Avec seulement 12 lits, une petite capacité d’accueil, pour une grande audience, et ne disposant pas de lit d’hospitalisation aux personnes particulières, le service urologie du Centre hospitalier universitaire (CHU) Gabriel Touré, à l’instar d’autres services de cet hôpital, a besoin d’être réhabilité. La position géographique de cet hôpital situé au Centre-ville, fait que les malades y arrivent plus facilement et en grand nombre, nécessitant une consultation permanente du lundi au vendredi, et des consultations d’urgences dans les après midi durant toute la semaine. La capacité d’accueil du CHU est très inférieure à la demande. Les difficultés rencontrées dans cet hôpital ? C’est l’étroitesse du service, la pénurie du personnel adéquat, l’insuffisance des matériels et l’inorganisation. Il y a moins de 40 urologues pour toute l’étendue du territoire malien, une population de 17 millions d’habitants. Ces chiffres marquent la pénurie : la demande de soins est plus forte que l’offre et les structures. Dans l’interview qu’il nous a accordée, le Pr Zanafon OUATTARA jette un regard critique sur la politique de santé au Mali, notamment en ce qui concerne la prise en charge de la fistule vésico-vaginale, qui est selon lui, « la jauge de la politique de santé de la femme en âge de procréer », du fait de son lien avec l’accouchement. « La fistule vésico-vaginale ou la fistule obstétricale est une conséquence de la prise en charge inadéquate de la grossesse et du travail d’accouchement. Cette pathologie est imputable, à mon avis, à la politique de santé », souligne le Professeur OUATTARA. Mais pour ce grand médecin d’une extrême humilité, malgré l’insuffisance des moyens, « si vous êtes spécialisé, vous êtes suffisant pour être un service ». Interview à lire.
Le Républicain : Comment se présente le service Urologie de l’hôpital Gabriel Touré ?
Pr Zanafon Ouattara : Le service urologie de Gabriel Touré est un service comme tous les autres services d’un hôpital et il est fait seulement de 12 lits d’hospitalisation donc exigüe qui nécessite un élargissement pour augmenter la capacité d’accueil. C’est un service qui n’a pas de lit d’hospitalisation aux personnes particulières, ce qui est un handicap notoire pour certaines personnalités à traiter dans le service.
C’est dire que l’audience est plus grande que la disponibilité des lits à l’hôpital Gabriel Touré ?
Ah oui. Sur ce plan, nous avons toujours une la liste d’attente très longue, parce que nous recevons beaucoup de patients du fait de la position centrale de la structure, les malades arrivent plus facilement à l’hôpital Gabriel Touré et donc arrivent en grand nombre au point qu’il nous faut une consultation permanente du lundi au vendredi. Et les consultations d’urgences dans les après midi durant toute la semaine. Donc, notre capacité d’accueil est très inférieure à la demande.
Avez-vous un personnel suffisant pour le bon fonctionnement du service ?
Et là, vous aller défoncer une porte déjà ouverte. C’est pareil pour toute la structure. Le personnel n’est pas suffisant, mais les décideurs diront qu’ils n’ont pas de budget pour faire face. Or, le travail est très grand pour le personnel existant. Il faut nécessairement renforcer le personnel.
Quelles sont les maladies qui sont traitées à l’hôpital Gabriel Touré et qui relèvent de l’urologie ?
Je ne pourrais parler que de ma chapelle, en ce sens que la pathologie de la prostate représente presque 50% des maladies urologiques qui sont traitées à Gabriel Touré. La pathologie de la prostate, il faut l’entendre sous plusieurs formes : il y a l’adénome de la prostate, l’adénocarcinome de la prostate, les prostatites elles-mêmes, les abcès de prostate et j’en passe.
Le service est connu pour être celui qui prend en charge l’adénome de la prostate. Le commun des mortels connait l’urologie par l’adénome de la prostate. Cette pathologie permet à l’homme vieillissant ; c’est-à-dire à partir de 50 ans, tous les hommes ont des soucis avec leur prostate, soit sur la forme adénomateuse, soit sur la forme carcinomateuse ou sous la forme infectieuse. L’adénome de la prostate est la pathologie la plus fréquente, elle concerne l’homme âgé. Certaines études ont montré que l’âge de manifestation de l’adénome de la prostate est en train de baisser, c’est-à-dire à 45 ans, on a des premières manifestations pathologiques liées à la prostate.
Ya-t- il une explication à cela ?
Il y a des hypothèses. L’hypothèse la plus crédible est celle hormonale. La prostate est sous la commande de la testostérone qui est une hormone produite par les testicules et cette hormone gère le développement harmonieux de la prostate jusqu’à 50 ans. Mais après 50 ans, la sécrétion de cette hormone baisse et la prostate échappe au contrôle de cette hormone et se développe dans tous les sens, au point que le volume de la prostate prend une partie utile de la capacité fonctionnelle de la vessie. Donc la première manifestation de l’adénome de la prostate est la fréquence élevée des mictions, c’est-à-dire le fait d’aller uriner. Cette pollakiurie se manifeste en deuxième partie de nuit, cela fait que tout homme de 50 ans et plus, qui se lève plus de 3 fois la nuit, nous pensons que cette personne a un souci avec sa prostate. C’est pourquoi, il est recommandé qu’à partir de 50 ans, tous les hommes doivent faire une consultation d’urologie par an. Cela permet de faire le dépistage des pathologies liées à la prostate et cela permet de prendre des décisions thérapeutiques au moment venu.
Y a-t-il d’autres pathologies en plus de celles liées à la prostate ?
Comme autre pathologie qui est prise en charge à l’hôpital Gabriel Touré, il y a la fistule vésico-vaginale, qui à mon avis, est la jauge de la politique de santé de la femme en âge de procréer, parce qu’en général, elle est liée à l’accouchement. Donc, tout accouchement doit être sécurisé. Tout accouchement qui aboutit à une fistule vésico-vaginale doit être audité pour savoir où est ce que ça n’a pas tourné rond. Il me semble que c’est un droit pour toute femme d’avoir sa grossesse, de mener son travail d’accouchement convenablement, et donc d’avoir son enfant en vie.
Mais la fistule vésico-vaginale ou la fistule obstétricale est donc une conséquence de la prise en charge inadéquate de la grossesse et du travail d’accouchement. Cette pathologie est imputable, à mon avis, à la politique de santé. En ce sens que quelque chose n’a pas marché. Parce que je l’ai dit, les gynécos ont fabriqué un instrument de travail qu’on appelle partogramme, qui est un très bon instrument de suivi du travail d’accouchement. Et quand on le suit bien, on se rend compte que le travail à un moment donné ne se passe pas bien, on arrête le suivi et on change l’attitude thérapeutique pour que l’enfant à naître, naisse en sécurité. Et donc, s’il se produit un handicap, il faudra le repérer et le corriger.
Comment cela va s’opérer au niveau national?
Dans tous les coins du pays, il doit y avoir des structures capables d’orienter une femme enceinte, d’orienter une femme au travail, pour pouvoir mener à bien le travail d’accouchement. Donc, si vous êtes à Aguelhok par exemple, vous avez une femme enceinte, vous devez déjà, au cours de la consultation prénatale, repérer que cette femme peut accoucher normalement ou qu’elle risque d’avoir des difficultés pour l’accouchement. Et en ce moment, on détecte les femmes à risque et on les réfère. On n’attend pas que le travail commence pour la référer. C’est une femme à risque, elle est à Aguelhok, si la structure la plus proche est à Tombouctou, il faut l’amener à Tombouctou pour que le moment venu, le travail d’accouchement soit fait dans des conditions sécurisées. C’est la deuxième pathologie qui doit faire honte, je pèse bien mes mots, aux services de santé. A suivre…
Propos recueillis par B. Daou