Traoré, fut l’Iman de mon village et ma mère, feue Aminata Koné, était une musulmane pieuse. Je suis à la retraite depuis 2013. Mon dernier poste avant la retraite était celui de Directeur général de l’Institut national de formation des travailleurs sociaux. J’habite sur l’Avenue Cheick Zayed (Lafiabougou), au cœur de la Cité ATEPA (face au 5ème Arrondissement de Police) dans la Villa K17.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?
C’est en juin 1967 que j’ai obtenu mon Diplôme d’études fondamentales (Def). En juin 1971, j’ai obtenu mon Diplôme des écoles normales secondaires du Mali (Option : Lettres-Histoire-Géographie). En juin 1979, j’ai décroché le Diplôme de l’école normale supérieure à l’Université de Badalabougou, Option : Histoire-Géographie. En septembre 1975, je fus admis au concours professionnel d’entrée à l’Ecole normale supérieure de Bamako. J’ai fait des études post-universitaires également. Ainsi, en septembre 1982, j’ai obtenu le grade de Docteur 3ème cycle en Géographie de l’aménagement à l’Université de CAEN (France). Après mon Doctorat, toujours en CAEN, au mois d’octobre 1981, j’y ai obtenu le Diplôme des Sciences et Techniques Régionales d’Environnement et d’Aménagement (DISTREA).
Et après ces études poussées ?
Après cela, j’ai occupé plusieurs postes importants dans mon pays. J’ai commencé en juin 1991 comme Conseiller chargé de l’éducation auprès du président du Comité de Transition pour le Salut du Peuple (C.T.S.P.). Puis, Conseiller technique au Secrétariat de la Présidence de la République à Koulouba et en mai 1993, chef de Cabinet au ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique. Au mois de juillet 1993, on m’a nommé au grade de Professeur d’Université au sein du personnel permanent de l’Enseignement supérieur, puis en janvier 1994, Conseiller technique chargé de la Communication dans le même Département. En mai 2003, je fus Directeur général de l’Institut national de formation des travailleurs sociaux (Infts). À partir d’octobre 1997, j’étais Responsable de la formation au DEA en Géographie urbaine à l’Institut supérieur de formation et de recherche appliquée (Isfra)…
Autres expériences enrichissantes vécues ?
Oui, mais très brièvement. En novembre 1990 : participation, sous l’égide du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST), à la rédaction d’un document intitulé «Environnement et Développement durable» dans le cadre de la préparation d’une conférence au Sommet de l’OUA. Juin 1988 : participation à Bobo Dioulasso (Burkina-Faso), en qualité d’expert du Mali, au séminaire du Comité Inter-états de Lutte contre la Sécheresse au Sahel (C.LL.S.S.), sur le thème : «Le Sahel face à son avenir ».
Avril 1995 : évaluation, au sein d’une équipe du C.LR.A.D de Montpellier, des activités menées par l’Institut d’Economie rurale (LE.R.) du Mali, à la demande du ministère du Développement rural. Juillet 1986 : participation à la rédaction du Rapport national pour la 2ème Conférence des ministres chargés de l’Application de la Science et de la Technologie au Développement en Afrique (CASTRAFRICA II), sous l’égide du ministère de l’Education nationale. En 1984-1985 : participation à l’élaboration du Plan de stratégie alimentaire au Mali, sous l’égide du ministère de l’Agriculture. 1983 : évaluation des activités menées par l’Ong britannique OXFAM, en Zone Manding au Mali. Février 1983 : recherche sur les Tontines à Bamako, en qualité de Consultant, à la demande du Bureau d’Etudes, de Conseils et d’Interventions au Sahel (BECIS). Janvier 1996 : «Etude sur l’impact du matériel socio-éducatif produit par Santé Maternelle, Infantile/Planification Familiale et les projets sectoriels du FNUAP», au compte du Centre national d’information, d’éducation et de communication pour la santé (CNIEC) du Mali et du Togo. 1998 : recherche sur le thème, «Décentralisation et Sécurité alimentaire», dans le cadre des activités de recherche du Projet SADAOC. Au mois d’avril 1988 : Mission d’enseignement portant sur le Sahel, au Département de Géographie de l’Université de Limoges (France). Janvier 1990 : Membre du Comité national de Programme de l’Association Malienne pour la Protection et la Promotion de la Famille (AMPPF). 1999 : recherche sur le thème, «Commerce, Infrastructures et Sécurité alimentaires», dans le cadre des activités du Projet SADAOC. Avril 2005 : président de la Commission «Formation et Ressources humaines de l’Atelier d’élaboration du Programme de Développement Social 2005- 2009 (PRODES II), du ministère du Développement social, de la Solidarité et des Personnes âgées.
Novembre 2005 : membre du Conseil d’administration de l’Institut en Science de la Santé… Mars 2007 : signature de la Convention de coopération entre l’Institut national de formation des travailleurs sociaux (INFTS) du Mali et l’Institut régional et européen des métiers de l’intervention sociale (I R T S) Rhône-Alpes (France), en qualité de Directeur général. Mai 2007 : membre du Conseil d’administration de l’Institut des sciences humaines. Novembre 2013 : Participation à l’Université catholique de Louvain (Bruxelles-Belgique), à la soutenance de thèse de Doctorat d’un étudiant malien, en qualité de co-directeur de la thèse sur le thème : «Pratique populaire solidaire et développement local au Mali : cas des organisations paysannes de la zone de Niono».
En tant que Docteur d’’Université, vous avez fait, nous semble-t-il, des publications. N’est-pas ?
Ah, oui, bonne question. J’ai fait une publication sous l’égide du Réseau sahélien de documentation de l’Institut du Sahel, intitulée : «Les quartiers spontanés dans les villes des pays du Sahel : cas de Bamako», en décembre 1988. Puis en octobre 1990, il y a eu la publication, en qualité dé co-auteur, du livre : «Le Mali, les défis du développement à la base», sous la direction de l’Ong canadienne, SUCO. De 1989-1990, publication, en qualité de co-auteur, d’une brochure intitulée : «L’eau à Bamako», dans le cadre des accords entre l’Ecole normale supérieure de Bamako et l’Université de Bordeaux III (France). Février 1990 : publication, en qualité de co-auteur, d’une brochure intitulée «Les actions d’OXFAM Grande Bretagne en région Mandé du Mali». En 2007 : Autres publications : la revue scientifique, «Travail et développement» ; la revue tunisienne des sciences du travail N°26-2007, intitulée «Solidarité et développement durable» ; en 2008 : publication dans le livre «Economie Solidaire : les acquis et les défis» de «Actes du Colloque international organisé par l’INTES de Tunis, les 15 et 16 novembre 2007».
Vous continuez à enseigner à l’Université de Bamako, même étant à la retraite. Pourquoi ?
C’est assez simple, je suis né enseignant et je vais mourir enseignant. Je suis venu dans ce métier par vocation et par conviction. Raison pour laquelle je continue à enseigner à l’Université, en donnant au moins 2 heures par semaine, pour ne pas rester dans l’inactivité. Ce métier est noble ; c’est un sacerdoce, mais très ingrat. Je vous rappelle que je suis admis à faire valoir mes droits à la retraite après 42 ans de service, dont 10 ans à l’Institut national de formation des travailleurs sociaux.
Malgré tout cela, vous n’avez eu aucune reconnaissance de la part de l’Etat malien…
C’est ça la dure réalité. Aucune récompense ou reconnaissance nationale. Et pourtant, dans ce pays, on distribue des décorations et des médailles à tour de bras, même aux griots. Les honnêtes gens, ceux qui ont rendu ou rendent de bons et loyaux services à la Nation, sont dans les oubliettes. Peut-être qu’il ne reste qu’à décorer les bandits armés ou les badauds du marché de Dabanani !
Propos recueillis par Ousmane DIAKITE